A la hache

Publié le : 29/10/2009


A la hache

 

 

Depuis plusieurs mois, à répétitions des coups pleuvent sur les I.U.T. L'application de la loi L.R.U se fait dans une rapidité et une brutalité qui sont peu compatibles avec l'élaboration, la réflexion, la négociation. 

Les directions, les élus, les collègues sont débordés d'injonctions, d'évaluations, de décisions à l'emporte pièces, les négociations se font au coup par coup, sans vision globale.

Le gouvernement, le ministère est en train de réussir son projet : démanteler l'université, les I.U.T, par pouvoirs locaux interposés.

Le but une université à deux vitesses, voire même des universités d'élite regroupant moyens et prestige et des Universités-I.U.T mourroir, sans moyens, asphyxiés, dénaturés.

La situation est d'une extrême gravité.

 

Ce texte est un appel lancé à toute la communauté-I.U.T-Université, à réagir.

De nombreux collègues assistent aux coupes, attaques, recompositions d'une manière assez passive, chacun pensant peut-être échapper au rouleau compresseur des restructurations, d'autres s'enfoncent dans une fatalité déprimante, d'autres essaient de négocier dans des allers-retours avec les centres de décision, d'autre enfin luttent pour préserver les acquis (et non les privilèges) en vue de promouvoir un véritable I.U.T de service public.

Notre métier est attaqué au cœur, notre identité, spécificité est bafouée, quarante ans de travail, recherches, inventions, innovations pédagogiques risquent d'être détruites par un management qui croit pouvoir tout régler par des normes, des standards, des évaluations arbitraires contestées par presque tous.

Qu'importe, ça passe ou ça casse.

Comment ne pas penser à France Télécom, un management complètement coupé des réalités de terrain, de labos, de recherches qui par définition ne sont pas standards, de pédagogies, de stages, de liens avec les professionnels, de licences professionnelles. Tout le réel des I.U.T n'est pas reconnu parce qu'il n'est pas connu. Les gestionnaires ont toujours de la réalité une vision imaginaire, ils pensent que le monde est conforme à leurs idées, ils décident à contre-pied, et risquent de perdre le sang, la vie, l'essence de notre travail, de notre métier. (1)


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Les mesures actuelles découpent, évaluent, segmentent notre activité, il s'agit d'une véritable taylorisation du travail d'enseignant-chercheur.(2) La mise en concurrence des personnels, via les primes, des U.F.R via les déficits de co-opérations, et la course aux moyens, à terme feront (font déjà) des Universités un champ d'affrontement non démocratique, bureaucratique.

Nous voulons tout le contraire : partage, co-opération, solidarité, échange, mutualisation, projet commun de service public. Les I.U.T doivent réagir d'une manière non corporatiste, ils doivent affirmer haut et fort leur singularité, transférer vers l'Université les acquis, se solidariser avec les forces vives de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les I.U.T doivent s'engager à fond dans une réflexion sur les moyens de résister et de gagner encore plus de service public, encore plus d'identité, encore plus d'efficacité, par nous décrétée.

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Nous ne pouvons tout aborder, pointons juste la question de la pédagogie et celle des étudiants. Les deux sont liées.

La pédagogie est innovée à l'I.U.T, innervée depuis vingt ans par des recherches, des pratiques fantastiques : travaux en petits groupes, suivis de stages, projets tutorés, P.P.P, relations de proximité avec les étudiants, écoutes, articulation entre savoirs académiques et savoirs professionnels, valorisation des métiers, invention de nouvelles filières, prise sur les modifications sociales, économiques et technologiques....

Quant aux étudiants, si nous avons un des meilleurs taux de réussite, c'est bien parce qu'ils sont formés, encadrés, encouragés. Bien des choses restent à faire en termes de santé, de culture, de poursuites d'études, longues.

Cette originalité, cette culture I.U.T doit être absolument préservée et développée. Les décisions actuelles qui visent à normaliser les I.U.T et à sabrer leurs moyens sont désastreuses, elles annulent quarante ans d'expériences.

Quand on veut tuer son chien on dit qu'il a la rage.

La rage nous l'avons certes à ne pas nous laisser faire, ni intimider, c'est la raison pour laquelle nous appelons à une journée d'études et d'action, de propositions audacieuses en termes scientifiques, pédagogiques et technologiques.

 

Jacques BRODA

 

(1) Ce métier polyvalent combine des activités de recherche, d'enseignement, d'encadrement. L'originalité des enseignants des I.U.T est d'avoir réussi ce triplé. Dans les I.U.T la recherche existe, vit, se développe, souvent articulée à la technologie elle produit des effets concrets, efficaces. Au lieu de casser l'outil existant il faut le consolider, le valoriser, en concertation avec tous les acteurs sociaux. Une transversalité anti-taylorienne !

(2) Il est découpé en morceaux, sous haute surveillance, évalué en permanence sur des critères arbitraires, les savoirs-faire, les métiers, le corps de notre activité, sont méconnus, nos engagements, nos valeurs, nos inventions sont méprisés. Il s'agit d'une véritable expropriation d'expériences, d'une renormalisation par le haut de tâches éminemments complexes dont on dénature l'essence par la quantification productiviste.