Fiche pratique : Congés de maladie, maternité, paternité des enseignants-chercheurs et enseignants du supérieur. Quel impact sur les obligations de service d'enseignement ?

Publié le : 08/02/2021

 

 Fiche pratique 

Congés de maladie, maternité, paternité
des enseignants-chercheurs et enseignants du supérieur :
Quel impact sur les obligations de service d'enseignement ?

 

L’annualisation des services d’enseignement des enseignants-chercheurs et enseignants (EC&E) dans l’enseignement supérieur, est source depuis près de 40 ans d’innombrables différends entre les administrations des établissements et les collègues devant bénéficier d’un congé de maladie (dit « ordinaire »1), de maternité ou de paternité2. Ni le décret 84-431 définissant les statuts des EC ni le décret 93-461 définissant les obligations de service des enseignants de statut second degré affectés dans le supérieur ne comportent de disposition en la matière. Le ministère s’est toujours contenté de produire des circulaires pour guider les administrations des établissements en matière de respect du droit aux congés reconnu aux agents de l’État par l’article 34 de la loi 84-16 (statut de la Fonction publique d’État), en particulier pour les raisons de maladie, de maternité ou de paternité.

La dernière circulaire en vigueur sur le sujet date du 30 avril 2012 et a été publiée au bulletin officiel du MESR du 07/06/ 2012 (à retrouver sur le site du SNESUP-FSU, rubrique Statuts et Carrières/Droits généraux des personnels). Elle a apporté un progrès par rapport à la précédente grâce à un important travail du SNESUP de recensement des problèmes et de propositions. pour autant elle est loin d'être satisfaisante. En ne traitant pas des questions fréquentes elle laisse un large pouvoir discrétionnaire à l'administration.. Cette fiche en résume les grandes lignes, mais il est impératif de consulter la circulaire et ses nombreux cas-type avant de discuter avec l’administration sur les obligations de service dans de tels cas

 

Conseils et rappels pour éviter des difficultés ultérieures

- Le droit à congé maladie (et autres) reconnu aux agents de l’État l’est bien sûr pour les EC&E mais se traduit spécifiquement en terme de service d’enseignement annuel dû, sous certaines réserves (voir ci-dessous). En cas de congé, il est important pour le calcul du service dû d’avoir un service prévisionnel validé, comme indiqué dans la circulaire. Mais dans de nombreux établissements, ceci se fait mal ou tardivement ; il est donc important chaque année de garder des traces des enseignements prévus (échanges mails, fichiers récapitulatifs par formation, etc.), à titre préventif.

- il faut respecter le délai réglementaire de communication d’un arrêt maladie, qui est de 48 heures (cf art 25 du décret 86-442 ). La circulaire Fonction publique du 24 juillet 2003 « Modalité de traitement des certificats médicaux d'arrêt de travail pour maladie des fonctionnaires... » invite les fonctionnaires à transmettre à leur service du personnel les volets 2 et 3 de l'arrêt uniquement. La raison est de préserver le secret médical car ce sont les seuls qui ne comportent pas de mentions médicales. Il faut conserver le volet 1 pour être en mesure de le présenter en cas de contre-visite médicale organisée par l'administration.

En pratique, un mail avec un scan du volet 2 ou 3 peut être envoyé à la direction de la composante et au service RH de l’établissement, à confirmer ensuite par l’envoi postal de ces deux volets ou le dépôt par un proche au service RH .

- Quelle que soit la durée du congé de maladie, le jour de carence s’applique (c’est à dire le non paiement de 1/30ème de la rémunération mensuelle pour le premier jour d’arrêt maladie), sauf en cas de covid selon une décision récente et provisoire du gouvernement (Décret n° 2021-15 du 8 janvier 2021 relatif à la suspension du jour de carence)

 

Comment se traduit le congé de maladie, de maternité ou de paternité en termes de service d’enseignement ?

Réponse : très difficilement !

 

Les situations des agents non titulaires

La circulaire traite essentiellement du cas des titulaires et renvoie vers des dispositions qui devraient exister au niveau de l’établissement pour les contractuels, hors PAST et doctorants contractuels.

Pour un congé de maladie d’EC&E contractuel, en dehors de ces cas, il faut donc demander à l’administration de produire la décision de l’université en la matière pour ces personnels. À défaut d’existence d’une telle décision, on peut revendiquer, au motif d’égalité de traitement des personnels, que les dispositions de la circulaire s’appliquent pour eux aussi (si cela ne leur nuit pas, évidemment).

Noter que pour les contractuels, les conditions de rémunération durant ces congés dépendent de leur ancienneté (décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels, art 12 et suivants).

Les enseignants vacataires ne sont absolument pas concernés par le droit à congé de maladie ou de maternité, puisque seules les heures effectivement faites leur sont payées. Ceci est particulièrement problématique pour les étudiants de 3eme cycle, non docteurs, et sans financement de thèse ou emploi principal, autorisés à faire jusqu’à 96hTD de vacations par an. En effet, dans ce cas, il n’y a pas d’employeur principal autre que l’établissement, mais pas non plus de maintien de la rémunération sur laquelle comptaient ces jeunes collègues.

 

Principes de la circulaire

Une journée de congé est égale à 7 heures de travail fonction publique au minimum, soit pour un EC au service non modulé : (7/1607) x 192 = 50 minutes de TD ou TP; ou pour un E, 1h40 minutes de travaux dirigés ou pratiques, soit (7/1 607) x 384, si cette journée coïncide avec un jour ouvrable. Le texte rappelle que les samedis, dimanches, ainsi que les jours fériés et chômés ne constituent pas des jours ouvrables au sens de l'article 642 du code de procédure civile.

Une semaine de congé est donc reconnue pour 35 h de travail fonction publique, soit 4h10 minutes de TD ou TP d'un EC au service non modulé, ou 8h20 minutes pour un E. Cela fixe un premier minimum pour les calculs à faire (le second minimum concernant le calcul à faire pour un congé de maternité).

MAIS, le texte invite à considérer deux cas, selon qu’un tableau de service prévisionnel (avec emploi du temps prévisionnel) a été établi ou pas, et indique également des modalités de calcul différentes selon la période du congé et l’état de réalisation du service d’enseignement prévu pour l’année universitaire, ce qui revient à considérer plusieurs cas…

Ces modalités variables découlent de la méthode calendaire sur laquelle persiste à s'appuyer le ministère malgré toutes les inégalités de rémunération qui en découlent. Cette méthode considère que les heures statutaires sont les 192 ou 384 premières dans l’emploi du temps, et les heures complémentaires sont celles éventuellement effectuées après. Elle est orthogonale à la méthode en vigueur pour nos collègues du secondaire dont les heures complémentaires planifiées pour l'année sont virtuellement réparties sur toute la semaine. Pour les enseignants du supérieur, un congé maladie aura des effets différents selon sa localisation dans l'année…

 

Déclinaisons en règles de calcul assez complexes

Des minima spécifiques sont accordés pour Ies congés de maternité, qui seront examinés dans la section dédiée. Les règles ci-dessous sont d'application générale ; les effets d'un congé sur le service se calculent suivant un traitement par cas :

A) Le congé est attribué dans une période où il reste au collègue encore des cours à faire.

  • Un tableau de service avec emploi du temps prévisionnel a été établi.

    • Le service statutaire n’est pas déjà entièrement fait : alors toutes les heures d’enseignement prévues dans l’emploi du temps sont réputées faites. Elles doivent être comptabilisées dans le service fait en fin d’année, et il n’y a alors pas d’obligation de rattraper ces heures pour avoir un service complet. 

    • Le service statutaire a déjà été fait, mais des heures complémentaires restent à faire : alors là, disposition inique résultant de la méthode calendaire, il n’y a pas de réduction du service associée au congé. Par contre le salaire sera réduit au titre du jour de carence... Il n’y a pas d’obligation d’assurer ces enseignements (encore heureux!) mais s’ils ne sont pas faits, pas de paiement des heures complémentaires prévues durant la période de congé.

 

  • Il n’y a pas de tableau de service prévisionnel.

alors le calcul préconisé est celui de la méthode dite « proportionnelle », conduisant à des calculs d’apothicaire (fou!) détaillés dans la circulaire et à des aberrations qui y sont pointées lorsque le service est déséquilibré entre les deux semestres, mais sans proposition de solution ! Le SNESUP-FSU préconise, lorsque le service est essentiellement sur le second semestre et qu'un congé de maladie se situe sur ce semestre de faire valoir les principes rappelés par la circulaire, à savoir : « Les établissements doivent s'assurer que ce droit à congé soit respecté en tenant compte des particularités des obligations de service diversifiées et annualisées des enseignants. » et « les périodes de congés réglementaires de toute nature dont les personnels concernés peuvent bénéficier entraînent une dispense de service pour toutes les obligations prévues. Elles ne supposent donc aucune obligation de rattrapage a posteriori ».

Il faut aussi souvent rappeler que le service d’enseignement est défini par année universitaire et ne saurait être reporté d’une année sur l’autre pour « solder une dette ». Donc s’il n’y a plus suffisamment d’enseignements à confier au ou à la collègue à son retour de congé, le service annuel doit être considéré comme fait (comme dans la situation n° 9 des exemples de la circulaire).

 

B) le congé se situe dans une période où il n’y plus de cours à faire dans l’établissement.

Rien n’est prévu dans la circulaire, qui ne répond pas à la difficulté parfois rencontrée lorsqu’un congé de maladie intervient durant une période d’examen : la confection du sujet et la correction des copies relevant des obligations statutaires des enseignants associées aux enseignements dont ils-elles ont la charge, même si les cours ont été donnés, le service n’est théoriquement pas complètement fait tant que ces obligations ne sont pas remplies. Mais à l’impossible nul n’est tenu !

La mise en congé suppose l'impossibilité d'exercer ses fonctions (cf l'art. 24 du décret n° 86-442 pour un congé maladie). De ce fait, il serait abusif de confier des activités à un agent durant son congé.

Seule l’intelligence collective permet de résoudre les problèmes posés par l’incapacité pour raison de santé de poser le sujet et/ou corriger les copies dans les délais imposés par le calendrier des examens (extension des délais de remise des notes, remplacement par un.e collègue selon des modalités à négocier avec l’administration, neutralisation du coefficient de la matière concernée dans les moyennes des étudiants, etc.). Mais il faut savoir qu’il n’y a pas de bonne solution...

 

Les congés de maternité

La circulaire pose la reconnaissance minimale d'un congé maternité, indépendamment de  la date d'accouchement, comme suit

  • congé de 16 semaines : un demi-service d'enseignement
  • congé de 26 semaines : 156 heures TD d'une EC ou 312 heures TD d'une E2D.
  • congé de 34 ou 46 semaines : l'intégralité du service annuel d'enseignement.

Les règles de calcul générales données plus haut sont cependant valables si leur application s'avère plus avantageuse que les minima spécifiques au congé maternité. De plus l'établissement peut avoir voté des dispositions plus favorables pour ses EC&E (mais en existe-t-il ?).

La plupart des problèmes concernent des congés maternité localisés en fin d'année universitaire. En effet le service prévisionnel complet de la collègue fixé en début d'année devient inadapté lorsque la grossesse est connue. Il est conseillé de se renseigner au plus tôt sur l'interprétation de son administration pour adapter son service en conséquence, puisque la circulaire n'a rien explicité des situations suivantes :

- Le volume d'enseignement déjà réalisé dépasse le service annuel exigible après déduction de la dispense due au congé maternité, ou l'enseignante est réticente à abandonner des enseignements prévus au second semestre, par crainte de ne pas les retrouver ou pour limiter les perturbations dans son département de formation. Le paiement d'heures complémentaires est possible mais il faut prendre garde à ne pas dévoyer l'objectif du congé, à savoir la protection de la mère et de son enfant. en transformant la dispense en heures complémentaires.

- Le congé est à cheval sur deux années universitaires, ouvrant la porte à une application au prorata ; Mais en l'absence de préconisation de la circulaire une répartition de la dispense sur les deux années différente d'un prorata strict est envisageable, surtout si elle va dans le sens des intérêts des équipes pédagogiques et des étudiants. Une telle adaptation peut s'appuyer sur la possibilité pour la femme enceinte de  reporter sur prescription médicale une partie de son congé prénatal après l'accouchement, dans la limite de 3 semaines (art L 331-4-1 code de la sécurité sociale, circulaire « Assouplissement du congé de maternité » du 12/07/2007).

Rappelons enfin que le code de la sécurité sociale (art L331-3) prévoit la cessation de tout travail salarié dans la période définie par les dates officielles d'un congé maternité.

 

Quid des enseignements à assurer durant mon absence ?

Qui doit me remplacer ? quelle obligation de rattraper mes enseignements à mon retour ?

La question du remplacement est délicate. Elle est accentuée par le déficit d'EC&E. L’enseignement supérieur ne dispose pas de personnels enseignants spécifiquement dédiés aux remplacements, et les cours qu’un.e enseignant.e ne peut assurer durant une période de congé de maladie, de maternité ou de paternité ne sont remplacés que lorsque des collègues sont en mesure de le faire. Comme cité précédemment, la circulaire rappelle que : « les périodes de congés réglementaires de toute nature [...] ne supposent donc aucune obligation de rattrapage a posteriori. Un enseignant qui accepte de rattraper le service statutaire qu'il n'a pu accomplir du fait d'un congé régulier doit être rémunéré en heures complémentaires, lorsque ce rattrapage le conduit à accomplir un service au-delà de ses obligations statutaires. ».

Si la recherche d'une solution de remplacement retombe en pratique la plupart du temps sur la ou le collègue en congé, il ne lui incombe aucune obligation . La gestion des conséquences des absences des agents relève de la compétence de l'administration.

 

Quelle garantie de retrouver mes cours après un congé de maternité ou un congé de maladie prévu pour durer assez longtemps ?  

Une autre fiche pratique est dédiée aux modalités de répartition des services d’enseignement. Rappelons simplement ici que nul n’est propriétaire de ses enseignements et donc, lorsque plusieurs collègues dans l’équipe pédagogique sont en mesure de dispenser les mêmes enseignements, personne ne peut avoir de garantie de retrouver les mêmes enseignements à son retour de congé. Seule l’intelligence collective et la négociation avec les collègues permettent que les choses se passent dans des conditions satisfaisantes. Dans certains établissements des principes de rotation existent. S'il existe une section locale les militant.es du SNESUP-FSU peuvent souvent apporter aide et conseils pour que cela se passe au mieux. Pensez à les contacter. À défaut, des conseils peuvent être obtenus auprès du secteur Situation des personnels du siège du SNESUP-FSU.

 

Rédigé par Claire Bornais et Philippe Aubry

 

1Le droit à congé de maladie « ordinaire » est de 12 mois maximum, dont 3 mois à plein traitement. Si la durée du congé de maladie prévu excède cette durée, il est alors souhaitable de demander le bénéfice d’un congé de longue maladie.

2 Le congé paternité a une durée de 11 jours, 18 en cas de naissances multiples. Il peut être augmenté de 30 jours maximum lorsque l'enfant est immédiatement hospitalisé.