Fiche pratique : Recrutement des personnes handicapées dans les corps d’enseignants-chercheurs et d’enseignants

Publié le : 15/09/2021

 

 Fiche pratique 

« Recrutement des personnes handicapées dans les corps
d’enseignants-chercheurs et d’enseignants »

 

Depuis 1987, l’État-employeur se doit, comme tous les employeurs en France, d’atteindre une proportion de 6 % de ses agents en situation de handicap. Faute de quoi, une pénalité financière s’applique pour les employeurs concernés, y compris les employeurs publics. Les établissements d’enseignement supérieur et de recherche (ESR) sont donc concernés et doivent se saisir des dispositifs spécifiques de recrutement, y compris pour les corps enseignants-chercheurs et enseignants (EC et E), que nous évoquons ici.

Les établissements d’ESR invitent fortement les personnels déjà en emploi à déclarer un éventuel handicap et à faire les démarches pour obtenir une reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH). Mais cela ne suffit manifestement pas puisque, selon les données du bilan social ministériel de 2019, présentées de façon à ne pas donner lisiblement les chiffres, le taux d’emploi des personnes handicapées dans toutes les catégories de personnels est de l’ordre de 3 % (3,43 % dans les établissements passés aux responsabilités et compétences élargies (RCE) et 2,97 % dans ceux n’ayant pas les RCE). Il est donc important, pour compenser ce déficit d’emploi des personnes handicapées dans l’ESR, que se développe le recrutement direct de personnes handicapées, tout particulièrement pour les personnels enseignants-chercheurs et enseignants (EC et E).

En effet, le ministère recense, en 2018, 949 collègues EC et E handicapé-es (titulaires et contractuel·les) et évite soigneusement tout calcul de ratio sur l’ensemble de la population considérée. Mais l’effectif total des personnels EC et E est, selon ce même bilan social, de 101651, soit après un calcul rapide, obligeamment fait par le SNESUP-FSU, moins de 1 % de personnels handicapés dans les EC et E! Ce déficit important par rapport à un objectif de 6 % - objectif pourtant abondamment rappelé dans les directives ministérielles - est préoccupant, surtout à une période où l’application progressive des mesures de la loi de 2005 « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » facilite l’accès aux études supérieures d’un nombre de plus en plus important d’étudiant·es handicapé·es, dont certain·es poursuivent leur cursus jusqu’au doctorat. 50 étudiant·es handicapé·es ont ainsi obtenu un contrat doctoral en 2018.

Afin de faciliter l’accès des personnes handicapées aux emplois publics, le statut général de la fonction publique (loi 83-634) prévoit dans son article 33 que les personnes disposant d’une RQTH puissent être recrutées sur des postes d’agent public, non seulement par la voie normale du concours, mais aussi par une voie contractuelle spécifique réservée aux personnes bénéficiaires de l’obligation d’emploi (« voie BOE »). Cette dernière suppose la création d’un support d’emploi contractuel spécifique, d’une durée d’un an, renouvelable une fois maximum, sur lequel ne peuvent postuler que des personnes détenant une RQTH et titulaires des diplômes requis, dont le handicap est jugé compatible avec le poste. La personne recrutée sur un tel emploi peut alors être titularisée directement, à la fin de ce contrat d’un an (éventuellement renouvelé une fois), dans le corps de fonctionnaires correspondant à l’emploi. L'article 29 du décret 84-431 définissant le statut des EC prévoit bien cette voie spécifique de recrutement pour les docteur-es BOE qualifiées. De même les statuts généraux des enseignants de second degré prévoient une voie d’accès spécifique pour les personnes BOE titulaires des diplômes requis.

La possibilité d’accès aux emplois d’EC doit donc être effective aussi pour les docteur·es handicapé·es. Cela nécessite la vigilance des sections syndicales du SNESUP-FSU et leur action si nécessaire auprès des directions d’établissement pour que soient prévus des recrutements d’EC par la « voie BOE ». En effet, selon les données de ce même bilan social, cette voie contractuelle spécifique semble être très peu usitée par les établissements, puisque 5 emplois seulement ont été pourvus en 2018 (4 EC, 1 E), à rapporter aux 2184 postes de titulaires EC pourvus et au nombre inconnu de PRAG-PRCE recrutés en 2018 (car le bilan social ne comporte pas cette information) : on est donc sous les 0,5 % de recrutement par la voie BOE, ce qui constitue pourtant un progrès par rapport aux années précédentes, selon le commentaire ministériel ! Pourtant, ces postes pourvus par la voie contractuelle spécifique devraient désormais représenter une proportion de 6 % des recrutements sur des emplois d’enseignants-chercheurs, ainsi que le rappelle la DGRH dans la fiche technique 2021 relative aux dispositifs spécifiques de recrutements (BOE, ERD et PACTE)  : « Le décret n°84-431 du 6 juin 1984 modifié, relatif au statut des enseignants chercheurs a ouvert depuis la rentrée 2014, la possibilité de recruter dans le corps des maîtres de conférences des bénéficiaires de l’obligation d’emploi au titre du décret du 25 août 1995 lorsque leur handicap a été jugé compatible avec l’emploi postulé. Désormais, l’ensemble des fiches de postes des emplois ouverts au recrutement mentionnent l’accès de ces postes aux bénéficiaires de l’obligation d’emploi. L’objectif est de réserver 6% des postes offerts à ce titre dans l’application ATRIA, à la condition qu’une publication de poste soit effective ensuite. »1

En matière de formation des membres des comités de recrutement par la voie BOE aux questions de handicap, le guide du MESRI pour le comité de sélection indique simplement que « les membres du comité de sélection qui se prononceront sur le recrutement des contractuels BOE devront être sensibilisés aux questions du handicap. Le dossier qui leur sera remis devra comporter une fiche rappelant les informations essentielles sur le recrutement des personnes handicapées ».

Par ailleurs, s'agissant des recrutements d’EC par la voie « normale », la plupart des fiches de postes mentionnent l'ouverture du poste aux bénéficiaires de l'obligation d'emploi, mais cela ne constitue pas un recrutement spécifique par la voie contractuelle. D’ailleurs en 2018, il n’y a eu aucune personne handicapée recrutée sur un emploi d’EC par la voie « normale ». De plus, il est possible pour les personnes BOE de joindre un justificatif de leur situation (RQTH ou carte d'invalidité + certificat d'aptitude) à leur dossier de candidature. Toutefois, la candidature d'une personne BOE ne semble pas, selon les documents du MESRI et selon les témoignages que nous avons reçus, impliquer un traitement spécifique de ces candidatures.

De plus, selon le guide du MESRI pour les COS, la sensibilisation des membres du COS n'est pas nécessaire lorsque des personnes BOE candidatent par la voie normale. Dès lors, faute de sensibilisation obligatoire, et bien qu'un certain nombre de collègues soient personnellement sensibilisés, les personnes BOE qui ont signalé leur situation sur Galaxie ne disposent d'aucune garantie de ne pas voir leur candidature discriminée en raison de leur handicap, a fortiori dans un contexte où, du fait du faible nombre de postes à pourvoir, les comités de sélection ont un nombre important de dossiers de grande qualité à examiner. La sensibilisation systématique des membres de COS, y compris pour des recrutements par la voie normale, devrait donc au minimum être ajoutée dans le schéma pluri-annuel du handicap que les établissements se doivent d’élaborer.

Bref, sans interventions syndicales répétées dans les diverses instances où le SNESUP-FSU et la FSU ont des élu-es, l’augmentation du taux de recrutement de personnes handicapées sur des emplois d’EC ou E a peu de chances de se produire…

Pour faciliter la tâche aux sections syndicales, en document joint à cet article, une proposition de courrier à adresser à la présidence de votre établissement après adaptation locale.