Examens : oser s'affranchir des cadres habituels pour pouvoir délivrer des diplômes nationaux - Lettre Flash n° 11 du 7 avril 2020

Publié le 7 avril 2020

 

 

Dans les jours qui viennent, les équipes pédagogiques et les instances des universités vont avoir à se prononcer sur les évaluations d’une année universitaire affectée par la fermeture des établissements. L’urgence est de rassurer les étudiant·es sur les décisions prises et d’éviter un traitement inégalitaire. Les différents sondages et enquêtes réalisés par les collègues dans leurs établissements montrent à quel point les inégalités sont grandes face à la situation. La continuité pédagogique est une illusion. L’implication des collègues est en revanche bien réelle, malgré des conditions de travail parfois très difficiles. Les modalités d’évaluation concernant la validation de l'année universitaire en cours ne peuvent ignorer la rupture pédagogique qui est à l’œuvre.

Les situations que les étudiant·es affrontent sont très variables. Leurs conditions de vie, d’études et de santé sont différentes et interfèrent grandement sur l’organisation matérielle et la disponibilité d’esprit que requiert l’engagement dans les travaux universitaires. Nous ne pouvons accepter que certain·es ne valident pas le semestre en cours ou l’année du fait de l’absence de rattrapage ou d’une compensation rendue impossible entre les semestres, alors que l’échec pourrait être dû aux conditions d’étude qui leur sont imposées par la situation actuelle. Dans le doute, et pour garantir l'égalité de traitement de toutes et tous, la solution pourrait être que de manière exceptionnelle le semestre en cours, voire l’année, soient validés pour toutes et tous selon des modalités à définir collectivement. Une validation de tou·tes dans des conditions exceptionnelles n’a pas les effets négatifs que certain·es semblent craindre en évoquant des diplômes “bradés”. Cette validation resterait soumise à acceptation par l'étudiant·e qui pourrait y renoncer si il ou elle pense ne pas avoir acquis a minima les notions nécessaires à la poursuite de sa formation.

Dans les filières en tension, la gestion des flux dans les années N+1 pourrait être impactée par une validation massive. Il conviendrait alors de donner leurs chances à tou·tes les étudiant·es habilité·es à s’inscrire en obtenant les moyens nécessaires « quoi qu’il en coûte ». Embauches supplémentaires de personnels titulaires, ouverture de nouveaux groupes d’étudiant·es, construction accélérée ou réquisition de nouveaux locaux…, tout ce qui est nécessaire à une formation supérieure de qualité doit être envisagé. Dans le cas où il y aurait malgré tout des examens, aucune évaluation ne saurait porter sur des contenus dispensés pendant le confinement et des rattrapages doivent systématiquement être organisés. 

Cette validation de fait devrait également s’accompagner d'un plan d'urgence dans l'enseignement supérieur et d’une réorganisation calendaire et didactique pour la prochaine rentrée universitaire, afin que les formations puissent accueillir tous et toutes dans de bonnes conditions dans les années supérieures. De toute évidence, la rentrée 2020 ne peut s’envisager selon les routines habituelles car la crise actuelle aura des conséquences à long terme. Pour permettre d’envisager plus sereinement la suite de l’année, la première partie de l’année universitaire 2020/2021 - par exemple jusqu’à l’interruption pédagogique d’automne - pourrait ainsi être dédiée pour tout ou partie à l’enseignement des pré-requis en vue d’un renforcement disciplinaire sur les contenus dispensés ou non durant le confinement.

Nous rappelons la dissociation nécessaire entre le suivi, l’accompagnement, la transmission des connaissances, l’évaluation et la validation d'une UE ou d'un semestre. Valider l'année universitaire ou le semestre ne signifie pas que l’on renonce au suivi et à l’accompagnement des étudiant.e.s. Cela signifie juste que nous refusons que l'évaluation contribue à reproduire des inégalités sociales encore aggravées par la situation actuelle, et donc par des examens faisant fi de ces inégalités. Dans tous les cas, nous nous opposons formellement à l’organisation de toute épreuve à distance, dont les conditions d’égalité et de sérénité ne sont absolument pas remplies actuellement, et ne le seront pas dans les trois prochains mois. 

Lieux d’analyse critique, de formation intellectuelle et d’émancipation individuelle et collective, les établissements d’enseignement supérieur doivent permettre à chacun·e de se protéger, de se reconstruire le cas échéant et de se projeter dans l’avenir. Le SNESUP-FSU appelle à refuser toute frénésie évaluative et à oser renoncer aux cadres habituels devenus inopérants pour en inventer de nouveaux en phase avec le caractère exceptionnel de la situation et prenant en compte la réalité quotidienne des étudiant·es et des enseignant·es.