Un master certifié MEN

Publié le : 23/04/2012


Un master certifié MEN(1)

par Thierry Astruc, responsable du collectif FDE et élu SNESUP au CNESER

 

En complément de la loi Grosperrin, le MEN et le MESR(2) ont présenté un nouveau cahier des charges de la formation des professeurs, documentalistes
et conseillers principaux d'éducation dont les universitaires sont écartés.

Le 27 novembre dernier, le Conseil d'Etat annulait l'article 3 de l'arrêté de mai 2011 qui organise la formation des maîtres. Cet article abrogeait le cahier
des charges de décembre 2006, que le SNESUP avait combattu alors, sans le remplacer. Un des ressorts de l'annulation était que cet arrêté aurait dû être signé par les deux ministères et, qu'en outre, l'existence du cahier des charges est prévue dans le Code de l'éducation. La non inscription de la loi Grosperrin à l'ordre du jour du Sénat n'a pas permis de faire disparaître cette référence. Le 19 mars dernier, sans aucune concertation( 3) préalable, un nouveau cahier des charges(4) a été mis à l'ordre du jour du CNESER et du CSE. L'enjeu est de taille : avec le cahier de décembre 2006, il aurait fallu au gouvernement créer 4 000 postes pour septembre 2012, postes non inscrits au budget de l'État. Passant outre les péripéties qui ont accompagné ces passages(5), regardons de plus près ce projet. Le gouvernement continue sa réforme éducationnicide dont ce projet constitue une brique de plus, certes improvisée - comme le reste d'ailleurs - mais néanmoins importante. L'aspect fondamental de ce projet est l'exclusion des universitaires de la formation
des enseignants. En effet, pour pouvoir intervenir dans ces masters, il faudra justifier « d'une expérience réelle et continue » du métier, ce qui écarte les universitaires ayant suivi un parcours classique ainsi que nombre de chercheurs en éducation. Autre point crucial : la formation est plafonnée à un tiers, mais en plus d'un service complet, ce qui sera le moyen le plus sûr de la faire disparaître sous la pression des lauréats. Le MEN affirme que cette situation est la même pour tous les métiers. Les autres éléments négatifs sont légion. Ainsi le projet renvoie la FDE à une gestion locale, plus précisément à une négociation locale entre rectorats et établissements d'enseignement supérieur. Ces derniers, « en fonction de leur potentiel potentiel scientifique, ont vocation à adapter leur offre de formation et à répondre aux besoins particuliers de chaque académie, dans une logique de politique de site et de coopération inter-établissements ». Entre le projet Grosperrin et la loi LRU, il n'y aura désormais plus aucune limite au désengagement de l'État.
En outre, on peut craindre un appel aux établissements privés ou aux établissements scolaires, puisque le projet alterne l'emploi du mot université avec l'expression « établissements d'enseignement supérieur ».
Enfin, dans le texte, les seules références à la recherche sont à visée utilitaires : « Acquérir la capacité de tirer parti des apports de la recherche » ou encore  "Chaque étudiant doit être en mesure de réaliser une lecture informée et critique des travaux scientifiques propres à éclairer ses futures pratiques professionnelles ".
Avec le choix d'un master P, aucune poursuite d'études n'est envisagée. L'adossement à la recherche disparaît d'ailleurs totalement pour les masters en
alternance. Quant aux FS, il ne leur reste plus que de « l'innovation pédagogique ». L'absence de développement de la recherche en éducation, qui aurait dû
accompagner la création des IUFM, a handicapé la FDE depuis plus de 20 ans. Cette leçon n'a visiblement pas été apprise.
Ce gouvernement continue dans la voie qu'il s'est tracé. Avec les stages de master conçus par ce projet, les étudiants rejoignent les FS et le vivier de contractuels (reçus au master mais pas au concours). En plus de l'alternance que le MEN essaie d'imposer.
On notera aussi, avec l'intitulé du cahier des charges que les documentalistes ne sont plus des professeurs pour le gouvernement, ce qui n'est guère une
surprise. Et les manques de ce projet sont tout autant explicites : toujours pas de référence au ministère de l'agriculture, aucune allusion aux PLP ou autre
CAPET...
Avec ce projet, le fossé se creuse un peu plus entre le gouvernement et la communauté de l'éducation (au sens large). S'il était adopté et si ces masters
étaient abrités dans les lycées, un seul effet positif pour les étudiants : moins de kilomètres à faire pour leurs stages(6).

1. Ministère de l'Éducation nationale.
2. Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche.
3. Le ministère a tenté de faire croire à une concertation avec la CPU, ce qui a été fermement démenti par cette dernière.
4. /Presse-et-documentation? aid=6121&ptid=5&cid=2030
5. Le MESR a réussi à passer le projet de cahier des charges au MEN pour le CSE du 22 mars avec les 4000 postes inclus.
6. Ou pour faire des remplacements en urgence...