Édito : La gratuité, un principe aux fondements de l’égalité
En mars dernier, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, affirmait sans détour qu’il était temps de mettre fin à l’État-providence et de sortir « une bonne fois pour toutes du mirage de la gratuité universelle »1. Durcir encore les conditions de l’assurance-chômage, mettre fin aux diverses aides pour les travailleur·ses sans emploi, ne plus indemniser les arrêts maladie de moins de huit jours (proposition du rapport de la Cour des comptes), ne plus rembourser certains médicaments, etc., le modèle social français ne cesse de prendre l’eau au prétexte qu’il serait bien trop favorable au regard de ses homologues européens, qu’il encouragerait la paresse et l’assistanat… et que l’État n’en aurait plus les moyens. L’argumentaire faisant évidemment fi des cadeaux fiscaux distribués sans limite aux plus riches et aux multinationales. Taper sur les plus fragiles, toujours et encore… La solution de la classe dominante au pouvoir pour préserver ses intérêts.
En janvier 2022, le président de la République l’avait énoncé sans aucun complexe concernant l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) : « On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour les étudiants. »2 Depuis deux ans, sa parole infuse et se transforme doucement mais sûrement en actes.
Ainsi, dès septembre 2024, les droits d’inscription augmenteront de 2,9 %. Par ailleurs, la région Auvergne-Rhône-Alpes, présidée par Laurent Wauquiez (LR), ne financera plus de diplôme d’accès aux études universitaires (DAEU) pour les demandeur·ses d’emploi afin d’orienter ses financements uniquement vers des formations qui mènent à l’emploi. Pour rappel, ce diplôme donne la possibilité aux personnes qui n’ont pas obtenu le baccalauréat de valider un équivalent permettant la poursuite d’études supérieures. Pour les demandeurs d’emploi, il s’agit d’accéder à de nouvelles connaissances, d’élever leur niveau de qualification et de pouvoir bénéficier d’une promotion sociale et professionnelle. Désormais, ils et elles sont invité·es à se rapprocher de France Travail. Sans financement, cette formation particulièrement importante pour des jeunes faiblement diplômés est condamnée à disparaître. Et, avec elle, un levier de la démocratisation de l’enseignement supérieur.
Pour le SNESUP-FSU, la gratuité de l’ESR n’est pas une utopie, mais une nécessité pour permettre à toutes et tous les étudiant·es de poursuivre des études supérieures, quelle que soit leur situation financière. La gratuité n’est pas une anomalie, mais au contraire un principe d’égalité que le gouvernement devrait défendre coûte que coûte. Il en va de l’avenir de notre société et de son développement vers plus de démocratie, de justice et d’égalité.
Anne Roger et Caroline Mauriat, cosecrétaires générales