CNESER plénier Exceptionnel du 11 mars 2019 : Intervention de Hervé Christofol sur la hausse des droits d’inscription

Publié le : 11/03/2019

 

Intervention de Hervé Christofol, Secrétaire général du SNESUP-FSU, sur les droits d’inscription

Pour la FSU

 

Comme nous l’avons déjà exprimé au cours des audiences avec le cabinet, comme nous l’avions exposé à la commission de concertation sur l’impact de l’augmentation des droits, nous sommes fermement opposés à l’augmentation des droits d’inscription pour les étudiants français, européens et extracommunautaires. Nous revendiquons une université gratuite et ouverte à tous les bacheliers ou individus ayant un diplôme équivalent et financée par des fonds publics sur le budget de l’État et des collectivités territoriales.

Les projets d’arrêtés et de décrets qui nous sont proposés engendrent d’une part une sélection par l’argent, et d’autre part une discrimination contraire au droit qui veut que tous frais d’inscription supplémentaires aux frais standards soient justifiés par des prestations spécifiques et non par la nationalité ou de l’origine de l’usager.

Comment expliquer des frais dans les écoles d’ingénieur de 2 500 € pour toutes et tous sans les justifier par un désengagement du financement de l’État ?

Comment expliquer des frais en Licence ou dans les classes préparatoires intégrées des écoles d’ingénieur quinze fois plus élevés pour les étudiants étrangers que pour les étudiants français ou européens ?

Les étudiants étrangers paient des taxes et, si leurs revenus sont suffisants, des impôts en France. Si leurs parents n’ont pas payé d’impôts en France, c’est également le cas de 50 % des ménages de notre pays et 100 % des parents d’étudiants communautaires. Faut-il distinguer les étudiants français selon que leurs parents ont ou non payé l’impôt sur le revenu ? Une étude maintenant bien connue de Campus France, a montré que par leur activité dans notre pays, les étudiants étrangers rapportent plus de 4,5 G€ à notre pays tandis qu’ils ne nécessitent que 3 G€ d’investissement pour leurs études dans nos établissements.

Sans compter que s’ils demeurent en France, celle-ci, sans avoir payé toute leur éducation, bénéficie de leur activité. Et que s’ils retournent dans leur pays, ils développe des liens scientifiques, culturels, touristiques et économiques qui contribuent encore à l’activité de notre pays.

Il n’y a donc aucun argument économique, scientifique et encore moins humaniste, social ou culturel, ni même géopolitique à s’entêter dans cette voie.

Les ambassadeurs se pressent au quai d’Orsay pour obtenir un accord qui permettrait d’exonérer leurs ressortissants de cette mesure discriminatoire. Car c’est un enjeu pour le développement de ces pays comme pour les projets de vie de leur jeunesse. A l’heure où l’on souhaite contribuer au développement des pays du sud pour éviter les radicalisations locales, voilà une coopération qui ne fait que des heureux !

Quant au fameux « signal prix » avancé par les tenants de la marchandisation de l’enseignement supérieur pour attirer les étudiants des pays émergents, aucune étude scientifique n’en a démontré la pertinence.

Non, cette mesure n’a qu’une seule explication, et c’est d’ailleurs celle avancée par le Président de la République dans son discours d’Evry Courcouronnes quand il explique qu’à cause du baby-boom de l’an 2 000 nous allons devoir accueillir 50 000 étudiants de plus d’ici la fin du quinquennat, est qu’il ne veut pas augmenter les impôts car ce serait impopulaire.

Il nous faut donc bien trouver des moyens pour les accueillir, et faire payer les étudiants étrangers permet de dégager des ressources propres supplémentaires !

Alors qui croire ? Faut-il encore croire le Premier ministre qui dit vouloir consacrer les sommes versées par les étudiants étrangers à l’amélioration de leur accueil et au marketing de la France pour pré-vendre nos formations sur le marché international des étudiants en mobilité ? Ou faut-il croire le Président de la République qui justifie le désengagement de l’État ? Je ne ferai pas allusion au courrier de la DGESIP du ministère du mois de novembre qui demandait aux Présidents des universités de financer leur GVT avec les frais d’inscription des étudiants étrangers car il nous a été rapporté que c’était une erreur… Non je me fierai plutôt à ce qui s’est passé dans les autres pays étrangers. Partout où l’on a augmenté les frais d’inscription, ce sont les étudiants étrangers qui ont été les premiers visés puis tous les étudiants ont rapidement été concernés. Et partout, cette contribution a servi à désengager l’État du financement de l’enseignement supérieur.

Notamment en Angleterre où, au départ, les frais ont été fixés par le gouvernement travailliste de Tony blair à 1 000£ puis rapidement à 3 000£ et maintenant à 9 000£ pour les anglais et jusqu’à 15 000£ pour les étrangers. L’État était soit disant en faillite et il fallait financer la guerre en Irak. Dans un premier temps par souci de moindre discrimination sociale des bourses ont été accordées aux nationaux les plus modestes. Mais progressivement, les prêts à remboursement conditionné garanti par l’État se sont substitués aux bourses et maintenant la quasi-totalité des étudiants sont endettés. Plus de 35 % ne parviennent pas à rembourser ce qui conduit l’État-garant à payer les banques (CQFD ?).

Est-ce ce modèle de développement et de société que nous voulons promouvoir ? Il est encore temps que ce gouvernement revienne sur cette mauvaise option. L’immense majorité de la communauté universitaire est contre ce projet. Comme Vous l’avez reconnu Madame la ministre, à propos des doctorants, il est urgent d’arrêter les dégâts pour la réputation de notre système d’enseignement supérieur dans le monde, pour la qualité de notre recherche, pour le respect de nos valeurs républicaines, pour nos enfants et notre société. Finançons l’enseignement supérieur via le moyen le plus juste, le budget de l’état via les taxes et impôts et renonçons à augmenter les frais d’inscription pour les étudiants étrangers comme pour les étudiants français et européens dans les écoles d’ingénieurs. Et puisque nous croyons savoir qu’une réforme constitutionnelle est en cours d’examen profitons-en pour l’inscrire dans la constitution !

 

Téléchargez Intervention Hervé Christofol - CNESER Plénier du 11 mars 2019

 

Vote du à propos du projet de décret augmentant les droites d'inscription : 3 voix POUR (CGE et Cdefi), 63 voix CONTRE et 2 ABS

Vote du à propos du projet d'arrêté qui fixe les montants : 3 voix POUR (CGE et Cdefi), 64 voix CONTRE et 2 ABS