Contre le projet Paris Seine, la position de l'intersyndicale de l'ENSEA

Publié le : 06/12/2017

 

Communiqué de l'intersyndicale de l'ENSEA (SNPTES et SNESUP-FSU)

29 octobre 2017

 

Contre le projet Paris Seine, la position de l'intersyndicale de l'ENSEA

Les politiques récentes pour l'enseignement supérieur et la recherche visent à combler un prétendu retard de la France au niveau mondial, mesuré à l'aune des classements de Shanghai et de ses clones, dont l'arbitraire et les biais ne sont plus à démontrer. Un autre objectif, louable, est d'amener une part plus importante des classes d'âge vers les études supérieures. Compte tenu des effets démographiques prévisibles, cela implique un accroissement considérable du nombre d'étudiants formés.

Logiquement, il faudrait donc augmenter l'investissement public : en part de PIB, la France ne se distingue pas sur cet aspect parmi les membres de l'OCDE [1]. Cependant, la politique d'ESR mise en œuvre écarte audacieusement cette marge de manœuvre, préférant agir selon deux axes :

  1. le regroupement forcé des établissements en des mastodontes mettant à mal les principes de démocratie universitaire,

  2. une politique de financement de l'« excellence », par l'intermédiaire d'appels à projets peu efficaces [2] et incroyablement gourmands en ressources humaines, qui, dans un contexte d'austérité budgétaire, se fait au détriment des dotations aux établissements publics [3] et par là, accroît les inégalités dans le service public d'ESR.

Il s'agit donc de sacrifier la majorité de l'enseignement supérieur, muselée dans sa gouvernance et sommée avec des moyens dérisoires d'accomplir ses missions de service public, au profit de quelques établissements privilégiés sur lesquels on parie pour briller dans les classements internationaux.

Dans ce contexte national, des directeurs et présidents d'établissements cergypontains ont décidé, dans une opacité savamment entretenue vis-à-vis du personnel et des usagers, d'engager un regroupement au calendrier expéditif (deux ans pour la création d'une Université Paris Seine, et une année supplémentaire pour parachever la délicate fusion de l'ENSEA publique avec l'EISTI privée). L'accès au dossier I-SITE nous fut permis un an après son dépôt, de manière partielle : aujourd'hui encore la communication de l'annexe financière du projet nous est refusée [4]. Nous nous opposons fermement aux projets délétères I-SITE et ses émules EUR, pour les raisons suivantes :

  1. risque de perte d'énergie immense des personnels dans l'harmonisation du fonctionnement des établissements, pour des gains loin d'être évidents, que ce soit en termes d'économie d'échelle ou d'efficacité,

  2. détournement des missions de service public principales au profit de la recherche de fonds propres, sans bénéfice pour les usagers,

  3. les étudiants ne sont pas une « ressource financière », encore moins des clients,

  4. les étudiants étrangers doivent pouvoir accéder à la formation dans les mêmes conditions que les nationaux. Nous ne sommes pas dupes, l'augmentation de leurs frais n'est qu'une manœuvre pour, à terme, généraliser des frais d'inscription importants. Si tel n'était pas le cas, la logique financière favoriserait une priorité à l'inscription d'étudiants étrangers,

  5. séparation des formations menant à Bac+3 en dépit du bon sens,

  6. mélange des genres entre public et privé dont les intérêts divergent.

Un regroupement n'aurait de sens que s'il vérifiait les conditions suivantes :

  1. construction d'un projet dans un temps long, en concertation dès le départ avec l'ensemble des personnels et des usagers, avec des bénéfices avérés pour l'accomplissement des missions principales de service public,

  2. une gouvernance démocratique dans la tradition universitaire française qui permet des prises de décision collégiales et mesurées en étant au plus proche des acteurs du fonctionnement des établissements, avec un conseil d'administration, instance principale de décision, composé d'au moins 75 % de membres élus représentant le personnel et les usagers,

  3. à défaut de gratuité, le maintien pérenne des frais d'inscription et frais administratifs au seuil actuel, pour tous les usagers, condition sine qua non pour que le service public d'enseignement puisse être accessible à tous, sans condition de ressources financières ni de nationalité,

  4. la priorité au recrutement de titulaires, dont le statut de fonctionnaire (devoirs inhérents et protections dans l'avancement de la carrière) les rend plus à même d'assurer la qualité des missions de service public,

  5. une séparation administrative claire entre établissements publics et privés, sans ingérence des uns dans la gouvernance des autres.

L'intersyndicale de l'ENSEA (SNPTES et SNESUP-FSU).

[1] https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/10/EESR10_ES_...

[2] http://huet.blog.lemonde.fr/2017/10/08/budget-de-la-recherche-2017-la-ve...

[3] https://anthropo-impliquee.org/2017/01/22/janvier-2016-lanr-ou-lenliseme...

[4] http://www.agence-nationale-recherche.fr/investissements-d-avenir/appels...

 

Pour aller plus loin :

Une analyse du projet I-SITE « Paris Seine Initiative »

Section SNESUP-FSU de l’ENSEA