Texte réf. loi 1984

Publié le 9 octobre 2003

Communiqué de presse
09/10/2003

L'Université du XXIème siècle :
quelle réforme pour des transformations démocratiques ?

Le Service Public d’enseignement supérieur et de recherche a besoin de transformations

Si, jusqu’en 1995, les effectifs étudiants ont augmenté notablement, d’une part ces dernières années voient stagner cette « démocratisation », d’autre part celle-ci n’est que quantitative : la sélection sociale continue de s’exercer, l’échec universitaire affectant surtout les jeunes les moins favorisés, et l’université produisant toujours une « image inversée » de la pyramide sociale.

Les moyens consacrés à l’enseignement supérieur comme à la recherche sont insuffisants. La France par rapport à ses voisins européens consacre une part inférieure de son PIB à l’enseignement supérieur.

Quant à la situation de la recherche publique française elle inspire des vives inquiétudes largement partagées. Le projet de budget 2004 présenté en ce moment confirme et aggrave cette insuffisance.

Les conditions de travail des enseignants chercheurs et enseignants se sont dégradées : charges de travail alourdies, non reconnaissance de leurs diverses tâches, concurrence dans la recherche, précarisation …

Dans les établissements, dans l’ensemble du service public, la démocratie est en recul. La tendance à la présidentialisation des universités se développe, les statuts des écoles doctorales permettent des dérives autoritaires …

Répondre aux besoins individuels et sociaux, c’est la logique qui doit déterminer les perspectives de développement de l’université du XXIième siècle

Les progrès sociaux, permis par le travail de toutes les catégories de la population, font grandir les exigences culturelles, citoyennes, démocratiques : les travailleurs et les citoyens ont besoin des outils pour comprendre et maîtriser une société de plus en plus complexe.

La justice sociale exige que soit pris à bras le corps, avec des moyens quantitatifs et qualitatifs à la hauteur, la question de la réussite du plus grand nombre d’étudiants. Une « économie de la connaissance » doit se fonder sur une société de la connaissance partagée !

La France a besoin d’emplois qualifiés, à une hauteur inégalée dans les années à venir. Les avancées technologiques et leurs répercussions sur les métiers placent la nation devant un véritable défi : former beaucoup plus de jeunes à des niveaux de qualification plus élevés, permettre à chacun, tout au long de la vie, de revenir en formation et d’évoluer dans ses activités professionnelles et sociales, ainsi que dans sa dimension citoyenne.

La dimension internationale de la recherche et des formations supérieures est incontournable aujourd’hui

Il s’agit de développer les coopérations internationales, au plan des échanges culturels et scientifiques, mutuellement porteurs de développement humain durable. Au plan de la coopération entre tous les pays, en Europe et avec le reste du monde, favoriser l’aide au développement des pays du Sud et la lutte contre les fléaux qui pèsent sur l’humanité (malnutrition, illettrisme, fanatismes religieux, …) est une responsabilité dans laquelle les universitaires ont un rôle majeur à jouer.

C’est cette mondialisation-là qui, en rupture avec la logique du marché mondialisé de la main d’oeuvre soumise au dumping social, avec pour objectifs le développement durable et équitable des peuples, la préservation de la diversité des cultures et des langues, le respect du patrimoine écologique, peut permettre que les progrès scientifiques soient démocratiquement maîtrisés.

En Europe et dans le monde, c’est le service public qui est le seul à même de répondre à ces besoins

Il constitue, en France et dans d’autres pays, un atout à développer pour assurer l’égalité de tous devant les études et la formation : égalité territoriale, sociale, culturelle, entre les sexes ; garantir aux personnels des statuts nationaux, facteurs d’égalité, de stabilité, assurant des conditions de travail qui permettent le meilleur service rendu ; promouvoir la démocratie dans les établissements ; opposer une logique sociale et scientifique à la logique de concurrence et de marchandisation qui tend à prévaloir dans nos sociétés et au niveau mondial.

À l’opposé, le marché, la notion de rentabilité, économique voire financière, la concurrence à outrance et l’individualisation des relations, déstabilisent, fragilisent l’université, la recherche et leurs personnels, tendent à exclure les jeunes, les étudiants, à marginaliser les régions et les pays les moins favorisés.

Le projet de loi de « modernisation universitaire » va à l’opposé de ces exigences !

Le «budget global» est à analyser au regard de la volonté du gouvernement de mettre en cause les statuts et les rémunérations des personnels ; il place les établissements dans la spirale de la concurrence, de la course aux ressources propres, sur un mode de gestion d’entreprise.

L’extension du statut d’Université Technologique instaure la sélection à l’entrée, permet la mise en place d’un secteur élitiste dérogatoire.

La création d’un Conseil Stratégique d’Orientation, non démocratique, risque d’enlever aux conseils élus la détermination de la politique de l’établissement.

La coopération entre universités par les EPCU vise à imposer des regroupements, à réduire le nombre des universités, selon les intentions explicites du ministère (discours de L.Ferry à Poitiers).

L’ouverture aux établissements privés de la collation des grades et de la délivrance des diplômes retire à l’État une de ses prérogatives, au bénéfice d’un secteur marchand.

C’est à un éclatement du service public et à une mise en cause de ses principes que conduirait cette loi..

Le devenir de l’enseignement supérieur et de la recherche est une question de société majeure : il doit être l’objet d’un débat qui concerne le pays tout entier.

À l’heure de la formation « tout au long de la vie », alors que le développement scientifique et technologique pose de graves questions écologiques et éthiques, à l’aune des enjeux de la mondialisation, toutes les forces sociales et politiques doivent y participer dans des échanges approfondis, itératifs, en se donnant le temps d’une réflexion partagée.

Les étudiants, les personnels enseignants-chercheurs, chercheurs, enseignants et IATOS, composantes de la communauté universitaire, au travers de leurs instances représentatives mais aussi par une large information et l’organisation de débats directs, doivent pouvoir exprimer leurs aspirations. La transformation du service public d’enseignement supérieur tel qu’il est aujourd’hui est une exigence ressentie : sa démocratisation, à tous les niveaux, suppose la mobilisation de tous ses acteurs. Le caractère ouvert et contradictoire de ces débats placés sous la responsabilité des conseils doit être assuré, dans leur organisation, leur déroulement comme dans leurs conclusions.

Le CNESER doit être pleinement acteur de ce processus démocratique, la responsabilité des organisations syndicales prise en compte.

Le SNESUP pour sa part entend jouer tout son rôle dans ce débat. C’est pourquoi il prendra l’initiative d’Assises locales et nationales de l’Université ouvertes à tous. Les Assises Locales auront lieu d’ici fin décembre, les Assises Nationales au début de l’année 2004. Le SNESUP soumet des propositions au débat.

  • La question du fonctionnement des établissements et de leur vie démocratique est majeure : depuis le terrain même des activités (départements, labos, services communs) jusqu’aux instances délibératives : discussion collective de l’organisation des activités d’enseignement, de recherche et des charges administratives. Les Conseils d’Administration doivent pouvoir réellement décider des choix de politique d’établissement, effectivement contrôler les décisions prises. Cela implique une valorisation du rôle des élus (moyens mis à leur disposition, droit d’expression dans une information régulière de la communauté universitaire), et par les modalités de leur élection : abandon du panachage. La responsabilité du président et de son équipe devant les conseils est une exigence démocratique essentielle.
  • Conforter le lien de l’enseignement avec la recherche et les pratiques professionnelles : rendre effectif le droit à la recherche pour toutes les catégories d’enseignants. Faire obligation au ministère d'assurer l'insertion recherche des enseignants-chercheurs. C'est de la responsabilité du président de l'université d'affectation d'assurer des conditions de travail de recherche adéquates à tous ses enseignants-chercheurs. Proposer des formations diversifiées, permettant la prise en charge et la réussite des nouveaux publics étudiants.
  • Coopération des universités avec les collectivités territoriales dans le respect des prérogatives de chacun. Le SNESUP propose la mise en place de Conseil Régionaux de l’Enseignement Supérieur et de la recherche (CRESER), comprenant une large représentation des personnels et des étudiants, les représentants des collectivités, des organisations représentatives, etc. Associant à leurs travaux les présidents et les directeurs d’établissement de la région, ils assureraient une cohérence, avant avis du CNESER sur l’habilitation des formations, la reconnaissance des équipes de recherche dans le cadre des contrats quadriennaux.
  • Coopération entre établissements : possibilités de pérenniser les coopérations volontaires et contractuelles entre universités, de même région ou de régions différentes, sur tout ou partie de leurs activités, et ce de manière démocratique, c'est-à-dire entre partenaires égaux en droits, sous la responsabilité des conseils élus de chaque établissement, sans démembrement des missions de chacun d’eux mais dans une perspective de développement. Cette coopération, indispensable pour assurer sur tout le territoire un développement de - et un accès égal à - la formation et la recherche universitaires, relève de solutions différenciées et implique que des volets inter-universitaires soient élaborés dans les contrats quadriennaux.
  • Garantir la transparence, le caractère contradictoire des évaluations des formations, de la recherche et des établissements, dans le lien entre évaluation interne et évaluation externe, associant tout au long du processus l’ensemble de la communauté universitaire, avec des procédures d’appel et de recours, à l’inverse de la conception autoritaire, prescriptive et opaque d’une évaluation faite par des experts nommés par le gouvernement. L’évaluation doit être conçue dans un sens formatif, d’aide et de développement, et non dans le sens de classements, des éliminations, par la concurrence.