Motion de la section 24 du CNU : Évolution de l’enseignement supérieur et de la recherche

Publié le 7 mai 2025
Évolution de l’enseignement supérieur et de la recherche

La section 24 du CNU, réunie le 19 mars 2025, dénonce les atteintes en cours portées à l’enseignement supérieur et à la recherche et le contexte de dégradation des conditions de travail et d’études au sein des universités. Cette évolution n’est pas nouvelle mais s’est fortement accentuée ces derniers mois. Les dommages au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche sont nombreux, mais ce sont surtout les conséquences plus profondes pour la société qu’il faut dénoncer : baisse des savoirs acquis, des possibilités d’innovation et d’expertise, de socialisation… Parce qu’elle est pluridisciplinaire, la section 24 envisage très concrètement ces conséquences et les implications pour notre société. Alors que la recherche et l’enseignement font l’objet d’attaques délétères dans le monde, la France doit choisir une autre voie que le saccage du service public de l’ESR. Dans une société démocratique, la liberté académique et l’autonomie de la recherche sont des conditions inaliénables pour une bonne qualité du débat public.

Les causes d’une telle situation sont multiples. La section 24 insiste en particulier sur les points suivants :

- la baisse du budget accordé à l’ESR : Une nouvelle baisse drastique du budget de l’ESR accordée dans la loi de finances 2025 vient à la suite de nombreuses années de sousfinancement et de promesses non tenues. Cette situation affecte de manière inexorable l'ensemble de la communauté universitaire: dégradation des conditions de travail et d’études, suppression de filières entières de formation, réduction des heures de cours des formations accréditées, réduction des capacités d’accueil, précarisation des emplois et sous-effectifs de travail… Ces restrictions budgétaires ont des conséquences à court terme pour les universités et la qualité de la formation de générations d’étudiant.es et, à long terme, sur la capacité qu’auront ces générations à répondre aux défis à venir. La section dénonce également l’inégalité dans la distribution des moyens alloués aux établissements et les problématiques liées à la recherche de fonds propres qui ajoutent à la fragilisation. Dans une actualité qui mêle toutes les crises, la section 24 rappelle l’importance des missions d'enseignement et de recherche dédiées aux universités ;

- HCERES vague E[1] : la section 24 du CNU se joint aux indignations exprimées concernant, d’une part, l’organisation et le déroulement des processus d’évaluation, d’autre part les retours réalisés sur les formations des établissements de la vague E de l’HCERES. Outre le fait que le nombre d’avis défavorables y est anormalement élevé, leurs rédactions présentent de nombreuses incohérences, un manque de précision, l’absence d’arguments étayant les avis formulés et un ton inadapté comme cela a été souligné par de nombreux.ses collègues. Plus largement, le processus d’évaluation, très chronophage pour les équipes pédagogiques, pose lui-même problème, alors que les équipes d’évaluation sont composées sans transparence ni implication garantie des spécialistes des disciplines et alors que les modalités d’échanges (le plus souvent en visioconférence pour des “raisons d’économie”) empêchent une évaluation de qualité. Ce sont pourtant 50 000 places de Licence ou de Master qui sont menacées de suppression en cas de suivi de ces avis. La section récuse ce type d’évaluation des formations universitaires, verticale dans son processus, qui déstabilise à la fois les futurs étudiants et les équipes pédagogiques. Elle en appelle au lancement d’une réflexion de fond sur les objectifs de l’évaluation des formations, ses modalités et le fonctionnement de l’HCERES. Le CNU, instance nationale collégiale, doit être impliqué dans ces réflexions.

[1] : Cette motion s’appuie sur de nombreuses situations concrètes qui traduisent des injonctions contradictoires (certains BUT se sont vus reprocher une formation non adossée à la recherche alors même que cette situation est structurellement attendue), l’accusation d’un manque d’encadrement par des enseignants chercheurs quand les équipes pédagogiques alertent depuis longtemps sur ce point. Le ton employé peut être inadapté voire inconvenant : “ils prétendent que”... Enfin, il apparaît régulièrement des incohérences dans les évaluations, notamment un décalage entre les conclusions et les évaluations par indicateurs. 

- Keylabs : La section 24 du CNU se joint aux oppositions nombreuses au projet dit de « Key Labs » annoncé en décembre par la présidence du CNRS. Ce projet affiche l’objectif de distinguer 25 % des unités de recherche, dénommés “key-labs”, qui correspondraient aux laboratoires « réellement ‘’de rang mondial’’ » et qui bénéficieraient de ce label pour les cinq ans, durée du Contrat d'Objectif et de Moyens et de Performance (COMP), leur permettant de disposer d’une implication « plus forte » du CNRS. Ce projet prévoit une concentration des moyens du CNRS sur un nombre réduit de laboratoires et participe d’une mise en concurrence accrue des agent.es et des unités. Ce projet est caractéristique d’une politique de réduction et de concentration des moyens de la recherche et de l’enseignement supérieur engagée depuis plusieurs années dont les effets positifs sur la qualité de la production scientifique n’ont jamais été démontrés. En outre, ce projet a été engagé sans consultation préalable du conseil scientifique du CNRS. Si le CNRS a annoncé un moratoire sur le projet, nous demandons son annulation définitive au profit d’une remise en débat de la politique scientifique nationale, dans le respect des principes de consultation des autres tutelles (dont les universités) prévue par le code de la recherche, et du maintien d’une pluralité de structures scientifiques.

- un réquisitoire biaisé de l’ANRT : La section 24 partage les inquiétudes formulées par de nombreux.ses collègues suite à la publication, fin 2024, d’un rapport de l’Association Nationale de la Recherche et de la Technologie (ANRT) intitulé « L’autonomie des universités. L’âge de la stratégie ». Dans la lignée de nombreuses réformes antérieures, le rapport conclut sur une plus grande “autonomie” des établissements universitaires et le recours à des financements privés, malgré les biais méthodologiques relevés par la CP-CNU et sans évaluer les mesures d’autonomie déjà engagées. Nous en connaissons pourtant les effets : déficit structurel des établissements, subordination de la recherche et de l’enseignement à des finalités purement économiques, disparition de la responsabilité sociétale des universités et de leur rôle de service public. La section dénonce ces formes de lobbying et de pression et rappelle que la mission de service public des établissements d’enseignement supérieur français ne saurait être assurée par des universités fonctionnant de manière dérégulée, sans souci de l’égalité territoriale, de l’égalité des chances entre les étudiant.es et de l’équité de traitement entre enseignant.es-chercheur.ses.

- Conditions de travail des personnels : La section dénonce la dégradation continue et multiforme des conditions de travail des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche : frein aux évolutions de carrière (faible volume des possibilités de congés et de promotion, privation de demande de congés…), précarisation des personnels (accumulation de CDD, faibles niveaux de rémunération, menaces sur les jours de carence…), alourdissement permanent des charges administratives pour tous génèrent dégradation des relations professionnelles, souffrance au travail et perte de sens. Cette absence de soutien, de reconnaissance et d’accompagnement fait peser la menace d’un quiet quitting sur lequel alerte le dernier baromètre de l’enseignement supérieur et de la recherche 2024 (Conférence des praticiens de l’ESR, mars 2025).

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