DECLARATION LIMINAIRE du CNESER en commission permanente du 26 mars 2024

Publié le 26 mars 2024

Madame la Ministre,
Mesdames et Messieurs,
 
Nous voulons attirer votre attention aujourd’hui sur trois points :
Les coupes budgétaires délétères sur le budget de la MIRES ;
Le déclassement de nos métiers qui nécessite une revalorisation générale de nos salaires ;
La « réforme » de la formation des enseignant·es.
 
Des coupes budgétaires délétères
Le gouvernement a décidé, unilatéralement et hors de toute discussion parlementaire, d’une réduction de 904 millions d'euros des crédits de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur pour 2024. Cette décision politique aura des conséquences significatives sur les capacités des établissements d’enseignement supérieur et des organismes de recherche à mener à bien leurs missions de formation et de recherche, d’autant plus qu’elles risquent d’être suivies de nouvelles restrictions dès le budget rectificatif en juin et poursuivies encore en 2025. Le choix effectué ouvrira encore davantage la place au secteur privé, au détriment de la justice sociale et de l’égalité, appauvrira encore les plus fragiles et pénalisera lourdement la jeunesse. Ces annonces d’annulation de crédits de paiement cachent en effet, de manière à peine voilée, des gels massifs de postes et des campagnes d’emploi à venir encore une fois minimalistes alors que tout montre que l’ESR public est dans une situation préoccupante. Construire une offre de formation dite « soutenable » revient aujourd’hui pour la plupart des établissements à restreindre leur offre de formation, et couper dans le vif de ce qui fait le cœur, la spécificité, la qualité, de nos formations et de notre recherche. Combien de temps encore avant que l’ESR public soit vidé de sa substance ? Alors que le terme d’université est préempté par des établissements qui n’en sont pas afin de bénéficier d'une reconnaissance académique indue, l’État œuvre au déclassement des universités publiques (au sens du Code de l'Éducation) par l’austérité qu’il leur applique ces dernières années tout en favorisant les formations supérieures privées.
 
Concernant plus particulièrement la recherche, nous nous interrogeons sur la politique gouvernementale. Tout l’automne, le ministère a dit au CNESER ne pas pouvoir s’exprimer avant que le Président de la république ne le fasse. Celui-ci a fait un discours long et provocateur le 7 décembre. S’il a entre-ouvert une possibilité de revoyure de la LPR, les annonces de coupes budgétaires de février illustrent que, bien au contraire, la recherche est à nouveau sacrifiée. Tout semble dire que l’austérité et la casse du service public de recherche se poursuivra. Les représentants des personnels ont exprimé leur analyse, nous ne le ferons donc pas à nouveau ici. Il est temps que le ministère s’exprime devant le CNESER sur ses activités concernant la recherche publique et nous espérons que vous le ferez ce matin.
 
Avec quels moyens le ministère pourra-t-il aider les établissements en difficulté financière en 2024 ? Comment le ministère sera-t-il à même de garantir les financements de la loi de programmation de la recherche en 2024 ? Comment le ministère accompagnera-t-il la rénovation énergétique du patrimoine immobilier de l’État affecté à l’ESR ? Et comment pourra-t-il lutter contre le déclassement des personnels de l’ESR dont les salaires sont notoirement insuffisants ? Qu’en est-il du rôle des organismes de recherche, du financement des laboratoires par dotation de base, d’un plan de recrutement etc. ?
 
Une revalorisation générale de nos salaires indispensable
Le déclassement se décline pour les enseignant·es-chercheur·es (EC) des universités par la dévalorisation de leurs carrières (progression lente, conditions de travail indigentes, salaires insuffisants, etc.) qui s’accompagne de l'emploi abusif de leurs titres dans le discours public. Malgré des exigences et une pression toujours plus grande sur leurs missions, des recrutements sur postes stables toujours plus tardifs, les EC, tout comme l’ensemble des personnels, ont subi une baisse significative de leur salaire en euros constants. Le salaire sommital des EC a ainsi baissé d’au moins 14 % depuis 2010 en euros constants et un grand nombre de MCF n’accède pas à la hors-classe. Il est urgent et indispensable que les salaires soient augmentés. Dans ce contexte, la division par deux du taux de promotion à la hors-classe des MCF entre 2023 et 2025 est une véritable provocation. Après les interventions du SNESUP-FSU (voir ici et pour les dernières), le 8 mars la CP-CNU a dénoncé cette baisse et invite les sections CNU à étudier le problème (voir ici). Quand le MESR va-t-il au moins respecter les lignes directrices de gestion qu’il a lui-même établies ?
 
Malgré les difficultés, la FSU a obtenu l'augmentation de la PES pour les enseignant.es et la mensualisation de cette prime. Elle continue le combat pour que les primes statutaires des enseignant.es soient alignées sur la composante C1 du RIPEC et à demander à ce que toutes et tous les contractuel·les voient leur salaire augmenté, de la même façon que les titulaires.
 
Une « réforme » de la formation des enseignants qui s’annonce destructrice
Le document de travail intitulé “Les écoles normales du XXIe siècle”, émanant du gouvernement et dont nous avons eu connaissance, pose de gros problèmes en termes de conception et de mise en œuvre de la formation des enseignant.es. Il soulève de nombreuses questions et de nombreux points de vigilance qui relèvent très directement du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Pour ne pas être trop longs, nous ne pointerons ici que les plus saillants.
 
Si, selon le MESR, il ne s’agit pas de transformer les INSPÉ, mais de créer une « structure de coordination » entre rectorat et université, et que les INSPÉ sont maintenus, un (gros) doute plane sur la possibilité pour l’INSPÉ d’exercer ses missions : Qui portera par exemple les futures licences LPPE ? Les INSPÉ resteront-ils une composante universitaire indépendante pour les missions qui ne relèvent pas de l’ENSP (master MEEF mention PIF, Formation continue notamment) ? Et comment s’organiserait concrètement l’articulation entre INSPÉ et une structure, l’ENSP, annoncée sous une tutelle mixte MEN-MESR, exemptée de toutes les caractéristiques universitaires encore présentes dans les INSPÉ ? Rappelons à ce propos que le SNESUP-FSU demande toujours une réforme des INSPÉ dans le sens d’une plus grande démocratie de sa gouvernance et de ses instances et notamment l’exigence d’une majorité de représentant·es élu·es dans les conseils d’INSPÉ et le fait que, comme dans toute composante universitaire, son·directeur ou sa directrice soit élu·e par le conseil d’INSPÉ.
 
On lit dans ce document de travail que certains personnels interviendraient « pour trois ans » renouvelables une fois, dans le cycle préparatoire (Licence PPE) aussi bien que dans le cycle « supérieur » (master ENSP), que d’autres seraient « choisis », ou « repérés »... Pour les personnels enseignants de l’université, que peut signifier qu’iels seront « choisi·es » ? Et par qui ? Comment constituer des équipes de formation dans ce cadre (choix, durée limitée), qui puissent délivrer une formation qui ne soit pas une simple juxtaposition mosaïque de contenus plus ou moins pertinents ? Le SNESUP-FSU rappelle qu’être formateur·et formatrice d’enseignant·es ne s’improvise pas et que constituer une formation d’enseignant·es à la hauteur des défis auxquels notre société est confrontée n’est pas un jeu, une loterie ou un « Tetris » comme l’ont exemplairement montré les « réformes » précédentes dont il avait annoncé l’échec. Il persiste à demander des modalités de recrutement de l’ensemble des personnels selon des normes universitaires.
 
Dans cette volonté de tout contrôler, le projet prévoit de priver les personnels de certaines de leurs missions en contournant les libertés académiques et en ôtant la conception des contenus de formation aux équipes (maquettes). Le découpage en pourcentage figurant dans le document ne fait pas sens et on se demande par exemple quelle est la place réelle de la science didactique en licence et en master et quel pourra être l’adossement à la recherche de ces diplômes dans les conditions et sous les contraintes faites à la formation.
Pour terminer, ce document témoigne d’un profond mépris pour les collègues investi·es dans la formation des enseignant·es et pour l’INSPÉ, qu’il s’agit clairement de « reprendre en main » sans considération aucune de la qualité, de la cohérence et de la dimension universitaire de la formation ni de la situation et des conditions de travail des personnels qui sont malmenés depuis plusieurs années, sans parler des étudiant·es qui vont encore être mis dans des situations difficiles. Le projet tel qu’il apparaît dans ce document est à tout point de vue intenable. Les acteurs et actrices de la formation ne sont pas consulté·es, l’intersyndicale a demandé le report de cette « réforme » sans être entendue. Le SNESUP-FSU demande que de réelles concertations et négociations, collégiales, soient mises en place, en leur consacrant un temps suffisant, afin de véritablement développer une formation des enseignant·es de haut niveau à la hauteur des enjeux de notre société.