Deux études officielles sur les perspectives d'emploi d'ici 2015

Publié le 6 février 2006

DEUX ETUDES OFFICIELLES SUR LES PERSPECTIVES D'EMPLOI D'ICI 2015

Deux études dessinent les perspectives d'emploi et de recrutement d'ici 2015 .

Les hypothèses et résultats sont assez voisins (la deuxième étude croise les besoins par familles professionnelles par les niveaux de diplômes pour les jeunes sortant du système éducatif). Le scénario peut être considéré comme assez " optimiste " : 2% de taux de croissance sur les 10 ans (alors qu'un " scénario noir " envisage le maintien d'un taux de chômage élevé conjugué à des difficultés de recrutement accrues) qui conduit néanmoins à un taux de chômage de 7,5% à l'horizon 20152. La population active reste stable pendant la période envisagée, en raison d'un taux d'activité des seniors en légère augmentation (du fait notamment des changements de comportements provoqués par la réforme des retraites3) .
80% (600 000 sur 750 000) des postes à pourvoir seraient consécutifs à des départs à la retraite ; 150 000 postes seulement correspondant à des créations nettes. La nature de ces postes serait conditionnée par d'importantes modifications dans la structure des emplois. D'un côté, il y aurait plus de cadres (21% de la population active contre 19% en 2000). Mais de l'autre, toujours plus d'emplois non qualifiés notamment dans les services4(la proportion d'employés non qualifiés passant de 13 à 14%). Ainsi, il y aurait " polarisation " accrue sur deux extrêmes : dans le premier pôle, des cadres et chargés d'expertise hautement qualifiés ; dans le second, des employés faiblement qualifiés. Le rapport Plan-DARES souligne la progression des aides à domicile, employées de maison, assistantes maternelles, agents d'entretien, correspondant notamment à des femmes peu diplômés ou restées longtemps inactives, à qui seraient ainsi offertes des " situations professionnelles fragiles " : horaires décalés et fragmentés, faibles rémunérations, rares perspectives d'évolution vers d'autres emplois.

Ces perspectives poseront d'importants problèmes d'organisation du travail et de " gestion des ressources humaines ". Certaines entreprises choisiront de favoriser la polyvalence, pour être plus " réactives ", mais pourront avoir des difficultés à recruter sur ce type de profil. A l'inverse, d'autres chercheront à accroître leur productivité en précisant et en hiérarchisant les tâches, mais auront des difficultés à offrir des perspectives à leurs salariés. Un exemple est donné pour illustrer ces tensions, celui du secteur de la santé : dans un contexte de maîtrise des dépenses, seront poursuivis les recrutements d'aides-soignants et agents de service, qui seront chargés d'une partie des tâches anciennement dévolues aux infirmières ; on explique que cette évolution pourrait permettre, moyennant des formations adaptées, des débouchés à des personnes actuellement éloignées du marché du travail, mais on reconnaît que se poseront des problèmes de reconnaissance des actes effectuées et d'ouverture de perspectives de carrière.

Pour ce qui concerne les jeunes sortis du système éducatif, le rapport de la DEP se veut rassurant : la proportion de jeunes qu'il faudrait recruter à un niveau supérieur au bac serait en augmentation : 46% des sortants en 2015 contre 42% en 2003, ce qui permet d'affirmer qu'il y a " un défi à relever qui s'articule pleinement avec l'objectif de conduire 50% d'une classe d'âge à un diplôme de l'enseignement supérieur ". Mais il apparaît un problème majeur dont on ne voit pas la solution : le volume de sortants sera voisin en 2015 de 740 000. Même en supposant que tous les sortants ne rentrent pas " en activité " (les données du Cereq conduisent à estimer un " taux d'entrée " de 92%), il reste un nombre de jeunes se présentant sur le marché du travail de l'ordre de 680 000. Et face à ces 680 000 (ou plus), il y a moins de 600 000 (594 000) " besoins de recrutement ".

Ainsi se précise l'avenir que les tendances actuellement à l'?uvre proposent à la jeunesse : d'un côté, 25% recrutés aux niveaux I et II (diplôme de second ou troisième cycle universitaire) et 17% au niveau III (bac + 2) ; mais de l'autre, 16% recrutés au niveau VI (sorties du premier cycle du second degré et des formations pré-professionnelles) et 17% au niveau V (sorties de l'année terminale des cycles courts professionnels et abandons de la scolarité du second cycle long avant la terminale), avec en outre près de 13% excédant les " besoins ", donc concrètement voués au chômage sauf s'ils parviennent à prendre la place d'autres salariés.


  1. «Les métiers en 2015 : l'impact du départ des générations du baby-boom», Dares- le Plan, Premières synthèses, décembre 2005.
    «Prospectives emploi-formation à l'horizon 2015», Direction de l'évaluation et de la prospective (DEP) du MEN, en collaboration avec le BIPE, note d'information février 2006.
  2. Dans l'étude de la DARES, on mentionne explicitement que ce taux de chômage est pris comme " cible ", car correspondant au " taux de chômage d'équilibre " (non inflationniste), tout en précisant qu'une variante avec un taux de chômage d'équilibre de 4,5% conduit pratiquement aux mêmes résultats, ce qui peut s'expliquer par le fait que les autres hypothèses du modèle sont inchangées.
  3. L'âge moyen de départ devrait ainsi reculer de 10 mois et demi d'ici 20015, pour atteindre 59 ans et 5 mois. Cependant, compte tenu de l'évolution démographique, le nombre de départs augmenterait de 50%, passant de 400 000 à une moyenne de 600 000.
  4. S'appuyant sur des «travaux d'experts», le dernier en date étant le rapport au Conseil d'analyse économique de Michèle Debonneuil, le Ministre Borloo propose d'exploiter le " formidable gisement des emplois de services à la personne ". Il s'agit de créer 500 000 emplois de cette nature dans les trois prochaines années. Déjà, depuis 1993 (date de la création du chèque emploi service), l'activité dans ce secteur a doublé de volume, et compte à présent 1,3 million de salarié(e)s : mais en fait, il s'agit essentiellement de temps partiels, et ces emplois ne représentent que 390 000 postes à temps plein.