L’IDEX n’est pas une réussite ! - Un point de vue critique sur l’IDEX par la section FSU de l'Université Grenoble Alpes - 17 mai 2021

Publié le : 17/05/2021

 

Communiqué de la section FSU (SNESUP, SNCS, SNEP et SNASUB) de l'Université Grenoble Alpes

 

L’IDEX n’est pas une réussite !
 

Avant l’audition par le jury IDEX le 8 juin prochain,

un point de vue critique sur l’IDEX par la FSU Grenoble campus

 

Dans le dernier envoi d’«Inspiration(s), l'actualité de l'UGA et des organismes de recherche partenaires », Patrick Levy, qui est encore le directeur de l’IDEX,  affirme que « fort de ces avancées collectives et de toutes ses réalisations, le projet Idex UGA est pleinement intégré dans l’Université Grenoble Alpes, au service de sa stratégie pour le futur ». Notons que le bilan de l’IDEX n’a jamais été présenté en détail aux conseils centraux de l’UGA ni devant les élus, les personnels et les étudiants, pas plus d’ailleurs que le projet IDEX 2 qui sera présenté au jury international le 8 juin prochain. Nous vous informons de la demande que nous allons faire au président Yassine Lakhnech pour qu’un débat sur le projet IDEX 2 soit organisé au plus vite lors d’un CA exceptionnel.

Mais nous pouvons d’ores et déjà faire notre propre bilan.

 

1. Une logique d’appels à projets épuisante, inefficace et risquée !

D’abord, l’IDEX a été constamment centré sur une logique d’appel à projets incessants et souvent épuisants, mobilisant un temps considérable en termes de préparation de l’appel, de rédaction de projets, d’évaluation, de sélection, de reporting, temps global qui n’est jamais chiffré mais montrerait très probablement que le processus est globalement très inefficace.

Le processus d’appel à projets a intensifié la mise en concurrence entre les équipes et entre les individus, intensifiant une vision « d’excellence » de l’enseignement supérieur et de la recherche qui est fondamentalement inappropriée, qui fait ressortir certains thèmes « porteurs » souvent au détriment du long terme. Au niveau national, la communauté académique s’est exprimée de manière quasi unanime contre cette logique d’appels à projets incessants : l’IDEX grenoblois l’a considérablement amplifiée.

Cette logique s’est accompagnée de dérives graves compromettant la démocratie universitaire et violant parfois les règles de déontologie les plus élémentaires. Les processus de décision de l’IDEX ont échappé à tout contrôle des conseils centraux, avec des nouvelles structures décisionnelles sans membres élus, qui se sont étendues au cas du nouvel établissement public expérimental (EPE) qu’est l’UGA. Par ailleurs, 80% du budget IDEX consacré à la recherche a été attribué au programme d’appel à projets « Cross-Disciplinary Projects » (CDP), dont une partie du processus vient d’être retoqué a posteriori par la tribunal administratif. Un rapport du comité de déontologie pointe des manquements graves à la déontologie lors de l’attribution de ces financements (voir notre article sur le blog de la section FSU). Ces dérives montrent bien le danger de cette fuite en avant hors des clous de la collégialité et de la démocratie académiques.

 

2. L’IDEX, un outil méthodique de transformation des contours académiques !

Il ne faut pas s’y tromper, l'IDEX est un instrument de transformation des établissements universitaires (qui a conduit à la fusion des universités, puis à la création de l’EPE) dont nous voyons les conséquences : recul de la démocratie (avec des structures de décision, directoire, COPIL, hors conseils centraux), mille-feuille administratif et « usine à gaz » avec la création de la couche CAPM+CSPM qui ajoute de la lourdeur… et un coût de fonctionnement qui sera certainement très significatif (voir le dossier "Politiques de site : des regroupements chaotiques" dans la VRS).

Au-delà de la transformation des structures, l’IDEX est aussi un outil pernicieux de transformation des pratiques. Pratiques de la recherche avec les appels à projets incessants, mais aussi pratiques de la formation. En effet, le volet « formation » de l'IDEX est essentiellement dédié à l' « innovation pédagogique », c'est-à-dire à la transformation des pratiques d'enseignement. Or cette transformation se fait sans analyse de l’existant – et d’ailleurs dans une logique de pauvreté croissante des moyens de base de tous les enseignements – et là encore dans une fuite en avant vers l’innovation… et souvent vers la création foisonnante des enseignements numériques, comme les MOOC, au détriment des enseignements « en présentiel », pour lesquels les manques d’enseignants, de personnels administratifs et techniques, et de locaux sont criants, et ceci malgré la « manne » financière apportée par l’IDEX. Cette course au numérique, encore renforcée dans le contexte COVID et dans le programme PIA4, annonce sans doute une tendance lourde des années à venir : moins d’enseignants, plus de numérique …

 

3. L’IDEX, des moyens qui coûtent cher !

Par ailleurs, les financements redistribués sous forme de « projets IDEX » ont un coût élevé pour l'établissement. En effet, les différents projets, ainsi que les « surcouches administratives » générées par la mise en place de l’EPE, impliquent le recrutement d’un nombre élevé de personnels administratifs sur financement non pérenne, ce qui cause deux problèmes :

D’abord, cela génère de la précarité, et le nombre de personnels précaires a considérablement augmenté dans l’université, aussi bien dans le domaine de la recherche ou de la formation que de l’administration (le bilan social 2019 de l’UGA indique une part de 38.8% de contractuels pour les personnels BIATSS et 17.5% de contractuels enseignants, sans compter le nombre très importants de vacataires. Parmi ces derniers, 487 doctorants ont dispensé 16935 heures d’enseignement sous forme de vacations, soit l’équivalent du service cumulé de 88 enseignants chercheurs). De manière frappante, « en même temps » que l’IDEX recrutait des précaires, l’Université diminuait son nombre de personnels titulaires, enseignants chercheurs et BIATSS (voir notre communiqué) ! Ainsi, l'UGA est structurellement en déficit lourd (8.7 Meuros en 2021 avant les rectifications dues à la crise COVID), alors que les financements reçus via l'IDEX et les financements associés sont largement supérieurs. In fine, la richesse de l’IDEX ne règle rien de la pauvreté structurelle de l’UGA et de ses efforts désespérés pour revenir à l’équilibre budgétaire, en se trouvant de facto de moins en moins capable d’assurer ses missions de base ! Et ce d'autant plus que, comme nous l'avions prévu dès l'origine, l'IDEX est souvent en réalité (à l'UGA comme ailleurs) un instrument de siphonnage des fonds conduisant de fait à ce que les budgets des établissements soient réorientés pour conforter les orientations de l'IDEX via les appels à projet, à cause de la règle des co-financements universitaires.

Et puis, les personnels contractuels embauchés par l’IDEX le sont bien souvent sur des besoins pérennes ! Les organigrammes des structures administratives de l’UGA font régulièrement apparaître des contractuels IDEX en CDD pour assumer des fonctions « de base » de l’Université, et qui n’ont bien souvent aucun lien avec le projet IDEX. Par exemple, des personnels assurant le support administratif aux nouvelles « composantes académiques » ont récemment été recrutés sous financement IDEX, alors même que ces composantes ont vocation à exister bien au-delà de la période probatoire. Par ailleurs, même en cas de pérennisation de l’IDEX, ces personnels ne pourront être titularisés et pourront, au mieux, obtenir des CDI. En conséquence, que restera-t-il du financement IDEX si celui-ci est dépensé pour faire fonctionner l'EPE ? On le voit bien, l’EPE risque fort in fine de perdre plus qu’il ne gagnera avec l’IDEX, surtout considérant le cynisme du Ministère qui a refusé d’accompagner de quelque manière que ce soit la création de l’EPE par fusion des établissements partenaires.

En conclusion …
 

… le rapport bénéfice-pertes est en réalité très négatif, les bénéfices financiers très discutables s'accompagnant de lourds reculs en autonomie intellectuelle et en liberté académique. Ainsi, l’IDEX, même « pleinement intégré dans l’Université Grenoble Alpes, au service de sa stratégie pour le futur », ne fournit aucune perspective réelle sur les grandes questions auxquelles l’UGA va être confrontée dans les années à venir, et qui ne sont en réalité pas abordés dans le « plan stratégique » qui vient d’être adopté par l’établissement. Comment pourrons-nous adapter des moyens en baisse avec des demandes en augmentation croissante, de la société et des jeunes qui frappent à nos portes ? Comment pourrons-nous redéfinir un fonctionnement harmonieux, juste et démocratique de nos pratiques d’enseignement, de recherche, de gouvernance ? Et enfin, last but not least, comment parviendrons-nous à « réparer » les effets de la crise covid, qui aura un impact très important sur les recherches, les conditions de travail, et les conditions d'études des étudiants. La reconduction de l'IDEX permettra-t-elle de résoudre ces difficultés et de fournir des éléments de réponse à ces questions cruciales ? rien n’est moins sûr …