Fiche pratique : Décision administrative : voies et délais de recours

Publié le : 21/01/2022

Fiche pratique 

Décision administrative : voies et délais de recours

 

Une décision administrative peut-être contestée de plusieurs manières, par des recours administratifs ou contentieux : il est important toutefois de ne pas s’y prendre trop tard, car des délais de recours s’imposent.

 

Il est cependant toujours préférable, lorsque c'est possible, de commencer par une démarche interne, en vue de régler localement le problème par la conciliation/négociation éventuelle. Par ailleurs, le milieu universitaire français est assez hostile aux démarches juridiques, souvent considérées par l’administration ou les collègues en situation de responsabilité comme des « déclarations de guerre ». Les recours administratifs ou contentieux sont donc dans certains cas des actions susceptibles d’entraîner des grosses tensions et de l’hostilité de la part de collègues, qui peuvent être difficiles à vivre au quotidien. De plus, toute jurisprudence négative sur un dossier trop fragile devient un handicap pour des cas semblables suivants. Par ailleurs, les démarches juridiques sont extrêmement consommatrices de temps et d’énergie, voire d’argent, si des conseils juridiques auprès d’un avocat ou d'un expert syndical sont nécessaires. On n’est pas non plus sûr de gagner en justice, même si on pense être dans son bon droit d’un point de vue moral : par exemple, les recours sur les problèmes liés aux attributions d’enseignements (comme des retraits arbitraires de cours dans le service) sont souvent déboutés. Enfin, l’engorgement des tribunaux français en raison du manque de personnels et de moyens donnés à la Justice entraîne des délais de jugement particulièrement longs, durant lesquels le problème ne se résout pas de lui-même, ce qui peut aussi être très éprouvant.

Il convient donc, pour préserver la santé et l’énergie des collègues en désaccord avec la décision qui les concerne, de n’aller au tribunal que lorsque les démarches amiables échouent ou sont impossibles (en veillant toutefois à ce que les délais de recours ne soient pas dépassés en raison des démarches amiables). En particulier, il est possible selon les cas de saisir des médiateurs institutionnels (comme le médiateur académique ou un médiateur interne à l’établissement) ou des « référents » dédiés aux thématiques de l’égalité F-H, de la déontologie, des discriminations et des violences sexistes et sexuelles.

Notion de décision administrative 

Une décision administrative peut concerner un seul individu ou être de portée collective en prenant des mesures concernant un ensemble de personnels.

Pour être valable, une décision individuelle doit être notifiée à l’intéressé-e (en principe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, parfois, remise en mains propres contre récépissé), être motivée (cf infra) et comporter les informations sur les voies et délais de recours.

Une décision de portée  collective (elle est alors dite « réglementaire ») par exemple, une délibération de CA) n’est pas notifiée à chacun des personnels concernés, mais doit être publiée pour que les personnels puissent en prendre connaissance (et qu'elle soit opposable aux tiers). Par exemple, une délibération de CA est généralement publiée peu après le CA, de plus en plus souvent dans l’espace numérique de travail de l’établissement, sous forme d’un relevé de décisions du CA, ou par la publication d’une circulaire ou note d’information interne la  reproduisant in extenso Les modalités de publication ne fonc l'objet d'aucune disposition réglementaire, mais le Conseil d'Etat décide qu'elles doivent être aisément accessibles à toutes les agents. En tout état de cause, les établissements sont censés les compiler dans un registre des actes administratifs.

 

Si la décision fait l’objet d’une contestation, le délai pour la contester est généralement de deux mois à partir de la date de réception de la notification individuelle (sauf précision contraire dans la notification), ou à partir de la date de publication de la décision collective (y compris si cette publication a été effectuée par un affichage papier au fond d’un couloir isolé du siège de l’établissement ou dans une partie bien cachée de l’intranet…). Attention : dans le cas de contestation d’une délibération de conseil, si le requérant est membre du conseil, le délai court à partir de la date de la réunion du conseil où la délibération a été prise, et pas à partir de la date de publication, même s'il n'a pas siégé lors de l'adoption de cette délibération. (ref jurid??)

 

On rencontre aussi des cas où la décision individuelle défavorable existe mais n’est pas notifiée : par exemple, décision prise arbitrairement par un petit potentat local non compétent pour ce faire[1]  de retrait à un collègue d’une responsabilité exercée pour l’attribuer à un autre collègue, suite à un désaccord intervenu, etc. La contestation de la décision est alors difficile. Il faut donc dans ce cas «  matérialiser » l’existence de la décision individuelle défavorable. Cela passe par un écrit, où l’intéressé expose le problème rencontré et fait une demande précise (par exemple : rétablissement de la responsabilité arbitrairement retirée).

Un courriel à cet effet constitue une trace écrite qu’on pourra fournir ultérieurement en cas de besoin, mais pour que l’argument d’un problème de réception lié aux aléas informatiques ne puisse pas être utilisé, il est prudent de signaler dans le message qu’un courrier écrit est envoyé ou déposé simultanément pour confirmer la demande, et de faire en sorte d’avoir une trace de la date de réception de ce courrier écrit : il faut donc soit l’envoyer par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR), soit le déposer en main propre dans un secrétariat en exigeant un bordereau de remise (ou simplement une copie du courrier déposé munie d’un tampon du secrétariat et comportant la date de remise). La date de réception de la demande fait en effet courir les délais légaux permettant de caractériser un refus implicite. Toutefois, dans le cas d'une mesure prise par une personne non habilitée, qui ne constitue donc pas une décision administrative, aucun délai ne court.

L’auteur de la décision contestée peut alors revenir dessus et répondre favorablement (mais c’est rarement le cas). En cas de refus, explicite ou implicite, on peut alors déposer un recours administratif (également dénommé recours gracieux) auprès du chef d'établissement aux fins de faire annuler la mesure litigieuse ; il dispose à cet effet d'un délai de deux mois En cas de rejet, on peut déposer, dans un délai de deux mois, un recours contentieux (cf. infra).

 

Remarque : laisser une trace d’un désaccord intervenu, même si on ne tient pas à engager une procédure dans l’immédiat peut s’avérer utile dans un contexte de conflit ouvert ou larvé, pouvant aboutir à des démarches contentieuses à terme, car cela peut constituer ultérieurement une pièce justificative, mais il faut impérativement que ladite trace ne nuise pas à l’intéressé par la suite ! Cela suppose donc que l’expression du désaccord soit extrêmement maîtrisée, pour exprimer très sobrement les faits et demandes, en évitant au maximum les adjectifs qualificatifs et adverbes dépréciateurs et en proscrivant toute interprétation des intentions de la partie adverse.

Le recours administratif préalable

Il s’agit d’un recours préalable à un éventuel recours contentieux ultérieur, qui s’effectue auprès de l’autorité administrative qui a pris la décision.

Il est obligatoire dans certains cas, on parle alors de recours administratif préalable obligatoire (RAPO). Lorsqu'un recours administratif préalable est obligatoire, cela doit obligatoirement (aussi) être indiqué dans la décision. Les règles applicables sont différentes selon les RAPO. Les différences peuvent porter sur les points suivants : délais de saisine, instance collégiale de recours, procédure contradictoire. Lisez attentivement la décision de l'administration que vous contestez. Elle indique les voies et délais selon lesquels le recours peut être exercé.

 

Les textes en vigueur se trouvent dans le Code des relations entre le public et l'administration, articles L410-1 à L412-8

 

Même sans être obligatoire, un recours administratif préalable est toujours possible. Il prend la forme d’un recours gracieux ou d’un recours hiérarchique. Il est souvent pertinent de le faire lorsque la situation ne comporte aucun caractère d’urgence. Bien évidemment, s’il y a urgence à ce que la décision contestée ne s’applique pas, il faut alors procéder directement dans les deux mois suivant la notification de la décision au dépôt d’un recours contentieux auprès du tribunal administratif local ou du conseil d’État, en référé-suspension (demandant la suspension de la décision contestée) obligatoirement doublé  d’un recours en annulation de la décision.

 

Le rejet d’un recours préalable peut être explicite, sous forme d’une réponse écrite envoyée en LRAR dans les deux mois suivant la réception du recours. Il peut aussi être implicite, par absence de réponse dans les deux mois suivant la réception du recours[2].

Le recours gracieux

Il est formulé auprès de l’autorité administrative qui est à l’origine de la décision contestée, dans un délai de deux mois après notification de ladite décision, par LRAR.

L’administration dispose alors d’un délai de 2 mois pour répondre. Elle peut soit reconnaître ses torts et annuler (« retrait » ou « abrogation ») la décision qu’elle avait prise ou la mesure litigieuse contestée, soit confirmer le bien fondé de sa décision ,ou ne pas répondre ce qui revient au même.

Un nouveau délai de deux mois est ouvert pour le dépôt d’un recours contentieux devant la juridiction administrative compétente.

Attention à la rédaction du recours gracieux. En effet, tout recours contentieux ultérieur ne sera recevable que s'il est porté dans les mêmes termes que le recours gracieux. Il faut donc formuler avec précision les motifs du recours gracieux.

Le recours hiérarchique

Rappelons que, si les enseignants-chercheurs n'ont pas de supérieur hiérarchique dans le cadre de l'exercice de leurs missions d'enseignement et de recherche, le chef d'établissement est habilité à prendre de nombreuses décisions administratives individuelles relatives à la gestion de leur carrière, susceptibles de faire l'objet de recours administratifs préalables. Ce décisions, prises pour le compte de l'Etat par délégation du ministre, peuvent également faire l'objet de recours hiérarchiques.

Le recours hiérarchique est formé auprès du supérieur hiérarchique de l’auteur de l’acte contesté (par exemple, auprès du ministre si c'est une décision du président de l'université ou directeur d'établissement qui est contestée). Il est possible de déposer un recours hiérarchique sans avoir fait au préalable un recours gracieux ou sans attendre d'avoir reçu la réponse au recours gracieux.

 

Ces recours peuvent être introduits à l’aide de tout moyen possible, soit juridique preuves à l’appui, soit étranger au droit (indulgence, opportunité ...).

 

Dans le cas d’une délibération d’instance d’établissement contestée , il est aussi possible de faire appel au contrôle de légalité du recteur. Voir la fiche pratique spécifique sur ce sujet.

Le recours contentieux

Il peut être déposé suite au rejet d’un recours administratif préalable (obligatoire ou non), ou directement, dans les deux mois suivant la notification ou publication de la décision contestée

Il est introduit devant l’une des juridictions administratives chargées de trancher les litiges avec l’administration dans les cas suivants :

- obtention de l’annulation d’un acte pris par l’autorité administrative (recours « en excès de pouvoir »)),

- constatation de l’existence d’un droit à son profit (peut être assorti du versement d’indemnités, on parle alors de recours en plein contentieux),

- annulation d’une décision rendue par une juridiction administrative : recours en appel devant la Cour Administrative d'Appel ou en cassation devant le Conseil d’État.

D’une façon générale, tout agent pouvant justifier d’un intérêt direct et personnel à l’annulation de l’acte attaqué peut exercer ce recours pour excès de pouvoir (avocat non obligatoire) ou de plein contentieux avec demande de réparations (assistance d’un avocat nécessaire).

Les tribunaux compétents sont le Tribunal Administratif, la Cour Administrative d'Appel et le Conseil d’État.

Devant la cour administrative d'appel, le recours à un avocat est obligatoire à l’exception des recours pour excès de pouvoir formés par les fonctionnaires et agents de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics contre les actes relatifs à leur situation personnelle.

 

 

A noter : dans le cas de recours contre des décisions « collectives », les sections locales du SNESUP n'ont pas la personnalité juridique pour agir en tant que telles devant une juridiction administrative. Elles ne peuvent le faire qu'avec un mandat de la Direction Nationale. En l’absence d’un tel mandat, le recours sera rejeté sans être examiné, au motif que le requérant n’a pas la qualité pour agir.

 

Les instances juridiques compétentes

Le Tribunal Administratif.

Est compétent celui dans le ressort duquel l’autorité à l’origine de la décision attaquée a son siège (sauf exceptions).

Attention : Tout recours concernant un  professeur d’université est directement du ressort du Conseil d’Etat et n’est pas examiné par le tribunal administratif.

 

Le recours est introduit gratuitement au moyen d’une requête rédigée sur papier libre, établi en 4 exemplaires (original et 3 copies), comportant :

- les nom, prénoms, profession et domicile du demandeur,

- le nom et domicile du défenseur (l’administration attaquée),

- un exposé clair des circonstances dans lesquelles la décision ou les faits sont intervenus, complété d’un exposé des moyens justifiant de son bon droit (violation d’une loi, d’un décret, d’un arrêté - incompétence du signataire de la décision prise - erreurs matérielles patentes etc...),

- une demande explicite d’annulation de la décision et de la communication des observations de l’administration,

-       une copie de la décision contestée et du refus de l’administration ou de son absence de réponse (le recours daté),

-       les copies de pièces justificatives supplémentaires éventuelles, numérotées et référencées .

Le tout est adressé au siège du TA soit directement au greffe, en mains propres, soit par courrier recommandé avec accusé de réception.

Plus d'informations sur les procédures au TA, disponibles sur le site

www.service-public.fr, rubrique Papiers - Citoyenneté > Relations avec l'administration->litiges avec l'administration: agir en justice

Le Conseil d’État

Il peut être saisi en appel d’une décision au fond prise par le TA, ou en cassation dans le cas d’une ordonnance de référé ou d'une décision prise en premier et dernier ressort), ou en appel d’une décision rendue par une cour administrative d’appel. Il est l’instance compétente en premier et dernier ressort pour les contestations de décisions concernant des professeurs d’université.

D’une façon générale, il se prononce sur le contentieux de la Fonction Publique, la validité de certains textes (décrets, etc...), les élections professionnelles et corporatives.

 

C’est au Président de la section du Contentieux du Conseil d’Etat qu’il faut déposer son recours.

Pour les procédures devant le CE, il y a lieu de distinguer les recours en annulation (contre les décrets et actes réglementaires des ministres), qui peuvent être faits sans avocat, et les recours en cassation qui nécessitent de passer par un avocat inscrit sur la liste des avocats habilités à plaider devant le CE (sauf si le recours relève de la compétence directe du CE), et pour lesquels il y a donc des frais importants à engager (sous réserve de l’aide juridictionnelle : on se renseigne au bureau d’aide juridictionnelle près la Cour d’appel).

Infos pratiques sur www.conseil-etat.fr

 

Motivation des actes administratifs

Elle est définie en droit par les articles L211-1 à L211-8 du code des relations entre le public et l’administration

 

Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :

-                restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ;

-                infligent une sanction ;

-                subordonnent l’octroi d’une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ;

-                retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ;

-                opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ;

-                refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir ;

-                refusent une autorisation (sauf dans certains cas où le secret peut être invoqué)

-                dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement.

-                 rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire.

 

La motivation exigée doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.

 

Lorsque l’urgence absolue a empêché qu’une décision soit motivée, le défaut de motivation n’entache pas d’illégalité cette décision. Toutefois, si l’intéressé en fait la demande dans les délais du recours contentieux, l’autorité qui a pris la décision devra, dans un délai d’un mois, lui en communiquer les motifs (sauf fait couvert par le secret).

De même, dans le cas d’une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée, à la demande de l’intéressé dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu’à l’expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués.

 

 

[1]Dans les EPCSCP, seuls le chef d'établissement et les directeurs des instituts et écoles internes ont autorité sur le personnel et sont habilités à prendre des décisions administratives individuelles (sauf délégation du pouvoir de police par le chef d'établissement)

[2]Les agents publics ne sont pas concernés par la nouvelle règle « absence de réponse dans un délai d’un mois vaut accord de l’administration », qui concerne seulement les usagers du service public. Ref jurid à ajouter