SELECTION DES LABEX : L’idéologie perverse de l’excellence ; le règne de l’opacité et de l’arbitraire

Publié le 25 mars 2011
La fébrilité perceptible à l'approche des résultats du processus de présélection a laissé la place à la satisfaction des lauréats (en fait déjà informés depuis quelques jours), mais surtout à la déception et à l'inquiétude de la majeure partie des collègues invités à se lancer dans une course perverse.

Les choix effectués par le jury ont tracé une ligne de démarcation entre les lauréats et les recalés allant jusqu'à diviser des équipes au sein d'un même laboratoire. Si la restriction des équipes candidates à celles recensées A et A+, sous prétexte de garantir de meilleurs rangs dans des classements internationaux de plus en plus contestés, la mise en conformité des projets avec les orientations de la SNRI et les reculs démocratiques imposés aux regroupements d'établissements (universitésfusionnées, PRES-EPCS, FCS) ont constitué les critères affichés de sélection, la sélection effective a également laissé la place à l'arbitraire voire à des règlements de compte, sans grand rapport avec des critères objectifs et scientifiques.

A l'instar du Jury statuant sur les IDEX -comprenant P. Gillet (ex directeur de cabinet de V. Pécresse) et P. Aghion (Chargé de mission auprès de la Ministre) marquant de fait l'emprise gouvernementale- la composition du jury LABEX, à l'exception de leurs présidents, demeure inconnue. Quelle place occupent les universitaires et chercheurs et quelles sont les garanties de compétences scientifiques de l'ensemble des 128 experts internationaux sollicités par le jury LABEX (pour une grande part, responsables d'entreprises) ? Tout laisse croire que la capacité de communication des laboratoires, les réseaux et le clientélisme ont primé sur des considérations scientifiques.

En dehors de la région Ile de France, les choix effectués confirment l'absence de réflexion en termes d'aménagement du territoire. Ils restreignent le périmètre déjà dessiné par le plan Campus et esquissent une zone de relégation universitaire. En Bretagne et pays de Loire, Nord Pas de Calais, Lorraine, Bourgogne Franche Comté..., les établissements, laboratoires et équipes sont en grande partie exclus.

Prés de 90% des LABEX sont inclus dans les IDEX, cependant 11 dossiers sélectionnés sortent de ce périmètre, lui aussi voué à se contracter. Cette décision d'augmenter le nombre de lauréats en rompant avec la « logique d'emboitement » (un EQUIPEX est compris dans un LABEX, lui aussi, nécessairement inclus dans un IDEX), illustre l'état de tension produit par une politique discriminante et opaque.

Si les informations, savamment distillées dans la presse, concernant les 7 dossiers d'IDEX présélectionnés (Lyon, Grenoble, Strasbourg, Bordeaux, Toulouse, Sorbonne Universités et PSL) se confirmaient : faudra-t-il que
les 10 autres porteurs (Aix-Marseille, Montpellier, Lorraine, Bourgogne/Franche-Comté, Lille, Bretagne/Pays-de-la-Loire, Sorbonne Paris Cité, Hesam, Paris-Est et Saclay) gaspillent à nouveau des sommes considérables auprès de cabinets de conseils pour espérer être sélectionné ?

Cette situation, conséquente de la mise en concurrence stérile comme seul vecteur d'efficacité, laisse profiler une guerre des tranchées nuisible pour le développement cohérent de la recherche et des formations, les personnels, les étudiants et la société.