Réforme du lycée, entrée en premier cycle universitaire : des projets qui ne répondent pas aux besoins
Communiqué SNESUP du 4 juin 2009
Réforme du lycée, entrée en premier cycle universitaire : des projets qui ne répondent pas aux besoins
Rapport Descoings ( 532.37 kb)
Rapport Apparu ( 1.22 mb)
En à peine une semaine, deux rapports sur la réforme du lycée ont été rendus publics. Le premier, dit « rapport Apparu », issu de la mission d'information sur la réforme du lycée de l'Assemblée Nationale et le second, dit « rapport Descoings », qui avait fait l'objet d'une commande du Président de la République et dont ce dernier a indiqué qu'il servirait de base pour l'entrée en vigueur de nouvelles mesures dès la rentrée 2010.
Si l'ampleur des changements préconisés par les deux
rapports varie de manière importante - la plupart des propositions du
rapport Descoings devant faire l'objet d'une large concertation
préalable avant d'être précisées - les points de convergences sont très
significatifs des présupposés qui ont guidé leurs écritures :
- un silence total sur les effets attendus de la réforme de la formation des enseignants, pourtant présentée par ailleurs comme une réforme essentielle ;
- le silence aussi sur des mesures qui permettraient de démocratiser davantage les études, notamment en termes d'aides sociales (bourses, allocation d'autonomie...) ;
- le rôle central dévolu à l'orientation dont l'insuffisance est présentée comme la cause majeure de l'échec des élèves et étudiants. Les deux rapports reprennent en cela nombre de mesures déjà préconisées dans le rapport St-Girons, avec un développement de dispositifs contraignants d'orientation de plus en plus précoce au lycée ;
- un a priori idéologique clair s'opposant à toute augmentation des moyens budgétaires, tout en formulant des propositions susceptibles de les réduire comme, par exemple, la diminution des horaires d'enseignement des élèves sous couvert d'habillage pédagogique.
Si le champ concerné par le rapport Descoings se limite au lycée et écarte des propositions qui avaient été refusées largement par les collègues comme la semestrialisation ou la modularisation, il n'en est pas de même du rapport Apparu qui étend sa réflexion et ses propositions à l'enseignement supérieur sans avoir pris le temps de consulter les organisations représentatives des enseignants du supérieur. Certaines d'entre elles parmi les plus dangereuses convergent avec les propositions des auteurs du « Manifeste pour la refondation de l'université ».
C'est ainsi qu'est reprise l'idée d'une première année de licence « déspécialisée » dans chacun des quatre grands domaines de formation définis dans la loi LRU (DEG, LSHS, ST, Santé). Seuls des agrégés pourraient « assurer « l'essentiel » de la formation des lycéens aux méthodes du supérieur » ! En outre, cette proposition prend pour modèle la licence « santé », dont la première année s'apparente plus à une année de bachotage intensif et de tri sélectif qu'à une véritable année de formation universitaire. L'objectif avoué de cette nouvelle licence est aussi de « répondre au souhait, de plus en plus fréquent, des employeurs de pouvoir recruter des salariés à la formation polyvalente car elle est un gage d'adaptabilité ».
Cette proposition de « propédeutique », déjà présente dans le « plan licence », est actuellement largement contestée par les collègues qui élaborent les maquettes pour la ré-habilitation des formations : elle ne permet pas aux étudiants de découvrir des méthodes de travail et des matières nouvelles correspondant à leurs aspirations et renforcerait les difficultés des étudiants les plus fragiles. De plus, elle s'intègre dans le projet de constituer un cycle d'études s'étendant de la classe de première du lycée à la troisième année de licence. Est ainsi remis sur le devant de la scène l'idée de « collèges universitaires » -- très largement rejetée par la communauté universitaire -- et d'un système d'enseignement supérieur à deux vitesses réservant le cycle master-doctorat à un nombre très restreint d'universités dites « d'excellence ».
Autre idée pas vraiment nouvelle avancée par le rapport : réserver 50 % des places en IUT aux bacheliers technologiques, tout en modifiant la filière Sciences et Techniques Industrielles des lycées. Rien pour les bacheliers professionnels puisque leur baccalauréat est censé mener à l'insertion immédiate. Ces rapports soulignent le renoncement complet au développement de poursuites d'études adaptées aux lycéens de la voie professionnelle dans l'enseignement supérieur.
A cela s'ajoute une réforme du baccalauréat. Si B. Apparu souhaite que le baccalauréat conserve son statut de premier grade universitaire, il doit être revu, comportant seulement, outre l'épreuve anticipée de français, 4 épreuves écrites, un Contrôle en Cours de Formation pour d'autres, notamment les langues vivantes et une « épreuve sur projet personnalisé » mal définie.
Ce rapport parlementaire justifie aussi des réformes que le gouvernement veut imposer d'année en année comme la redéfinition du métier d'enseignant en introduisant un horaire d'enseignement et un horaire d'accompagnement des élèves, le transfert aux régions de l'orientation et de leurs personnels.
Faire réussir plus d'élèves au lycée et d'étudiants à l'université, mieux les former, ce sont des objectifs que l'on ne peut atteindre sans un vaste débat associant personnels, parents, élèves et étudiants. Cela exclut que l'on persiste à vouloir supprimer massivement des postes dans l'Éducation Nationale et à mener une réforme de la formation et du recrutement des enseignants qui met en cause leur formation tant disciplinaire que professionnelle.
Paris, le 4 juin 2009