Publié le : 30/04/2020

 

Mise à jour le 11 mai 2020

 

 

Le ministère a mis en place des fiches qu’il convient de lire et de s’approprier de façon critique. 

Une analyse et un entretien de notre collègue Stéphane Bonnery, professeur en science de l’éducation à l’université Paris 8 Saint-Denis peut également illustrer les problèmes qui se posent avec l’injonction d’assurer les enseignements à distance.

 

Sommaire de la fiche :

  • Contrairement au principe de “continuité du service public”, dont elle semble abusivement découler, la notion de “continuité pédagogique” est problématique et relève plus en pratique d’une discontinuité voir d’une cascade d’interruptions pour celles et ceux qui n’ont pas accès aux réseaux. La continuité à tout prix se transforme en une véritable fracture pédagogique.

  • Rappelons que la liberté pédagogique permet à chacune et chacun d'apprécier les conditions de délivrance des enseignements. Les injonctions d’où qu’elles viennent, en particulier de collègues “bien intentionnés” qui ne sont pas nos supérieurs hiérarchiques, ne sauraient la remettre en cause. Est-ce à nous de nous précipiter sur des tutoriels jour et nuit ? Sur la base du volontariat ? Pensez d’abord à préserver votre santé (psychologique) et celle de vos proches ! Pratiques, vigilances et questionnements 

  • Quels sont nos droits et nos obligations ?  Qu’est ce qu’une heure assurée à distance ? Est-ce équivalent à une heure en présentiel ? Qui et quand va le définir ? doit-on systématiquement créer des liens via les réseaux, les applications et les plateformes numériques ? N’est-il pas urgent de prendre un peu de temps pour y réfléchir ?

  • Quelles sont les mandats et les revendications de notre syndicat ?

 

Contexte de la fracture pédagogique

Outre l’impossibilité pour certains étudiant·es de se connecter sur une plateforme pour du “e-learning” (apprentissage en ligne), la continuité pédagogique proposée par le ministère et certains établissements pose un grand nombre de problèmes. 

  • Les plateformes ne sont pas forcément sécurisées (la fiche 2 cite par exemple l’outil gratuit et open source BigBlueButton où il n’y aurait pas “d’externalisation de données et de contraintes particulières RGPD”, mais la prudence doit rester de mise au vu de la profusion des outils pas forcément désintéressés/gratuits/localisés en France) et peuvent présenter des dysfonctionnements en particulier lors de la saturation du réseau. On assiste actuellement à une recrudescence d’attaques informatiques dans le secteur de l’ESR, ce qui nécessite d’avoir un anti-virus efficace souvent à la charge de l’enseignant·e et de l’étudiant·e, ce qui représente un coût non négligeable non pris en compte par l’établissement.

  • Ces systèmes d'apprentissage en ligne sont un véritable cheval de Troie car ils permettent à l’administration de l’établissement de contrôler à distance le travail des enseignant·es. C’est une atteinte grave à leur indépendance.

  • Plus fort encore, le ministère promeut dans sa fiche n°4 des outils numériques développés par des entreprises privées et propose des “fournisseurs de service” privé. Le ministère n’a-t-il pas confiance dans les équipes de recherche des universités pour développer ses propres outils ? De plus, on assiste actuellement à une offensive commerciale importante d’entreprises privées qui contactent directement des collègues pour vanter leurs produits en proposant même des offres promotionnelles ou des périodes d’essai de plateformes, ressources, etc.

  • Actuellement tous les établissements obligent les collègues à passer en enseignement à distance avec des injonctions parfois autoritaires. Face à l’incertitude quant à la date de fin du confinement, certains établissements commencent déjà à envisager la modification des évaluations (contrôle continu, tenue des examens, cf. Fiche D MMCC), le suivi de stage (Fiche F Stages),  etc. et cherchent à s’assurer de la légalité des examens surveillés à distance (voir fiche MESRI n°4 et la fiche E Télésurveillance) et de la validation du semestre/année (voir fiche MESRI n°5 et lettre Flash n°11 du SNESUP-FSU). Changer ces modalités sous prétexte d’une situation exceptionnelle pourrait conduire à des changements pérennes dans le contexte de restrictions budgétaires que connaissent actuellement nos établissements. Ces changements de pratiques peuvent donc être dangereux. Les étudiant·es, mais également les enseignant·es, ne doivent pas en faire les frais…

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Droits et obligations (références réglementaires)

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Pratiques, vigilances et questionnements

  • En temps normal, les dispositions relatives au télétravail dans la Fonction Publique ne s’appliquent pas aux enseignant·es et enseignant·es-chercheur·es, l’enseignement à distance pouvant parfaitement s’effectuer à partir de son lieu de travail et avec le matériel mis à disposition par l’université de rattachement. Les PCA (Plan de continuité d’activité) et l’obligation de confinement se traduisent dans les faits par un basculement généralisé de nos obligations de service dans notre espace privé. Beaucoup d’entre nous se retrouvent par conséquent dans une situation imprévue de télétravail. Ce télétravail n’est pas en soi une obligation mais la seule réponse proposée en pratique pour remplir nos obligations de service dans ces circonstances. Décret du 11/02/2016 sur le télétravail dans la fonction publique 

  • L’adaptation des enseignements en présentiel à des modalités d’enseignement à distance nécessite un travail de conception important voir considérable qui ne peut être exigé en quelques jours. S'investir dans l’usage des applications et ressources en ligne nécessite des formations voire une autoformation chronophage. Nous mettons en garde les collègues sur le fait que cet investissement ne doit pas mettre en danger leur santé ni détériorer les relations avec leurs proches, qui plus est dans le contexte actuel de confinement.

  • L’enseignement qui était prévu en présentiel ne peut être réalisé à l’identique et dans les mêmes proportions à distance. Des choix doivent être faits collectivement pour acter ce qui peut être fait et dans quelles conditions, et ce qui doit être mis provisoirement de côté.

  • Il faut être conscient que les conditions d’enseignement seront nécessairement dégradées et que les solutions ne pourront qu’être partielles, et ce quels que soient les efforts importants qui seront consentis par les personnels en capacité de les fournir. 

  • Il faut faire attention également, dans le contexte de confinement à respecter le droit à la déconnexion des collègues et des étudiant·es et à respecter les horaires de travail habituels.

  • Il est important de prendre le temps de réfléchir au bouleversement de notre posture pédagogique qu’implique l’enseignement à distance, de fixer des règles d'usage et de fonctionnement (heures et moyens pour se joindre), en songeant à se protéger aussi, dans la durée, face aux risques psycho-sociaux inhérents à ce type d’activité.

  • Il est nécessaire de prendre en compte la situation extra-universitaire des étudiant·es et des personnels (pas nécessairement accès à internet, difficulté d’accès à un ordinateur voire pas d’ordinateur disponible, obligations familiales), le travail à distance pouvant conduire à des discriminations sociales. Il est important de laisser le temps aux étudiant·es de rendre les travaux éventuellement jusqu’à la fin du confinement et à la réouverture des établissements d’enseignement supérieur et de recherche.

  • Nous invitons les collègues à ne pas répondre aveuglément à des injonctions qui remettent en cause liberté académique, c’est-à-dire la liberté d’enseigner en plus de celle de faire de la recherche

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Mandats et revendications

  • Les heures prévues initialement dans les emplois du temps doivent être considérées comme faites, et donc payées, y compris pour les enseignant·es vacataires (Cf Fiche B), ceci indépendamment du fait que les heures soient effectivement faites ou non (déjà acté à l’université de Lorraine et Université Grenoble Alpes).

  • Les CHSCT et les CT, ainsi que les organisations syndicales, doivent être associés au suivi des étudiant·es pendant la période de confinement ;

  • Le développement d’outils et de ressources propres à l'enseignement supérieur ou l’installation des outils déployés par les associations de logiciels libres sont  indispensables ;

  • Ne pas imposer aux enseignant·es la mise en ligne des cours ou l’usage du e-learning. L’enseignement à distance ne remplace pas l’enseignement en présence physique des étudiant·es. L’enseignant est libre de choisir les dispositifs les plus adaptés aux étudiant·es y compris lors de la période de confinement

  • Le SNESUP demande à être reçu par le ministère pour consolider la validité juridique des modifications locales par les commissions de la formation et de la Vie universitaire (CFVU ou l’institution locale en charge des ses missions) des Modalités de Contrôle des Connaissances (MCC) et des maquettes pédagogique lorsque ces modifications s’écarteraient de manière substantielle des accréditations initiales et ce afin de ne pas compromettre l’accréditation des établissements soucieux de s’adapter aux circonstances exceptionnelles de la crise actuelle.

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Pour tout témoignage et interrogation, contactez-nous : covid19esr[a]snesup.fr

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