Fiche E : Télésurveillance des examens

Publié le 30 avril 2020

Mise à jour le 14 avril 2020

 

Sommaire :

Contexte de la télésurveillance

Droits et obligations (références réglementaires)

Pratiques et vigilances (modus operandi)

Positions du SNESUP-FSU

 

Contexte

Parmi les aménagements rendus possibles par l’ordonnance n° 2020-351 du 27 mars 2020, le MESRI propose notamment via des fiches dépourvues de portée normative des examens à distance avec possibilité de télésurveillance. La plus grande liberté laissée aux établissements d’une  dématérialisation complète des examens pouvant faire appel à de la télésurveillance, outre qu’elle se heurte à des problèmes techniques souvent insurmontables, facilite la  réalisation par les établissements d’un suivi individualisé des enseignant·es, au mépris de leur liberté pédagogique, et accentue potentiellement l'inégalité des étudiant·es.

La télésurveillance des examens est présentée dans les fiches n°5 du MESRI et n°6 du MESRI.

Elle pose des problèmes de droit relatifs, notamment à la protection des données personnelles pourtant garantie par le Règlement général de protection des données (RGPD). L'immixtion des dispositifs de vidéosurveillance au domicile privé est intrusive. La télésurveillance oblige l’étudiant·e à être isolé·e dans une pièce et impose des conditions très dépendantes du matériel, de la connexion et de l’environnement familial (partage d’ordinateur, impossibilité d’isolement, contraintes familiales, etc.), et cela, quand bien même un examen blanc serait prévu pour tenter de résoudre les problèmes. La fiche ne craint pas de préciser, dans une tentative d’exonérer l’établissement de toute responsabilité, qu’« il est nécessaire de demander à l’étudiant un engagement explicite à assumer la responsabilité des conditions techniques, matérielles et opérationnelles du déroulé de l’examen à son domicile ». Tentative évidemment vaine, la portée juridique d’un tel engagement apparaît des plus incertaine.

Au mépris des statuts de la fonction publique et des recommandations faites aux organismes d'Etat de recourir à des serveurs sécurisés, le MESRI va jusqu'à recommander le recours à des outils informatiques d’entreprises privées, autorisées (par qui ? comment ?) à héberger les données personnelles (identité, photos de l’environnement de la pièce et de l’étudiant·e) et des examens (enregistrements audio et vidéo, copie scannée) pendant trois mois, qui déclarent respecter le RGPD et avoir un niveau de protection des données suffisant. Mais avec quelles garanties, notamment s’il s’agit d’entreprises hors de France voire hors Union européenne? [1] Quelle assurance que ces données ne seront pas conservées ?  Qui prendra en charge leurs coûts plus élevés [1] qu’un examen en présentiel ? L’établissement au détriment du budget pour l’enseignement et la recherche? 

Les systèmes de télésurveillance peuvent déréguler le passage des examens en permettant à l’établissement d’en fixer les dates et horaires, sans nécessairement prendre en compte les situations imposées aux étudiant·es par leur environnement (proches en télétravail, travail salarié dans des secteurs stratégiques, garde d’enfant de moins de 16 ans ou aidant·e de personnes dépendantes ou malades, …). Notons aussi que la télésurveillance peut aller jusqu’à 20 étudiant·es maximum par surveillant·e d’après la société Managexam [faire référence au webinaire]. Combien en faudra-t-il pour les grandes cohortes de plusieurs centaines d’étudiant·es ?

 

Droits et obligations (références réglementaires)

Règlement général sur la protection des données (RGPD)

Ordonnance n° 2020-351 du 27 mars 2020 relative à l'organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19

Les mesures prises par cette ordonnance sont applicables depuis le 12 mars (effet rétroactif) et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2020. Elles ont pour objectif “de faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie” et de “limiter cette propagation”. 

Le chapitre premier de l’ordonnance indique que “S'agissant des épreuves des examens ou concours, ces adaptations peuvent porter, dans le respect du principe d'égalité de traitement des candidats, sur leur nature, leur nombre, leur coefficient ou leurs conditions d'organisation, qui peut notamment s'effectuer de manière dématérialisée »

 

Pratiques et vigilances

Avant tout, il faut chercher, dans tous les cas où c’est possible, à éviter l’imposition d’examens dématérialisés et télésurveillés sans consultation préalable des enseignant·es, qui sont les mieux placé·es pour décider, collectivement, des méthodes adaptées pour évaluer leurs étudiant·es.  Pour cette raison, il faut combattre les éventuelles tentatives des CFVU de déléguer aux chefs d’établissement les compétences que l’ordonnance leur octroie, et exercer la plus grande vigilance sur les décisions que peuvent prendre ces derniers lorsqu’ils sont compétents.

Dans les cas où l’organisation d’examens partiels dématérialisés est imposée, il faut : 

1/ Refuser qu’ils soient organisés par un organisme privé ;

2/ Prévenir les étudiant·es des dangers ayant trait à l’intrusion dans leur vie privée : certain·es peuvent être tenté·es par un examen dématérialisé qui permet d’éviter les trajets et les frais d'hébergement ;

4/ Prévoir les modalités d’évaluation alternative qui ne doivent pas pénaliser les étudiant·es dans l’incapacité de suivre l’évaluation à distance;

3/ Veiller à ce que l’université vérifie et garantisse que chaque candidat·e dispose des moyens techniques adéquats;

5/ Prévenir les étudiant·es suffisamment à l’avance (une semaine sans compter le temps de révision/préparation), en considérant qu’ils/elles n’ont pas forcément la possibilité de se connecter tous les jours;

6/ Ne pas imposer de cadre horaire spécifique, pour tenir compte du fait que certain·es étudiant·es ne sont pas libres d’accéder aux outils numériques quand ils/elles le souhaitent, ou que des membres de leur entourage peuvent les déranger à ce moment. 

 

Position du SNESUP-FSU

Nous devons être vigilant·es dans nos établissements afin d’une part que les mesures d'exception ne dérogent pas à la protection des données personnelles ni aux libertés académiques et d’autre part que ces mesures provisoires conséquence d’un service en mode dégradé en raison de la période de confinement ne soient pas pérennisées.

L’usage du numérique dans les évaluations influence la manière de les concevoir. Cela remet en cause les objectifs d’enseignement qui sont reliés au type d’évaluation que l’on peut réaliser. A travers l’exigence d’utiliser les outils numériques, les établissements incitent à (voire imposent) une transformation des pratiques pédagogiques qui se trouvent normalisées par les contraintes d’une évaluation numérique et à distance. C’est la part essentielle de l’interaction dans la pédagogie qui se trouve ainsi niée, a fortiori au niveau universitaire qui repose sur la construction commune et critique des savoirs et l’indépendance pédagogique des enseignant·es. 

A l’heure où les universités sont dans une situation d’austérité budgétaire, la sous-traitance de la mise en place des dispositifs d’examens et de contrôles en ligne auprès de prestataires privés est un surcoût inutile auquel les universités feraient bien de renoncer.

Par conséquent, la tenue d’examens à distance par télésurveillance est problématique voire dangereuse pour l’avenir des universités. Le numérique ne limite pas notre empreinte écologique, au contraire, il la renforce en nécessitant l’augmentation des capacités et de la rapidité des serveurs et connexions. 

Pour toutes ces raisons  le SNESUP-FSU n’est pas favorable à la télésurveillance.

Notes

[1] Quelques exemples de partenaires suggérés par le MESRI :

Managexam, société française, déjà utilisé par l’Université de Caen Normandie : 1,50€/étud./exam et en télésurveillance 5€ (universitaire) ou 8€ (prestataire) en asynchrone (vidéo captée) et 10€/h pour prestataire en synchrone (surveillance en ligne)

Proctorexam, société néerlandaise, qui travaille avec Sorbonne université et prestataire de la télésurveillance de FUN-MOOC : 500 examens 2800€ à 50000 examens 49000€ /an + 5€/exam en asynchrone ou 7€/exam en synchrone

TestWe, société française : 3€/étud./trimestre (forfait) si dans établissement et si télésurveillance 15€ pour 10 contrôles (universitaires) et 17€ (prestataire)

Theia, société française : Jusqu’à 10.000 copies synchrones. Les examens blancs des ECN (examens blancs de l’internat  - filière santé) sont joués sur la plateforme SIDES (plateforme Theia dédiée à la filière Santé en France) et rassemblent en mars depuis 2019 près de 9.000 candidat·es. gratuit jusqu’en juin 2020. Ensuite dégressif de 20€ à 10€ par étudiant·e et par an.

 

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Pour tout témoignage et interrogation, contactez-nous : covid19esr[a]snesup.fr

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