Référentiel métier des enseignants-chercheurs : nouveau cheval de Troie statutaire?

Publié le : 05/06/2018

 

Référentiel métier de l’enseignant-chercheur :

normalisation et marchandisation des enseignants-chercheurs

Le 9 février, une consultation sur le référentiel métier de l'enseignant-chercheur s'est tenue au ministère avec les organisations représentées au CTU (Comité Technique des personnels de statut Universitaire). À cette occasion, les organisations syndicales (OS) ont découvert qu'un groupe de travail s'était réuni régulièrement sur cette question depuis la clôture de l'agenda social en juin 2016. Ce groupe était composé des représentants des services du ministère de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (DGESIP, DGRI, DGRH, IGAENR), de la Commission permanente du conseil national des universités (CP-CNU), de la Conférence des présidents d'université (CPU), de la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (CDEFI), de l'association des Vice-présidents d’établissements d’enseignement supérieur en charge des ressources humaines, du réseau des Vice-présidents Formation et vie universitaire, du réseau des ÉSPE, ainsi que de réseaux associatifs ou professionnels dédiés principalement à la pédagogie (réseau des services universitaires de pédagogie, ANSTIA, AIPU section France, réseau PENSERA, association Promosciences).

Devant un tel passage en force, la majorité des OS dont le SNESUP avait récusé la démarche d’élaboration du document et son contenu.

Le projet de ‘Référentiel métier de l’enseignant-chercheur’) transmis par le ministère dans la perspective de la réunion prévue début juin 2018 reprend, à quelques modifications mineures près, le texte initialement porté à notre connaissance lors de la réunion du 9 février, comprenant trois parties : une présentation liminaire précisant le statut du texte, ses objectifs et les modalités de son élaboration ainsi que le contexte plus général dans lequel s’inscrit son élaboration, une présentation des « activités » de l’enseignant-chercheur et le référentiel de compétences proprement dit. (Documents joints à cet article)

Le référentiel qui, selon les termes du ministère « n’a ni vocation normative ni valeur réglementaire » se veut une déclinaison des missions statutaires sous forme d’ activités et contient des éléments sur ce que devrait être la formation à l’enseignement des enseignants-chercheurs, que ce soit sous forme initiale (nouveaux recrutés) ou continue. Il serait, toujours selon le ministère, un outil au service du renforcement de l’attractivité du métier d’EC, voire de valorisation des compétences des EC.

Cependant, ce texte porte une vision fondamentalement contraire aux principes de liberté et d’indépendance des EC dans l’accomplissement de leurs missions. Les exemples de parcours d’enseignants-chercheurs traduisent une vision très hiérarchisée des relations et des carrières, avec des responsabilités d’encadrement s’élargissant progressivement, à la manière de carrières administratives, qui bannit implicitement les responsabilités électives. Par les injonctions relatives à la personnalité des individus, aux activités qu’ils ont à conduire et aux modes opératoires à adopter, directement tirées de la vulgate entrepreneuriale en vogue du NPM (new public management) dont il reprend la novlangue, le projet de référentiel ne vise rien d’autre qu’à normer l’exercice de notre profession, et à substituer à la logique de mission de service public une perspective de gouvernance privée c’est-à-dire de gestion et de quantification de la performance des agents en vue de l’évaluation de leurs activités et de leur mise en concurrence1. Il sert enfin de guide potentiel pour le recrutement massif à venir de contractuels en lieu et place des EC titulaires dont on peut craindre la disparition à terme (cf. France télécom, La poste, la SNCF) avec in fine celle du statut des enseignants chercheurs.

Le SNESUP dénonce le caractère normatif de ce texte. Cette pression normative se retrouve dans le logiciel référencé ci-dessous2 où l’EC devient une marchandise dont il faut faciliter l’identification et la mesure de valeur dans le cadre d’un grand marché de l’enseignement supérieur et de la recherche !

Ce document, par sa portée générale, excède largement le cadre de la discussion sur la formation initiale à l’enseignement. Celle-ci se met en place dans les établissements pour la rentrée prochaine sans que le ministère ait commencé à rédiger le cahier des charges prévu par les conclusions de l’agenda social. En conséquence, les discussions doivent se recentrer sur le volet formation des enseignants et s’engager sur une tout autre base que ce texte.

Le SNESUP ne participera aux réunions sur le référentiel EC que si ces réunions se concentrent sur le volet formation des enseignants et abandonnent ce premier document.

 

1 Un des objectifs du référentiel n’est-il pas de constituer une référence pour les enseignants-chercheurs en poste soucieux de valoriser les compétences qu’ils développent dans leurs activités ?

2 (extrait de la lettre d'avril du groupe logiciel du MESR, groupelogiciel.cnlesr.fr )