Rencontre UCU-SNESUP

Publié le : 08/02/2007

Bref compte rendu de la rencontre des 15 et 16 janvier 2007 entre des responsables de UCU et du SNESUP.

7 février 2007

Auteur(s) :

Maurice Hérin, Jean-Paul Lainé


Rencontre UCU (Royaume-Uni)- SNESUP (France) :
quand l'information devient évènement...
et un véritable outil syndical

Plus qu'une rencontre, c'est une passionnante journée d'échanges, de confrontation d'expériences qui s'est déroulée ces 15 et 16 janvier au siège du SNESUP.
Rien de protocolaire, mais une envie et un besoin évidents de discuter sans tabous de deux systèmes d'enseignement supérieur et de recherche si différents.
Et de deux syndicats aussi différents mais confrontés à des enjeux et des défis comparables.

Une même logique, avec du côté britannique, le libéralisme à l'œuvre, du côté français, le service public mis en cause selon les mêmes objectifs.

Nos collègues britanniques en sont bien conscients: toute une série de mesures prises par M. Thatcher puis par T. Blair ont placé les universités britanniques dans un système concurrentiel, d'établissements gérés de façon managériale.
L'autonomie au sens de gestion privée des universités, est quasi complète. En matière immobilière et d'équipements, en matière de formation, de recherche, les décisions relèvent de l'établissement.
Il en va de même en matière de statuts et conditions de travail des personnels.
Entre autres, les enseignants sont employés sous contrat de l'établissement, ils ne sont pas fonctionnaires.

Mais « l'autonomie » proclamée - en fait une quasi-privatisation - n'est qu'un volet du système.
Les dotations en moyens financiers sont décidées en cercle restreint : par une instance du Ministère, le
Higher Education Funding Council.
Ceci sur la base d'indicateurs non discutés, notamment le QR - (Quality Research).
Cet indicateur de « qualité » de la recherche, classe chaque enseignant, chaque institut,
chaque établissement selon une grille nationale très discriminante (de 5 à 1).
Avec l'expérience, cependant, les instituts ont pu obtenir que plus de la moitié d'entre eux se voient classer au top niveau (de 5).
La réaction du Ministre a été de supprimer les dotations recherche à partir de 3 !
Ce qui fait qu'aujourd’hui, le processus de concentration vers les universités les plus réputées
(les « old universities » comme Oxford) joue à plein, contre les établissements plus récents,
les plus populaires dans leur recrutement (les ex Polytechnics notamment).
Au total 75 % du financement va à 25 % des établissements.

Le Ministre propose d'étendre ces processus de concurrence-pilotage au niveau individuel. En 2008, chaque enseignant-chercheur sera noté (de 4 à 0) sur ses 4 meilleures publications. La moyenne de ces notes étant un critère essentiel dans l'attribution des crédits, les pratiques d'exclusion de chercheurs jugés faibles -pour relever la moyenne du groupe !- risquent fort de se développer.

Démocratisation et démocratie: des défis concrets...

L'instauration de droits d'inscription élevés à l'entrée sélective des universités du Royaume-Uni est bien connue en France, tant cela est cité comme un exemple de la « bonne gouvernance » et des bonnes pratiques universitaires.
Ce que l'on connaît moins ce sont les conséquences concrètes de ces droits élevés (3000 £ par an).
Cela restreint fortement l'accès de jeunes venant de familles modestes,
obligés de travailler et pourtant dans l'impossibilité de payer ces droits, même partiels.
Autre conséquence : pour réduire leurs dépenses, ces jeunes restent au domicile parental plus longtemps qu'avant.
La mobilité dans le choix d'une université d'accueil est donc socialement différenciée.
Tout comme sont différenciés les établissements eux-mêmes, depuis les « Old »
avec leurs équipes d'excellence jusqu'aux « new-new »,
avec des équipes de recherche et de formation beaucoup plus menacées par les classements officiels et les dotations.
Cette fragilité peut aller jusqu'à la fermeture complète d'une filière dans une université
quand elle se conjugue avec la diminution du nombre des étudiants
(dans toute l’Europe occidentale les étudiants se détournent des Sciences et principalement de la Physique et de la Chimie) avec licenciement du personnel correspondant.
Comme récemment à Exeter (Chimie) ou Reading (Physique).

Et un enjeu central: la liberté académique.

Nos collègues britanniques insistent fortement sur ce point.
La « privatisation des cursus » va à l'encontre de ces libertés académiques.
Leur analyse du processus de Bologne est que les objectifs directeurs sont l'employabilité des étudiants et le caractère appliqué des formations.
En Grande –Bretagne ceci est aggravé par le nécessaire remboursement du prêt qui a permis de payer les droits d’inscription,
privilégiant la recherche d’un emploi dans les secteurs dits bien rémunérés.
Le cas extrême étant le projet de « licence de base » (foundation degree),
« diplôme » obtenu en deux ans et délivré par les « colleges ».
Ceci converge avec la gestion concurrentielle et marchande de la recherche :
c'est le « publish or perish » déjà évoqué.

Mais s'intègre à ce processus mettant en cause la liberté académique la gestion même des établissements.
À des conseils associant en nombres voisins représentants élus des universitaires et membres extérieurs,
se substitue une dominance absolue des extérieurs,
avec une représentation élue des personnels réduite à un symbole :
un seul membre à l'université de Bath. Pour autant, les revendications des personnels,
leurs exigences ne peuvent être ignorées malgré ces dispositions antidémocratiques.
C'est même dans le mouvement de 2005-2006 que c'est constitué UCU,
par la fusion de AUT (Association of University Teachers,
créée en juin 1919 implantée dans les Universités anciennes, plus professionnelle, moins syndicale)
et NATFHE (National Association of Teachers in Further and Higher Education,
créée en janvier 1976, moins « académique », bien implantée dans les Polytechnics).
Au total une force de 120.000 adhérents !

Unification syndicale et action européenne.

La fin de 2005 et le premier semestre 2006 ont été marqués par une action massive pour la revalorisation des salaires.
Après déclaration de conflit et votes, la grève est engagée le 7 mars.
Devant l'obstination des recteurs (les Présidents) la grève s’est prolongée en « action short strike »,
en résumé, en grève des examens.
Les responsables ont dû finalement accepter un accord salarial de + 10.35 % sur 2 ans,
et engagement pour la 3ème année selon les données de l'inflation.
Nos interlocuteurs, responsables dans ce mouvement, insistent beaucoup sur le fait que
dans ce conflit social, l'unité syndicale a été perçue par le plus grand nombre
comme une nécessité urgente pour mettre en échec les tentatives patronales de discussions séparées, université par université.
Aujourd'hui le nouveau syndicat UCU s'organise avec des instances provisoires,
une nouvelle direction en élaboration et en perspective une nouvelle culture syndicale, plus concrète,
plus revendicative et aussi plus unifiante sur le terrain des libertés académiques et de l'action internationale.

Les militants de AUT-NATFHE sont très actifs au plan international et notamment européen.
Ils contribuent fortement à l'affirmation des spécificités, à la dynamique revendicative,
du secteur enseignement supérieur – recherche au sein de la branche européenne de l'Internationale de l'Education (IE).
Ils ont particulièrement ciblé leur intervention sur l’AGCS, le processus de Bologne,
la fuite des cerveaux, la politique de l’Union européenne en matière de recherche et technologie.
La participation du SNESUP, premier syndicat du supérieur en France à ces débats européens sur le processus de Bologne,
la recherche etc., est communément souhaitée, mais se heurte encore à des problèmes d'affiliation internationale, d'organisation dans la FSU.
En tous cas, au terme d'une discussion prolongée autant que passionnante, c'est aussi par cette ouverture internationale,
notamment européenne, que le Snesup peut développer ses réflexions, enrichir ses analyses,
renforcer ses capacités de rassemblement et d'action en France
comme espérer pouvoir peser sur le rapport de forces en Europe.

Un partenariat, une concertation bilatérale plus continue

Nous avons « balayé » tous les domaines de l’activité syndicale. Sur la recherche, nos collègues nous ont raconté comment, via l’IE, via « Euro-cadres »,
ils ont contribué à créer et enrichir la charte du jeune chercheur adoptée par la commission européenne (en particulier sur la question de la précarité).
Ils sont attachés comme nous à la liberté de création et de diffusion des travaux scientifiques : les idées ne peuvent être une propriété privée,
ni le savoir un produit que l’on peut vendre.

Sur la formation des Maîtres, sur la situation des personnels, les contacts sont pris pour creuser plus au fond les problèmes entre responsables des secteurs.

Le principe d’un « protocole-entente » entre nos deux organisations a été retenu pour permettre l’accueil facilité de nos « ressortissants » en séjour moyen ou long dans l’autre pays.

Enfin, il a été convenu une information régulière : Brian Everett va nous envoyer les conclusions du séminaire
que UCU organise ce mois-ci pour les syndicats du Supérieur de l’IE-Europe afin d’arrêter une position syndicale face aux ministres
qui se réuniront à Londres avant la fin de l’année (processus de Bologne).

Liste des participants :

Pour UCU :

  • Steve Wharton, professeur à l’Université de Bath, co-président de UCU (Président de AUT en 2005-2006)
  • Brian Everettt, salarié du syndicat, responsable du bureau de Manchester, co-animateur de l’activité internationale (ancien responsable AUT)

Pour le SNESUP-FSU :

  • Jean Fabbri, secrétaire général du Syndicat National de l'Enseignement Supérieur SNESUP-FSU,
  • Noël Bernard,
  • Jacques Degouys,
  • Philippe Enclos,
  • Marine Gest,
  • Maurice Hérin,
  • Jean-Paul Lainé,
  • Michèle et Gérard Lauton,
  • Maurice Zattara

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