Un itinéraire au prisme du genre : femme, enseignante-chercheure, éducation physique et sportive

Publié le 19 février 2013

Un itinéraire au prisme du genre : femme, enseignante-chercheure, éducation physique et sportive


par
Sigolène Couchot-Schiex, maîtresse de conférences en STAPS, université Paris-Est Créteil, OUIEP, IUFM

En usant du concept de genre, l’auteure s’est employée à faire émerger différences et/ou similitudes de l’enseignant.e d’EPS à partir d’une étude descriptive in situ.

Un parcours professionnel se résout mal à ne pointer que quelques rencontres. C’est pourtant le choix que je fais dans cette présentation car je donne un sens décisif à celles que je présente et qui m’ont conduite à intégrer l’UPEC comme enseignante-chercheuse en septembre. Présentation d’un itinéraire au prisme du genre ou aux prises avec le genre ? Professeure agrégée d’Éducation physique et sportive (EPS) au début des années 1990, la lecture d’une revue professionnelle m’a amenée à rencontrer un article d’A. Davisse (IPR-IA Académie de Créteil) et M. Volondat(1) (IGEN-EPS) interrogeant la réalité de la mixité dans cette discipline scolaire. Cet article a été le catalyseur d’un questionnement qui ne m’a plus quittée. La rencontre avec un objet d’étude peut advenir de multiples façons, mais il me semble qu’il réfracte une étincelle intime du chercheur.e en tant qu’individu. 
Ce questionnement, devenu objet de recherche, s’est orienté dans le cadre de ma thèse sur les effets du genre des enseignant.e.s d’EPS. Lors de l’initiation de ce travail en DEA (1999), le terme de genre n’avait pas en France l’audience qu’il a conquise depuis. C’est le concept de sexe qui prévalait et qui considérait la position de domination dans laquelle les femmes font l’expérience de la différence. Mon choix du concept de genre a été porté par la rencontre d’un outil scientifique issu de la psychologie sociale, un test d’assignation de genre : le BSRI (Bem Sex Roles Inventory). Dès la naissance, tout être humain est classé dans l’une des deux catégories de sexe s’excluant mutuellement. Cette catégorisation génère des comportements et des attentes différenciées s’organisant autour d’une bipolarité masculinité vs féminité. À l’issue de ce test les personnes des deux sexes sont classées selon quatre catégories de genre : féminin, masculin, androgyne ou non différencié. 
C’est donc en usant de ces concepts et outils que j’ai tenté de faire émerger les différences et/ou les similitudes des pratiques des enseignants d’EPS. Cette étude in situ a été menée auprès de seize enseignant.e.s (huit hommes, huit femmes répartis selon les quatre catégories catégories de genre). En quelques éléments rapidement évoqués, la conclusion de cette étude montre que le genre et le sexe se combinent soit en se renforçant lorsqu’ils sont de même type (femme féminine et homme masculin) soit en se nuançant lorsqu’ils sont croisés (femme masculine, homme féminin). Ces résultats pourraient apparaître comme des évidences, mais ils démontrent scientifiquement que « l’enseignement n’est pas neutre ». Par son identité personnelle et professionnelle l’enseignant.e contribue à la fabrication des inégalités sexuées en milieu scolaire à travers différents médiateurs (climat de classe, contenus d’enseignement, interactions, modalités de l’activité d’apprentissage...) et à la reproduction des rapports sociaux de sexe(2) sans qu’il/elle en soit conscient.e. 
Pendant la réalisation de cette thèse, j’ai eu l’occasion de travailler dans l’ERTé « Genre éducation corps » sous la direction de G. Cogérino et de T. Terret du laboratoire CRIS Lyon 1. Entre 2000 et 2005, d’autres thèses ont exploré le genre en EPS. 
Un recrutement à l’IUFM de Lyon m’a ouvert l’accès à un groupe dédié aux problématiques du genre. Sous l’impulsion de M. Zancarini- Fournel, le GEM (Genre égalité mixité) a développé des recherches pluridisciplinaires fructueuses, ciblant par exemple la lutte contre les stéréotypes et la transformation des pratiques des enseignant.e.s. D’autres collègues lyonnais m’ont poussée, par des collaborations et encouragements, à poursuivre jusqu’à l’obtention d’un recrutement comme EC. Aujourd’hui, les problématiques liées au genre font l’actualité. Le champ de recherche s’est largement développé, propice à la création fin août d’une association de recherche francophone sur le genre en éducation et en formation (ARGEF). Avec l’installation des nouvelles ESPé, notre association travaille à l’institutionnalisation de la thématique conformément au nouveau cadre national des formations du professorat et de l’éducation. Localement, l’Observatoire (OUIEP) auquel je participe constituera un appui structurel d’envergure. 
Il reste tellement à comprendre des femmes et des hommes au prisme du genre... Peut-être éveillerons-nous de nouveaux intérêts ? Mes perspectives de recherche actuelles s’emploient à conserver une cohérence avec le genre en EPS, mais aussi à explorer de nouvelles thématiques telles que l’homophobie en milieu scolaire qui émerge parfois dans cette discipline. Enfin la théorie de l’intersectionnalité (sexe, classe, race) pourrait permettre de mieux comprendre ce qui permet ou interdit l’accès aux activités physiques et/ou sportives audelà des stéréotypes sexués. 

 (1) Davisse, A. et Volondat, M. (1986), « Mixité, pédagogie des différences et didactique », Revue EPS n° 206, p. 53-56 
(2) Mosconi, N. et Loudet-Verdier, J. (1997). « Inégalités de traitement entre les filles et les garçons », in C. Blanchard-Laville (éd.), Variations sur une leçon de mathématiques. Analyse d’une séquence : « L’écriture des grands nombres », Paris, L'Harmatan