Édito : L’enseignement supérieur et la recherche, une priorité ?
Alors que les universités reprennent leur activité, que le pays est vent debout contre le budget 2026 proposé par le gouvernement, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (ESR), Philippe Baptiste, se félicite de la situation de l’ESR. Il considère que, dans le budget 2026, l’ESR bénéficie d’une augmentation de 500 millions d’euros par rapport à celui de 2025. « Malgré les incertitudes du moment, cela montre que l’enseignement supérieur et la recherche sont identifiés comme une priorité pour notre pays », a-t-il expliqué aux président·es d’université. Une priorité ?
Pour affirmer une telle chose, ne devrait-on pas prendre en compte le traitement subi par l’ESR depuis plusieurs années ? Manifester un tel optimisme, c’est faire peu de cas de la situation réelle des établissements : depuis 2005, le nombre d’étudiant·es a crû de près de 30 % sans que les effectifs d’enseignant·es et d’enseignant·es-chercheur·ses ne s’alignent sur les nouveaux besoins, les taux d’encadrement ont baissé, les recours aux contractuel·les et aux vacataires se sont multipliés, le jour du dépassement est chaque année plus tôt (le 31 décembre en 2023-2024). C’est aussi faire peu de cas des effets de la dégradation des conditions de travail et de la crise de recrutement qu’elle génère. Mais également du frein aux carrières qu’un régime budgétaire d’austérité rend inévitable.
Peut-on parler de « priorité » quand toute mesure catégorielle est a priori refusée et quand l’on annonce simultanément qu’il n’y aura pas de création d’emplois et que l’on réduit les capacités d’accueil ? Non, répond le SNESUP-FSU, d’autant qu’aujourd’hui 80 % des universités sont en déficit et peuvent faire l’objet d’interventions rectorales. Mais le ministre a aussi averti d’un renforcement des pouvoirs des recteurs et, sans craindre la contradiction, que la déconcentration, gage d’autonomie des universités, allait être elle aussi renforcée.
À la même période, un collectif nommé « Front économique », présidé par le président du Medef, Patrick Martin, et par l’économiste Philippe Aghion, décline ses ambitions pour l’enseignement supérieur : il recommande de « recentrer l’enseignement supérieur sur des parcours lisibles et favorables à l’insertion professionnelle, notamment en modulant les financements publics en fonction des débouchés effectifs ». Voilà une perspective que les contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP) passés à 100 % rendront malheureusement possible…
Mais d’autres voix se font entendre, et le Conseil économique, social et environnemental (CESE) appelle, quant à lui, à un sursaut face à « l’état de délabrement financier et de moyens » et recommande, pour préparer l’avenir, un investissement massif de 1 milliard d’euros par an pendant dix ans. Voilà ce que pourrait être une politique dans laquelle l’ESR serait une priorité.
Emmanuel de Lescure, secrétaire général
