Fiche LRU n°4: Budget global / Compétences élargies

Publié le : 11/10/2007

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Circulaire Calcul Masse Salariale RCE du 31 octobre 2008 (Adobe Acrobat 104.06 kb)

Circulaire Depenses de Personnel Transférées RCE du 31 octobre 2008 (Adobe Acrobat 253.41 kb)

Circulaire calcul Plafond Emplois du 31 octobre 2008 (Adobe Acrobat 138.37 kb)

 Fiche LRU n°4: Budget global / Compétences élargies


Le chapitre financier de la loi LRU est central.
C’est autour de lui que peuvent se comprendre les intentions réelles de
ses concepteurs. Le budget global rend en particulier pleinement
possible la dévolution du patrimoine, les Fondations et le financement
privé.

Le nouveau texte

Art.18/L712-8 :

« Les universités peuvent (…) demander
à bénéficier des responsabilités et des compétences élargies en matière
budgétaire et de gestion des ressources humaines... »

Art.49 :

« Le chapitre Ier du titre III de la
présente loi s’applique de plein droit à toutes les universités au plus
tard dans un délai de cinq ans à compter de sa publication. »

Art.50/L 711-9 :

« Les établissements publics à caractère scientifique,
culturel et professionnel autres que les universités peuvent (…)
demander à bénéficier des responsabilités et des compétences élargies
en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines… »

Art.18/L712-9 :

« Le contrat pluriannuel d’établissement (…) prévoit,
pour chacune des années du contrat (…), le montant global de la
dotation de l’Etat en distinguant les montants affectés à la masse
salariale, les autres crédits de fonctionnement et les crédits
d’investissement. Les montants affectés à la masse salariale au sein de
la dotation annuelle de l’Etat sont limitatifs et assortis du plafond
des emplois que l’établissement est autorisé à rémunérer. Le contrat
pluriannuel d’établissement fixe le pourcentage maximum de cette masse
salariale que l’établissement peut consacrer au recrutement des agents
contractuels. (…) L’établissement assure l’information régulière du
ministre chargé de l’enseignement supérieur et se dote d’instruments
d’audit interne et de pilotage financier et patrimonial selon des
modalités précisées par décret. Les comptes de l’université font
l’objet d’une certification annuelle par un commissaire aux comptes. »

Comprendre la réforme

Le budget global (qui « peut » être adopté « de plein
droit » au plus tard dans un délai de cinq ans) est un vieux serpent de
mer libéral, parfaitement compatible avec la LOLF. Le rapport Mudry de
2002 en avait déjà fixé le principe. En intégrant la masse salariale au
budget, dans le cadre du contrat pluriannuel d‘établissement, il opère
d’abord au niveau symbolique : les fonctionnaires d’État ne le sont
plus tout à fait parce que payés par leurs universités de rattachement,
voire par leurs présidents (ce qui devient littéralement vrai en ce qui
concerne les primes). Surtout, la loi précisant bien que le nombre des
emplois est limité par un plafond (L.712-9), il permet la « fongibilité
asymétrique » chère à la LOLF : de la masse salariale pourra être
convertie en budget de fonctionnement ou d’investissement alors que
l’inverse sera impossible.

L’objectif de réduction du nombre de
fonctionnaires (et principalement, on va le voir, du nombre
d’enseignants) pourra donc être réalisé « en douceur », au nom de la
contrainte budgétaire, par les établissements eux-mêmes. Dans le même
esprit, il rend particulièrement facile le « repyramidage » :
transformation de postes d’une certaine catégorie en une autre, d’un
corps à un autre. Les besoins des universités en matière de personnels
BIATOSS étant criants et devant s’accentuer en raison des nouvelles
tâches et missions que la loi leur assigne (budget global mais aussi
aide à l’insertion, etc.), le ministère (cf. circulaire emplois 2008 du
07/09/2007) recommande déjà aux présidents de transformer des postes
d’enseignants ou enseignants-chercheurs en postes administratifs de
haut niveau (le ministère se déclarant même prêt à assumer l’éventuel
surcoût… la première année seulement).

En pratique, dans le cadre de la
volonté expresse du gouvernement de ne plus créer de postes dans le
supérieur (en attendant qu’il en supprime), c’est donc à la fois une
véritable réduction du nombre de postes d’enseignants et de l’offre de
formation qui se profile et, pour les personnels, un alourdissement à
la carte de la charge de travail administrative et/ou d’enseignement
(article 19). De surcroît, la loi permettra la généralisation de la
précarité à l’université… En autorisant, par ponction sur la seule
« masse salariale », le Président à recruter des CDD et CDI à la place
de fonctionnaires BIATOSS ou enseignants (L.712-9), la loi ouvre la
porte à l’existence concurrente de deux grandes catégories « légales »
de personnels dans les établissements. Qu’elle assigne un pourcentage
« maximum » de
masse salariale consacré à la rémunération des contractuels (L.712-9)
n’offre à cet égard aucune garantie. D’une part, ce pourcentage sera
négocié dans le cadre du contrat pluriannuel et donc variable selon les
établissements. Il sera probablement très important dans les
établissements déjà sous-dotés et les petites universités. D’autre
part, un pourcentage de « masse » ne donne pas de pourcentage
d’emplois. Il encourage en revanche à verser les plus bas salaires
possibles de façon à augmenter le nombre de contractuels nécessaire au
bon fonctionnement des services. Les tensions entre fonctionnaires et
contractuels s’en trouveront exacerbées.

Soulignons aussi que le budget
global permet a priori d’englober la recherche (incluse dans la
dotation globale) parmi les variables d’ajustement budgétaires. Nul
doute que celle-ci risque d’en pâtir, en particulier dans les petits
établissements… Enfin, la fin de l’article 712-9 montre clairement que
le budget global des établissements sera surveillé de façon tatillonne
et bureaucratique par le ministère. L’autonomie, comme le libéralisme
du gouvernement actuel, risque d’être singulièrement autoritaire…

Position du SNESUP

Le SNESUP est opposé au budget global. D’une part, il
rend encore plus opaque les critères de dotation à chaque établissement
(l’importance de la masse salariale relativisant les autres lignes
budgétaires). D’autre part c’est une arme contre la fonction publique
qui permet l’aggravation continue de la précarité. Fongibilité
asymétrique aidant, il transforme les chefs d’établissement en managers
dangereusement coupés de leurs collègues. Il introduit des mécanismes
étroitement gestionnaires, contraires à la fois au service public et
aux libertés académiques. Dans ce cadre, le contrat pluriannuel risque
d’être l’instrument par lequel l’État dicte sa loi : la soumission
étroite des établissements à une logique de projets où l’indépendance
de la recherche et de l’enseignement n’ont plus leur place (voir aussi
à ce propos la fiche sur les fondations). A l’inverse, le SNESUP exige
des crédits récurrents fortement augmentés sur la base de critères
démocratiquement débattus (nombre d’étudiants, besoin des formations et
des laboratoires, entretien des locaux…). Afin de combler le retard
accumulé, des postes de fonctionnaires enseignants-chercheurs et BIATOS
doivent être créés en même temps que les allocations de recherche
doivent être multipliées… Le développement des formations doit être
programmé en fonction de l’ensemble de la demande sociale et non de la
seule demande des entreprises. Ce n’est pas d’un budget global dont les
universités ont besoin mais tout simplement d’un budget leur permettant
de fonctionner et de répondre aux besoins sociaux, anciens et nouveaux.

Pistes pour l’action

La plupart des Présidents se sont déclarés pour le
budget global, tout en ajoutant prudemment qu’il fallait des moyens aux
universités pour pouvoir le mettre en œuvre. On peut néanmoins parier
sans risque que le gouvernement n’engagera pas ces moyens et que le
budget global sera celui d’une pénurie lui permettant de parvenir à ses
fins (disparition de la fonction publique d’État à l’université, carte
universitaire bouleversée, diminution de l’offre de formation,
notamment dans les filières longues, orientation massive des jeunes des
classes populaires vers des filières professionnalisantes courtes
déviées de leurs objectifs universitaires au profit de ceux du
patronat, etc.). Dès lors, il faut mettre les Présidents et les
conseils devant cette contradiction majeure et tenter de retarder au
maximum le passage des établissements au budget global.

Ajoutons que la formulation ambiguë de l’article 18
permet de contester l’obligation même du passage au budget global
(« pouvoir » n’est pas devoir).

Mais, au-delà de ces aspects tactiques permettant de gagner du temps, il faut dès maintenant alerter et mobiliser :

  • les
    collègues enseignants et BIATOS contre la casse des statuts et du
    service public à laquelle conduisent inévitablement le budget global et
    la loi LRU,
  • les
    étudiants contre les menaces graves que ces mêmes budget global et loi
    LRU font peser sur l’offre de formation et l’indépendance de leurs
    formateurs.