Répondre à lademande d'études ou canaliser les flux d'étudiants

Publié le 7 juin 2013

Répondre à la demande d'études ou canaliser les flux d'étudiants ?

Le projet de loi sur l'Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR), adopté par l'Assemblée Nationale après engagement de la procédure accélérée a été présenté devant le Sénat le 29 mai 2013. Ce projet mis en perspective avec l'acte III de la décentralisation, organise la régionalisation de l'ESR en donnant à la région de nouvelles prérogatives.

Allant dans ce sens, l'article 18 de la loi ESR précise que « le recteur d'académie (...), peut prévoir, pour l'accès aux Sections de Techniciens Supérieurs et aux Instituts Universitaires de Technologie, respectivement un pourcentage minimal de bacheliers professionnels et un pourcentage minimal de bacheliers technologiques, ainsi que des critères appropriés de vérification de leurs aptitudes », mettant de fait une des composantes de l'université sous « tutelle pédagogique », sans que cela résolve les problèmes de fond de réussite de tous les bacheliers souhaitant poursuivre dans l'enseignement supérieur.

L'article 18, un instrument de démocratisation ?

Faciliter l'accès aux études supérieures à tous les bacheliers qui le souhaitent, notamment aux bacheliers technologiques et professionnels, va dans le sens d'une amélioration de la démocratisation. L'approche déductive, en tant que méthode pédagogique privilégiée et en tant qu'objet d'étude, est un des outils de cette démocratisation. Mais l'obligation de quotas dans les filières STS (Sections de Techniciens Supérieurs) et IUT (Instituts Universitaires de Technologie) sans analyse approfondie des problématiques, telles que la carte des formations ou les vœux des bacheliers, et sans apporter les moyens humains et financiers nécessaires à la réussite de tous, va aboutir à mettre en situation d'échec beaucoup de ces étudiants et ceux qui ne pourront plus accéder à ces formations : bacheliers technologiques dans les STS ; bacheliers généraux dans les IUT.

De plus, certains titulaires de bacs technologiques ou professionnels ne souhaitent pas poursuivre en STS ou IUT, ayant déjà - au lycée - été contraints de suivre une filière qu'ils n'avaient pas choisie. Il faut donc laisser aux étudiants la possibilité de choisir leur orientation au début des études supérieures.


Ce jeu de dominos s'apparente plus à une gestion des flux qu'à une politique réfléchie prenant en compte les situations territoriales, y compris dans l'augmentation des capacités d'accueil ou la création de nouvelles spécialités, notamment de DUT. La symbolique de cet article est une duperie dont les premiers touchés seront les étudiants et qui ne permettra pas d'atteindre l'objectif affiché de 50 % d'une classe d'âge diplômée du supérieur.

Le cas des classes préparatoires aux grandes écoles
Après les STS, les IUT, c'est au tour des Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles (CPGE). Le projet de loi promeut l'attractivité de ces dernières au détriment des premiers cycles universitaires grâce à un accès réservé pour les « meilleurs élèves » bacheliers, qui sont pourtant les mieux armés pour des études à l'Université. Encore un coup porté contre le cycle Licence. Une telle décision, outre qu'elle renforce les inégalités d'un système déjà inégalitaire, feint d'ignorer que seuls les étudiants qui ne travaillent pas pour subvenir à leurs besoins peuvent suivre un aussi grand nombre d'heures de cours et passer autant de temps pour préparer le travail personnel demandé. En outre, elle renforce l'idée selon laquelle la formation est « meilleure » en CPGE qu'à l'Université. L'articulation entre recherche et formation, caractéristique des formations universitaires, est ainsi systématiquement niée, au profit d'une préparation intensive et reproductive à des concours dont le nombre de lauréats est très variable selon les champs disciplinaires.

Alors que le courage politique aurait été de placer les STS et CPGE sous tutelle du MESR, d'aligner le financement des formations de Licence et d'IUT sur celui des CPGE et des STS, le gouvernement réorganise le flux des « bons » bacheliers vers les Grandes Écoles et ne se donne pas les moyens humains et financiers de faire réussir les bacheliers professionnels et technologiques en STS, IUT ou dans le cycle Licence. Il est maintenant plus qu'urgent d'encourager dans les programmes et mentions de Licence, une diversification des parcours, permettant d'offrir à tous des voies de réussite avec des démarches et des pédagogies s'appuyant sur le profil et les acquis de chacun.

Le SNESUP-FSU poursuivra ses efforts pour le rapprochement des cursus Post-Bac, donnant à tous les moyens nécessaires, respectant leurs qualités respectives et conjuguant le lien formation-recherche et la nécessité d'offrir une solide formation en vue de la reconnaissance de la qualification et de l'accès à l'emploi.