Fiche pratique : Accompagnement syndical à un entretien à caractère conflictuel

Publié le 30 septembre 2019

Mise à jour février 2023

 Fiche pratique 

 

Comment imposer un accompagnement syndical dans un entretien à caractère conflictuel ?

 

Cette fiche fournit quelques éléments et conseils pour les collègues qui, dans des situations de conflit ou de tensions, demandent à être reçus ou inversement sont convoqués par un responsable de service, et se voient refuser un accompagnement par un tiers, même lorsque c’est un·e militant·e syndical·e bien connu·e.

Que dit le droit ?

L’accompagnement syndical individuel entre pleinement dans les missions des syndicats selon le cadre général fixé par le code du travail : « Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts » [1]. Mais dans la Fonction publique le droit du travail ne s’applique pas intégralement. L’exercice syndical est soumis à une réglementation spécifique faisant partie du Code général de la Fonction publique. 

Un agent a le droit de se faire assister par un représentant syndical dans certaines situations, en particulier pour la consultation de son dossier administratif [2] ou lorsqu’une procédure disciplinaire est engagée à son encontre. Par contre aucune disposition réglementaire ne permet aux représentants syndicaux d’accompagner un agent convoqué hors procédure disciplinaire par un responsable dont il relève de l’autorité ou lorsque lui-même sollicite un entretien. On peut considérer qu’en interdisant à un représentant syndical d’accompagner un agent, l’employeur fait illégalement obstacle à l’exercice même des fonctions syndicales (en l’occurrence la défense des intérêts moraux individuels rappelée ci-dessus), agissement qui serait susceptible de faire l’objet d’un référé-liberté, mais dans une situation conflictuelle, un recours juridique sur ce motif n’est clairement pas un moyen d’apaiser les tensions et le risque qu’il soit rejeté augmente le risque des collègues en difficulté d’être en butte à plus de problèmes encore.

Quelles démarches pour lever une opposition ?

L'idée générale est de laisser des traces écrites ne nuisant pas à l’agent concerné pour que la direction se rende compte qu’elle risque d’avoir le mauvais rôle, qu'elle a tout intérêt à ce que ça se passe bien, et pour cela accepte un entretien en présence d'un tiers afin de garantir que cet entretien se tienne dans le respect des droits de la personne.

Il est judicieux d’y faire valoir que l’administration reconnait elle-meme le droit à l’accompagnement.  En effet, la circulaire du 23 avril 2012 relative aux modalités d’application du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l’Etat (teléchargeable en cliquant ici) affirme à propos de l’entretien professionnel prévu dans la procédure d’évaluation de droit commun des fonctionnaires de l’Etat :

"L’agent évalué ne peut donc être accompagné, pour cet exercice, d’un collègue ou d’un représentant du personnel. Une telle présence, contraire à l’esprit du dispositif, nuirait à la sincérité de l’exercice et irait à l’encontre du caractère individuel et personnel de l’évaluation. Il devra donc être répondu par la négative à un agent qui solliciterait la présence d’un représentant syndical lors de son entretien professionnel. Toutefois, il pourra lui être indiqué que dans un cadre distinct de l’évaluation annuelle et donc de l’entretien professionnel, il peut être reçu par son supérieur hiérarchique et se faire alors accompagner d’un représentant syndical, afin d’évoquer certains griefs ou toute difficulté rencontrée dans l’exercice de ses fonctions. "

 

Un modèle de courriel à adapter librement selon d’éventuels besoins locaux est proposé ci-dessous. Il a déjà permis de dénouer ce genre de crispation inutile, due à un autoritarisme mal placé se développant bien trop largement parmi les gens de bonne compagnie que sont pourtant notoirement les universitaires...

 [Monsieur le Directeur/Madame la Directrice],

XXX m'a appris que vous n'entendiez pas me permettre d'assister à l'entretien que vous souhaitez avoir avec [lui/elle] au sujet de [objet de l’entretien]. Je m'étonne de ce refus.

D’une part l’administration reconnait elle-meme le droit à l’accompagnement à travers la circulaire Fonction publique du 23 avril 2012 relative aux modalités d’application du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 puisqu’elle affirme à propos d’un agent qui souhaiterait être accompagné durant l’entretien professionnel prévu dans la procédure d’évaluation de droit commun : « Toutefois, il pourra lui être indiqué que dans un cadre distinct de l’évaluation annuelle et donc de l’entretien professionnel, il peut être reçu par son supérieur hiérarchique et se faire alors accompagner d’un représentant syndical, afin d’évoquer certains griefs ou toute difficulté rencontrée dans l’exercice de ses fonctions » (cf circulaire en pièce jointe et disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/circulaire/id/35118).

D’autre part la présence d'une tierce personne permet, aussi bien à la direction de [la structure] qu'[au/à la] collègue, d'avoir un témoin des propos qui peuvent avoir été échangés durant l'entretien, et de garantir ainsi que ces propos ne peuvent pas être déformés par l'un ou par l'autre à l'issue de l'entretien. C'est pourquoi je vous prie de bien vouloir reconsidérer votre position, et d'accepter que je sois [présent/présente] à l'entretien et pose éventuellement quelques questions ou apporte des informations pour lever des malentendus éventuels qui pourraient exister. Cela me permettra de contresigner le compte-rendu écrit de l'entretien qui en sortira, si je considère qu'il est conforme aux propos tenus. Dans les cas [potentiellement] conflictuels comme celui-ci, il est de la responsabilité particulière de la direction de [la structure] de faire en sorte que le problème ne s'envenime pas, de façon à ce que les personnes n'en souffrent pas, et que le fonctionnement de la structure soit le plus harmonieux possible, dans l'intérêt [des étudiants et collègues]

Une autre attitude de votre part pourrait donner lieu à interprétation sur les intentions qui sont les vôtres envers XXX, ce qui bien sûr, ne contribuerait pas à aplanir les difficultés actuelles.

Ne doutant pas de votre dévouement au service public et à l'intérêt général de la structure dont vous êtes [le directeur/la directrice], je vous prie d'agréer, [Monsieur le Directeur/Madame la Directrice], l'expression de mes salutations les meilleures.

 

On peut mettre la personne XXX en copie du mail, en lui disant alors de ne surtout rien répondre, même si la réponse est désagréable. Selon l’intensité du conflit, des membres de la direction de l’université peuvent également être mis en copie du message, mais si le conflit n’en est qu’à ses débuts, il vaut mieux éviter de prendre trop de monde à témoin, ce qui a tendance à crisper encore plus et essayer de régler le problème « entre gens de bonne compagnie ». Les traces écrites doivent être précieusement conservées en cas de poursuite du conflit. Elles permettent, en cas de besoin ultérieur, de montrer la part du-de la collègue en responsabilité dans le problème.

Si jamais le refus est maintenu, il est important que XXX demande alors un rendez-vous au médecin de prévention, pour lui signaler que cela l’inquiète fortement que le-la responsable ne veuille pas d'une tierce personne dans un entretien, car cela dénote une volonté de lui dire des choses désagréables sans lui laisser les moyens de se défendre et sans témoin pour attester des propos tenus. Un éventuel médiateur de l’université peut également être averti du problème. Ainsi la direction de l’université est officiellement alertée et peut intervenir. Elle a en effet une obligation de prévention en matière de santé au travail des personnels [3].

Lorsque c’est un·e enseignant·e du supérieur qui est « invité·e » ou convoqué ·e, il est fréquent que la ou le collègue en responsabilité à l’origine de l’entretien ne soit en fait pas un supérieur hiérarchique (voir ci-dessous). Elle ou il ne peut alors prendre de sanction pour un refus de participer à un entretien dans ces conditions. On pourra donc rassurer XXX et lui conseiller de ne pas se rendre à cette invitation/convocation. Il faut alors là aussi laisser une trace écrite de la raison du refus de participer à l’entretien (à savoir, le refus opposé à sa demande d’accompagnement par un représentant syndical).

On rappelle que les EC bénéficient d’une indépendance reconnue qualifiée de principe de niveau constitutionnel par le Conseil constitutionnel, et réaffirmé par plusieurs jurisprudences, qui implique que les EC n'ont aucun supérieur hiérarchique. Pour les enseignants de statut second degré, le supérieur hiérarchique immédiat est le chef d’établissement, à savoir, le président d’université ou directeur de l’établissement public d’affectation. Pour les enseignants contractuels, il faut vérifier le libellé du contrat, mais généralement, le supérieur hiérarchique est le président ou directeur de l’établissement. 

 

Complément

La loi de Transformation destruction de la Fonction publique, votée le 6 août 2019, a posé le principe de la possibilité d’un accompagnement syndical pour les agents engagés dans une démarche de recours (obligatoirement gracieux en premier lieu) contre une décision individuelle défavorable relative à la mutation, à l'avancement de grade et à la promotion interne. Cependant aucun décret d’application n’a été pris en ce sens. De plus, une réécriture des articles du Code général de la Fonction publique dans lesquels est inscrit ce principe (L. 216-1 et suivants) s’avère nécessaire suite à la censure par le Conseil constitutionnel de la restriction de l’accompagnement aux seules organisations syndicales représentatives dans l’article L. 216-1 [4]. Quoi qu’il en soit, comme l’esprit de cette loi n’est certes pas fait pour donner plus de droits aux agents, il ne faut pas espérer trop fort que cela puisse servir dans des cas où il n’y a pas encore de démarche de recours officiellement engagée.


[1] article L2131-1

[2] Voir la fiche pratique du SNESUP-FSU sur https://www.snesup.fr/article/fiche-pratique-consultation-du-dossier-administratif-individuel-des-agents-publics

[3] Partie 4 du code du travail : santé et sécurité au travail

[4] décision n° 2022-1007 QPC du 5 août 2022