Thème 4 : I L'état du syndicalisme français

Publié le 18 novembre 2009

THEME 4 : Quelle FSU pour quel syndicalisme ?

I L'état du syndicalisme français

I-1. Le mouvement syndical et la politique menée par le président et le gouvernement.

 

I-1.1. Annoncée par le programme électoral de N. Sarkozy, cette politique se caractérise par la volonté de passages en force et d’accélérations de « réformes » transformant en profondeur le modèle social français dans un sens profondément libéral. Les principales réponses apportées par le gouvernement à la crise du capitalisme accentuent les traits de cette orientation au détriment des salariés et des couches populaires.

I-1.2. Nicolas Sarkozy cherche à imposer un nouveau type de relations avec les organisations syndicales : il affiche sa volonté de les associer aux grandes décisions en multipliant audiences et consultations, voire en s’efforçant d’obtenir l’appui ou la neutralité de certaines organisations, mais il maintient le cap de sa politique. S’il sait parfois, face à une opinion ou une mobilisation majoritaire, prendre en compte des rapports de forces et reculer, faisant mine quelquefois de reprendre certaines revendications syndicales, il manoeuvre pour ne rien céder sur le fond de sa politique. Bien que bousculée par la crise et par les mobilisations, cette « marche forcée » libérale n’a pas trouvé face à elle d’obstacle suffisamment conséquent dressé par les salariés et leurs organisations syndicales.

I-2. Le syndicalisme français : unité d’action, divisions et débats sur la stratégie

 

I-2.1. Les mobilisations unitaires importantes ont créé des cadres nouveaux en faveur des salariés mais, si les différences d’orientation sur la façon de mener l’action et d’articuler action et négociations ont pu être dépassées pour aboutir à des décisions unanimes, elles n’ont pas permis de construire de dynamique suffisante et de toujours bien prendre en compte les évolutions de la situation sociale.

I-2.2. La recherche d’unité entre organisations, plébiscitée par les personnels, facteur de mobilisation, n’en est pas moins à interroger quant aux formes, niveaux, rythmes d’action et plates-formes qu’elle peut induire ; cela alors que la dureté de la politique néolibérale exige haut niveau d’exigences, actions unitaires de haut niveau et construites dans la durée.

I-2.3. Et le débat se poursuit entre syndicats, non seulement sur la stratégie à mettre en oeuvre pour faire aboutir les revendications, mais aussi sur la conception du rôle du syndicalisme dans une logique de transformation sociale de la société.

I-2.4. La situation dans la fonction publique est marquée par de multiples contradictions. Elles se traduisent ces derniers mois par l’impossibilité de toute décision unitaire en termes d’action qui soit indépendante des décisions au plan interprofessionnel. Cela tient à plusieurs facteurs.

I-2.5. D’une part certaines unions de fonctionnaires rattachées à une confédération semblent de plus en plus dépendantes des stratégies confédérales ; d’autre part dans la plupart des cas les organisations de la fonction publique avec lesquelles nous débattons sont des unions de fédérations au sein desquelles certaines composantes ont tendance à privilégier les actions sectorielles ; s’y ajoutent les manoeuvres de division incessantes de la part du gouvernement.

I-2.6. En revanche, l’entrée de Solidaires au CSFPE et l’extension de la représentativité de la FSU sont de nature à créer un rapport de forces nouveau avec un axe FSU – CGT – Solidaires qui s’est manifesté positivement à plusieurs reprises.

I-3. L’état des forces syndicales

 

I-3.1. Faible taux de syndicalisation et émiettement caractérisent le syndicalisme dans notre pays. Il affiche cependant une forte capacité mobilisatrice.

I-3.2. Les diverses consultations (prud’homales, élections aux comités d’établissement ou délégués du personnel, élections aux commissions paritaires) rendent compte de cet émiettement ; le secteur enseignant faisant assez largement exception.

I-3.3. Les élections prud’homales 2008 ou celles des comités d’entreprise ou délégués du personnel offrent, avec quelques nuances, la même hiérarchie syndicale : 1. CGT, 2. CFDT, 3. FO. Le scrutin prud’homal de 2008 a connu sa participation la plus faible : 25 % de votants tandis que les élections CE/DP connaissent un taux de participation supérieur à 60 %.

I-3.4. Quelques dynamiques qui sont à l’oeuvre depuis le début des années 2000, tant dans le secteur privé que dans la fonction publique ont été confirmées lors de ces élections prud’homales : redressement de la CGT, reculs de la CFDT, de FO et de la CFTC. La CGC progresse légèrement, l’UNSA et Solidaires consolident leurs positions respectives et leurs progrès en voix et pourcentage résultant essentiellement d’un accroissement du nombre de listes présentées.

I-3.5. Globalement pour les trois versants de la fonction publique, où le taux de participation est aussi fort que celui des élections CE/DP, la FSU (11,5 %) arrive en 4e position derrière CGT, CFDT et FO. Mais que ce soit dans l’un ou l’autre secteur, l’audience du 1er syndicat ne dépasse pas les 25 %.

I-4. Où en est la FSU ? Forces et faiblesses de la FSU.

 

I-4.1. Confortée dans l’éducation, notamment par les dernières élections professionnelles, elle y est plus que jamais une force incontournable. Dans l’ensemble de la fonction publique, son implantation récente dans d’autres secteurs commence à porter ses fruits en termes de représentativité ; avec notamment le résultat des élections à la territoriale où elle a pu pour la première fois présenter des listes, elle est devenue la 4e force des 3 fonctions publiques et y représente 11,5 % des personnels.

I-4.2. Mais son implantation est loin d’être homogène : dans certains secteurs elle est majoritaire, dans d’autres elle occupe une place plus modeste et est totalement absente d’autres.

I-4.3. Cette situation lui confère une responsabilité et un poids nouveaux. Cependant elle a besoin d’alliances, d’autant que, même là où elle est très forte, les salariés aspirent à l’unité.

I-4.4. En outre, parce qu’elle apparaît comme ayant un champ limité et qu’elle ne prétend pas être une organisation interprofessionnelle, elle est le plus souvent tenue à l’écart des lieux de débat qui concernent l’ensemble de salariés (protection sociale, emploi, etc.) et ne peut que difficilement se faire entendre sur les sujets qui pourtant concernent les personnels qu’elle représente (formation professionnelle par exemple).

I-4.5. Sur quoi repose la spécificité de la FSU ?

I-4.6. Le rapport aux salariés et à leurs métiers, la volonté d’articuler les revendications des divers métiers dans une perspective de transformation sociale ; le souci d’impulser des mouvements majoritaires afin de pouvoir négocier et obtenir satisfaction en s’appuyant sur des rapports de forces.

I-4.7. Elle repose sur la force de SN en responsabilité de leur champ d’intervention, ancrés sur les lieux de travail et dont la représentativité est mesurée régulièrement par des élections, sur des structures territoriales (SD, CFR) au plus près du terrain, sur la reconnaissance de la diversité des orientations à travers les tendances, la volonté d’associer les personnels aux débats sur les revendications et formes d’action, combinée à la recherche de convergences ; la recherche unitaire systématique sans pour autant se laisser paralyser par celle-ci.

I-5. Les évolutions du paysage réglementaire en matière de représentativité et de dialogue social

 

I-5.1. La modification des règles de représentativité a été pendant de longues années revendiquées par une majorité de syndicats, au premier rang desquels la FSU. Engagée par le biais de rapports commandés par le premier ministre Villepin après son échec sur le CPE, elle a débouché sur une négociation syndicats – patronat puis sous l’impulsion de N. Sarkozy sur la loi du 20 août 2008.

I-5.2. Cette modification constitue un défi pour l’ensemble des organisations syndicales et chacune en débat et construit sa stratégie pour asseoir sa représentativité. Elle est aussi source de tensions dans les relations intersyndicales.

I-5.3. Dans le privé, la loi du 20 août 2008 introduit le vote des salariés dans les élections professionnelles comme critère déterminant de la représentativité syndicale. Combiné avec une exigence de seuil, il ouvre ou non la possibilité d’être partie prenante aux négociations.

I-5.4. Par ailleurs, la validité des accords est désormais soumise à des règles liées à la représentativité (signature de syndicats représentant 30 % et non opposition de syndicats représentant la majorité des voix). En revanche, la présomption de représentativité reste pour l’instant inchangée en droit au plan interprofessionnel et dans les branches.

I-5.5. La loi est entrée en vigueur dans les entreprises au 1er janvier 2009 avec son seuil de 10 %. Les premières élections organisées dans ce cadre montrent les conséquences possibles : alliances locales parfois hétéroclites pour franchir le seuil, élimination pour non-représentativité de certains syndicats de l’accès à la table de négociation. Ainsi, par exemple à la SNCF, quatre syndicats sont considérés représentatifs, quand ils étaient hier 8 participants à la négociation d’entreprise.

I-5.6. Il s’agit d’une véritable refondation des relations sociales en France dont on commence à mesurer les premières conséquences en termes d’unité, de rapport au patronat et au gouvernement et qui peuvent, à terme, modifier profondément tant les pratiques que le paysage syndical.

I-5.7. Dans la fonction publique, les accords de Bercy signés par 6 syndicats (dont la FSU), dont la traduction législative n’est toujours pas réalisée, s’inscrivent dans la même ligne, tout en allant sur certains points plus loin que la loi du 20 août.

I-5.8. Ils prévoient de lever tous les obstacles introduits par la loi Perben pour les candidatures aux élections professionnelles.

I-5.9. Ils généralisent l’élection directe des comités techniques paritaires (qui deviennent des CT) dont les résultats serviront de référence exclusive pour la composition de ces organismes et des différents conseils supérieurs.

I-5.10. L’accès à la négociation sera dépendant de la présence dans l’organisme consultatif au niveau où elle se déroule.

I-5.11. En 2013, les accords, pour être valides, devront être majoritaires. Il sera par ailleurs possible d’obtenir une seconde délibération dans un comité technique ou dans un conseil supérieur sur tout texte recueillant un vote négatif unanime des organisations syndicales représentatives.

I-6. Quelles sont les pistes d’évolution du mouvement syndical et de la FSU ?

 

I-6.1. Ce sont tous ces éléments combinés, ainsi que les pratiques d’unité d’action qui se sont développées ces derniers mois tant au plan de l’éducation, de la fonction publique qu’au plan interprofessionnel, avec leurs forces et leurs faiblesses, qui impliquent une réflexion à laquelle aucune organisation ne peut échapper sur l’avenir du syndicalisme et de chaque syndicat. D’autres syndicats en débattent aussi.

I-6.2. L’unité d’action : les salariés font majoritairement confiance au mouvement syndical ; ils attendent de l’efficacité et des résultats. L’unité d’action est toujours un facteur de mobilisation importante dès lors que les formes d’action proposées répondent à leurs attentes ; les salariés reprochent souvent aux syndicats leur division et aspirent sans doute à autre chose que de l’unité conjoncturelle. S’il y a doute sur celleci, il y a réticence à leur engagement dans l’action proposée ou tentative de mise en place d’autres cadres de mobilisation. Ainsi, les derniers mois ont été marqués par le développement nouveau de formes d’actions au plan local qui visent notamment à attirer l’attention des médias et à gagner un large soutien de l’opinion.

I-6.3. Le passé a montré que des mouvements largement unitaires, fondés sur des revendications clairement exprimées, ont pu déboucher sur des acquis significatifs.

I-6.4. L’attachement des salariés à la recherche de l’unité est pourtant ambivalent, dans le double souci de convergences mais aussi d’émergence des questions propres à leurs secteurs.

I-6.5. C’est pourquoi, il faut travailler les articulations entre mouvements sectoriels et configurations larges, travailler des platesformes qui précisent les revendications et fixent clairement des objectifs sans sousestimer les difficultés à maintenir cette unité d’action sur une plate-forme ambitieuse et autour de modalités d’action qui rassemblent et permettent d’engranger des résultats.

I-6.6. Comment améliorer l’unité d’action ? Quelles conditions pour qu’elle existe ? Ses limites et ses problèmes ? Quelle construction de plate-forme revendicative, de ses objectifs ?

I-6.7. L’ampleur des attaques contre notre modèle social, les attentes des salariés encore accrues dans le contexte de crise amènent toutes les organisations syndicales françaises aujourd’hui à se poser les questions de formes nouvelles de travail commun, d’unité voire de l’unification de leurs forces pour un syndicalisme plus efficace.

I-6.8. La FSU, dès son origine, s’est donnée pour mandat de rechercher des formes inédites d’unité syndicale les plus larges, rappelant son objectif d’unification, à terme, du mouvement syndical, et, à chaque congrès, a pris des initiatives dans ce sens, élargissant son champ d’intervention, posant de fait la question d’un dépassement de l’autonomie.

I-6.9. Il importe d’éviter tout processus bureaucratique et de rendre les syndiqués acteurs de l’ensemble de ces débats et des choix qui pourraient en découler à terme.

I-6.10. Quelles nouvelles initiatives doit-elle prendre ?

I-6.11. Pour cela, il y a nécessité de poser les problématiques en termes d’objectifs et finalités : quels besoins des salariés dans leur diversité actuelle, quelles évolutions nécessaires des OS, quels rapports de forces à construire, quelles articulations entre actions et négociations, comment assurer la défense de tous, actifs comme retraités, titulaires comme précaires, etc. sans conflits d’intérêt, en conservant une perspective de transformation sociale et en ayant en vue l’intérêt général ?

I-6.12. L’hypothèse d’une extension du champ de syndicalisation de la FSU qui se transformerait en confédération a été régulièrement rejetée par nos congrès ; elle ne semble aujourd’hui pas plus d’actualité eu égard à la situation et aux attentes évoquées ci-dessus.

I-6.13. Il s’agit de renforcer la syndicalisation afin de mieux défendre les intérêts de tous et peser sur les différents choix, oeuvrer à la construction d’un syndicalisme à vocation majoritaire, un syndicalisme de lutte et de transformation sociale.

I-6.14. Plusieurs hypothèses existent donc, qui ne s’opposent pas nécessairement :

  • un travail unitaire régulier voire permanent avec d’autres organisations syndicales ? Dans quelles conditions ? Avec quelles organisations ? Quel respect de la spécificité de chacun ?
  • une structuration pérenne en liaison avec ce travail régulier ou permanent : à partir d’un thème ? Avec une ou plusieurs organisations ?
  • un rapprochement avec une ou plusieurs autre(s) organisation(s), soit pour créer une nouvelle organisation, soit pour s’y intégrer ? Avec quelle(s) organisation(s) ?

I-6.15. Avec quels risques pour la spécificité de la FSU ? Pour quels avantages pour la FSU et pour le syndicalisme ?

I-6.16. Quelle que soit l’hypothèse, se pose également la question des partenaires avec qui mettre en oeuvre ces choix, tant au plan interprofessionnel qu’à celui de la fonction publique. La FSU a eu l’occasion d’avoir de premiers échanges avec la CGT et Solidaires et de prendre avec chacune d’elle des initiatives concrètes pour impulser des nouveaux modes de travail commun.

I-6.17. Le congrès devra procéder à une évaluation de ces initiatives communes. Fautil privilégier des partenaires ? Comment articuler ce type de démarche avec des mouvements comme celui de l’action contre le CPE ou la déclaration des 8 ? Essayer de rassembler le plus largement possible ? Sur quelles bases ?

I-6.18. Travailler à construire ce nouveau syndicalisme, la FSU doit le faire avec toutes les organisations qui souhaitent s’inscrire dans ce processus et partagent ces orientations d’un syndicalisme de lutte à visée transformatrice.

I-6.19. Dans tous les cas, afin de jouer pleinement son rôle dans le processus de construction d’un syndicalisme renouvelé dans sa structuration comme ses pratiques, la FSU doit avoir le souci de son propre développement.