La laïcité travestie ou les infortunes de l’identité, par Alain Policar - Article publié sur AOC le 20 août 2018

Publié le : 29/08/2018

 

Article publié sur AOC [Analyse Opinion Critique], le 20 août 2018

La laïcité travestie ou les infortunes de l’identité

Par , Politiste

Clef de voûte de l’universalisme républicain, la laïcité se trouve aujourd’hui profondément dénaturée, allant jusqu’à devenir pour certains l’argument servant à justifier des politiques répressives, discriminatoires et identitaires. Au point qu’il devient urgent de rétablir la notion de tolérance que véhicule la laïcité afin de rendre possible une aventure planétaire « en commun ».

Assiste-t-on, comme le dénonce Danièle Sallenave, à un tournant identitariste des intellectuels français ? Il est fortement permis de le croire tant l’un des plus précieux outils de l’émancipation, la laïcité, a tragiquement été transformé, ces dernières années, en marqueur identitaire.

La France, longtemps incarnation idéaltypique de l’universalisme des droits de l’homme, autorise, voire valorise, l’expression d’un inquiétant malaise face à l’altérité que les oripeaux « républicains » ne parviennent plus à dissimuler. Cette crispation accentue ce que Jean-Marc Ferry a suggestivement nommé la « disjonction de l’universel et du commun » opérée par un « républicanisme de combat », lequel confond sacralisation de la nation et amour de la République, et invoque la laïcité comme un rempart contre le fondamentalisme.

Une laïcité identitaire

Cette situation est d’autant plus préoccupante que l’approche identitaire de la laïcité est, avec des nuances, revendiquée aussi bien à gauche qu’à droite, imposant mezza voce l’idée d’une différence fondamentale entre « nous » et des populations, essentiellement définies comme musulmanes, accusées de se tenir à l’écart des références communes de la société française. Les « élites », hélas, n’échappent pas à ce « ré-enracinement nationaliste de la conscience occidentale », selon la très juste expression   de Philippe Portier [1]. L’expression de catho-républicanisme, que l’on  doit à Cécile Laborde, et qui est une catégorisation assez correcte de l’idéologie du Printemps républicain, exprime parfaitement cette trahison de l’idéal universaliste du républicanisme classique. Dans le même sens, Étienne Balibar décrit une laïcité qui « doit servir à l’assimilation des populations d’origine étrangère (ce qui veut dire en clair : coloniale et postcoloniale), toujours encore susceptibles, du fait de leurs croyances religieuses, de constituer un “corps étranger” au sein de la nation ».

Alors que la laïcité, selon la loi de 1905, représente un idéal libéral de séparation stricte des ordres de la religion et de la politique, ce n’est pas la conception défendue par nos « républicains » autoproclamés. Pour ces derniers, il convient d’adopter une attitude de combat à l’égard des croyances religieuses. Les minorités, dès lors, doivent reléguer dans le domaine privé leurs différences culturelles et religieuses au nom du lien civique.  Mais  existe-t-il  une  (bonne)  raison  de  penser  que  la supposée «  identité  nationale  »  française  aurait  cet  extraordinaire privilège de coïncider avec l’universel, ce qui nous affranchirait de l’effort d’ouverture à l’altérité de l’autre ? Tous les principes en vigueur dans une société ne sont pas neutres et universels. Ils reproduisent, à la différence de l’égalité entre les sexes, les valeurs et les normes de la culture majoritaire. Il est  aisé de repérer, ainsi que l’a souligné Alain Renaut [2], dans les infléchissements contemporains du républicanisme français une  propension à un communautarisme d’un certain type qui chercherait  à faire prévaloir en France la représentation d’une communauté culturellement et linguistiquement homogénéisée, donc débarrassée de sa diversité. « Républicanisme » profondément anti-libéral car se donnant l’illusion de l’universalité par l’uniformité symbolique. (...)

 

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