Témoignage : Bourdieu, homme public par Pierre Duharcourt

Publié le : 15/05/2012


Témoignage : Bourdieu, homme public

par Pierre Duharcourt

Economiste marxiste et militant syndical, j'ai toujours été attentif à la sociologie critique comme à l'engagement de P. Bourdieu, qui avait cependant tendance à considérer la recherche scientifique et l'action citoyenne comme relevant de « champs » relativement différents. Je l'avais rencontré, quand j'étais secrétaire général, pour l'inviter à participer à la réflexion et au débat critique et ouvert que souhaitait initier le SNESUP après l'élection de F. Mitterrand sur un changement radical à opérer dans le service public de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, en faisant notamment état de mon appréciation de sa série de travaux marquants (articulant les types de « capital » économique, social, culturel, et symbolique) sur Les Héritiers (1964), La Reproduction (1970), La Distinction (1979), comme sur celle que je portais sur les travaux de C. Baudelot et R. Establet (L'Ecolecapitaliste en France, 1971). J'avais donc été très déçu qu'il renonce à participer, après quelques hésitations, au colloque - très riche et très novateur - organisé par notre syndicat au PLM Saint Jacques en mars 1983, d'autant qu'en 1984 L'Homo academicus traduisait une vision caricaturale du SNESUP, qu'il considérait comme « dominé » d'abord par une tendance « gauchiste », puis par une tendance « proche du PC » se rejoignant dans la justification des « revendications corporatistes des
enseignants subalternes » constituant sa base sociale (pp. 241- 242). Cette réticence face à un cadre syndical expliquera plus tard son initiative de création de l'ARESER. Par la suite, je me suis de nouveau senti plus proche de P. Bourdieu dans ses engagements scientifiques et citoyens après le grand mouvement social de 1995 contre le « plan Juppé ».