Fiche pratique : Faire valoir le droit à la recherche des enseignant·es-chercheur·ses (fiche pratique)

Publié le 28 septembre 2021

 

 Fiche pratique 

« Faire valoir le droit à la recherche des enseignant·es-chercheur·ses »

 

Parmi les problèmes les plus générateurs de souffrance aiguë au travail des collègues enseignant-es-chercheur-es (EC), on trouve les exclusions de laboratoire de collègues souhaitant pourtant vivement garder une activité de recherche, ou la difficulté à être rattaché-e à un laboratoire d’un autre établissement lorsque la thématique de recherche n’est pas développée localement ou n’y est plus soutenue. Cette fiche ne prétend pas donner des solutions « clé en main » mais est destinée à donner des pistes pour aider les collègues dans ces situations toujours extrêmement complexes.

Ce que dit la réglementation :

Les EC ont statutairement deux missions principales, l’enseignement et la recherche, précisées dans le décret 84-431, définissant le statut des EC. L’article 4 de ce décret stipule que :

« Tout enseignant-chercheur doit avoir la possibilité de participer aux travaux d'une équipe de recherche dans des conditions fixées par le conseil d'administration, le cas échéant, dans un établissement autre que son établissement d'affectation.

Tout enseignant-chercheur peut demander le réexamen d'un refus opposé par son établissement d'affectation à sa demande de participation aux travaux d'une équipe de recherche auprès du conseil d'administration, après avis du conseil académique, siégeant tous les deux en formation restreinte aux enseignants-chercheurs. »

Le droit à la recherche est donc bien défini réglementairement. Toute la difficulté est ensuite d’obtenir qu’il soit effectif (comme pour beaucoup d’autres droits, hélas !), quand la possibilité de participer aux travaux d’une équipe de recherche se trouve barrée. Ce combat étant généralement long et moralement épuisant, il est important que le-la collègue ne le mène pas seul-e, et soit accompagné-e par la section SNESUP-FSU locale, pour l’aider à faire pression sur la direction. Les directions d’établissement ont en effet un devoir de prévention des risques psycho-sociaux et même une obligation de résultat1 . Or la privation de possibilités de faire de la recherche, qui relève de fait du travail empêché, voire même du harcèlement dans certains cas d’exclusion délibérée (voir infra), induit des problèmes psycho-sociaux important pour les EC qui en sont victimes.

L’aide syndicale individuelle

Pour convaincre la direction de l’université de lui venir en aide, en particulier en cas de conflit plus ou moins larvé avec une direction de laboratoire, le-la collègue concerné-e devra impérativement produire des preuves de ce qui est avancé : échanges de mails, demandes écrites restées sans réponse, compte-rendus éventuels de conseils de labo, témoignages divers, etc. Un document synthétique permettant aux responsables de comprendre rapidement les tenants et aboutissants de l’affaire et la demande précise qui est faite est à prévoir également. Il faut donc, grosso modo, préparer un dossier qui pourrait servir à appuyer un éventuel recours juridique si aucune solution n’était apportée par la direction de l’établissement après un certain temps.

Il faut aussi certainement préparer une solution ou plusieurs solutions pouvant convenir au-à la collègue concerné-e, à proposer à la direction de l’université, pour faciliter les démarches : par exemple, réintégration dans le labo d’origine ou, en fonction de l’existence ou non de possibilités locales d’effectuer la recherche dans un autre labo et des possibilités connues du-de la collègue, rattachement à un autre labo, moyennant une éventuelle reconversion thématique pouvant nécessiter un CRCT, ou demande de convention pour activité de recherche dans un labo d’un autre établissement, comme le permet l’article 4 du décret statutaire des EC. Pour plus d’éléments à ce sujet, voir la fiche pratique changement de laboratoire, dans la rubrique Agir/Outils militants/ Mémos et fiches pratiques. METTRE lien sur fiche

Il est également indispensable, pour exercer un éventuel recours auprès du CA, comme le prévoit l’article 4 du décret 84-431, qu’une demande officielle de participation aux travaux d’une équipe de recherche soit adressée au président ou la présidente de l’établissement par le-la collègue à un moment qui paraît opportun dans la démarche et les négociations (probablement pas au début). Une telle demande doit donc être écrite, et faire l’objet d’un accusé de réception, soit par envoi postal, soit par dépôt directement au siège de la présidence en exigeant un récépissé daté et signé2. L’absence de réponse écrite (positive ou négative) dans les deux mois suivant le dépôt de la demande écrite sera considérée comme un refus implicite du chef d’établissement. Cela permet dans ce cas d’engager la demande de réexamen en CA du refus ainsi opposé3. La plupart des universités n’ayant pas encore pris les délibérations préalables (fixant les conditions pour les EC de l’établissement d’« avoir la possibilité de participer aux travaux d'une équipe de recherche ») qu’impose l’article 4, il est peu probable que la réponse puisse être rapide si la direction de l’université fait les choses en suivant la réglementation à la lettre. Mais si le CA se prononçait sur ce ré-examen de la demande, sans avoir pris sans lesdites délibérations préalables, alors il serait possible de contester la régularité de l’avis ainsi émis et de réclamer que la demande soit ré-examinée dans le respect de la réglementation, ou d’envisager la possibilité d’un recours juridique. Le secteur Affaires personnelles du SNESUP-FSU peut utilement être sollicité pour de l’aide en amont lorsqu’un cas se complique de la sorte, de façon à ce que les choses soient faites le mieux possible pour étoffer un dossier juridiquement solide, pouvant servir avant tout à la construction d’un rapport de force, et à d’éventuelles démarches juridiques en cas d’échec de la médiation syndicale.

Exclusion de labo comme élément de harcèlement

Les exclusions de collègues de la liste des membres du labo sont souvent liées (officiellement) à des axes de recherche ne correspondant plus aux thématiques du laboratoire de rattachement initial, voire à l’inadéquation ou à des insuffisances de production scientifique au regard des critères d’évaluation du labo. La direction de l’établissement a alors, puisqu’il s’agit d’une décision institutionnelle, le devoir de proposer des solutions aux collègues qui en subissent les conséquences et la section syndicale doit donc le lui rappeler fortement (cf ci-dessous). Mais une exclusion peut aussi être la conséquence d’une décision d’un-e directeur-trice de laboratoire ayant un conflit avec un-e collègue (ou poussé-es par un certains nombre de personnes du labo en conflit avec le-la collègue) et qui, ne sachant comment le résoudre, profite d’un renouvellement de contrat d’établissement pour ôter de la liste des membres du laboratoire le nom du ou de la personne concernée. Et ceci parfois même sans prévenir la personne, qui s’en aperçoit alors au détour d’une demande de crédits ou d’une consultation du site du laboratoire, avec l’effet que l’on imagine sur son moral… Ces pratiques destructrices doivent être combattues et la direction de l’établissement vigoureusement enjointe à assumer ses responsabilités de lutte contre le harcèlement moral. En effet, l’exclusion du labo est alors un acte délibéré envers un-e collègue, ayant « pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. » comme cela figure dans la définition par la loi du harcèlement moral. C’est donc un acte grave, pouvant faire partie d’un processus de harcèlement moral, à documenter avec d’autres faits.

Pour en savoir plus sur ce sujet et sur l’aide syndicale dans des cas de harcèlement, voir la note d’aide aux militant-es dans la lutte contre le harcèlement, dans la rubrique Agir/Outils militants/ Mémos et fiches pratiques.

Ce que peut faire la section locale au niveau institutionnel

Celle-ci peut utilement, au travers de ses élu-es dans les conseils, rappeler l’équipe de direction de l’établissement à ses responsabilités. Cela ne passe pas forcément par des interventions directes et publiques dans les réunions des conseils, du moins au début. En effet, de telles interventions sont à utiliser avec parcimonie et à manier avec extrême précaution, car elles apparaissent souvent comme des agressions à l’encontre des responsables interpellé-es publiquement et peuvent donc s’avérer contre-productives. Elles doivent donc avoir été précédées de démarches formelles, laissant des traces écrites (demande d’entrevue, petit mail de remerciement après l’entrevue, récapitulant ce qui en est ressorti), où le problème aura été posé calmement, « entre gens de bonne compagnie » se respectant mutuellement, pour envisager les solutions possibles. Des interventions en conseil sont donc à réserver à des moments où elles entrent en résonance avec des sujets évoqués dans le conseil (par exemple, au moment du renouvellement du contrat d’établissement), ou après de nombreuses démarches infructueuses et après avoir averti que, faute de réponse adaptée, la section SNESUP-FSU pourrait pointer publiquement les défaillances institutionnelles engendrant de la souffrance au travail. Ces interventions ne doivent pas non plus jeter des noms en place publique, mais plutôt pointer les problèmes ou manquements dans le circuit décisionnel. Mais il est tout à fait possible d’exercer également une forme de pression « douce » sur des individus par des interpellations régulières (et concertées entre élu-es SNESUP-FSU) des collègues en responsabilité, en marge des réunions des conseils, pour savoir comment avance le dossier, afin de leur remettre régulièrement le sujet en mémoire. Il est aussi possible, et parfois souhaitable, de mener en parallèle une campagne publique pour revendiquer que le droit à la recherche soit effectif dans l’établissement, sans bien sûr citer les personnes en cause, mais en faisant état d’un certain nombre de cas problématiques arrivés à la connaissance du syndicat pouvant révéler un problème structurel plus profond. En forçant ainsi la discussion au sein de l’établissement et notamment au sein des conseils, donc au sein de l’équipe de direction et par suite au sein des directions de laboratoire, cela permet peut-être d’éviter d’autres problèmes individuels ultérieurs, tout en démontrant à l’ensemble des collègues que le SNESUP-FSU agit en la matière.

 

1voir Partie 4 du code du travail : santé et sécurité au travail, partie qui s’applique aussi pour la Fonction publique

2procédé qui crée généralement une plus forte impression dans l’équipe de direction de l’université que la réception d’un courrier en recommandé avec AR

3Le décret ne précise rien sur les délais pour faire la demande de ré-examen, mais il est prudent de la faire dans les deux mois suivant le refus, implicite ou explicite, comme c’est le cas obligatoirement pour les recours gracieux. Cela écarte le risque d’arguties sur les délais qui seraient dépassés...