Pour un syndicalisme de lutte contre la nouvelle université capitaliste : sortir de l’impasse du « dialogue social »

Publié le 15 février 2013

Texte d'orientation à l'initiative de camarades Émancipation 

Pour un syndicalisme de lutte contre la nouvelle université capitaliste : sortir de l’impasse du « dialogue social »

 

« Il faut simplifier la gouvernance pour que les entrepreneurs y voient plus clair, il faut ouvrir les universités aux entreprises » (G. Fioraso, Les Échos du 26/11/2012).
Le nouveau pouvoir dit clairement ce que nous savions déjà : il ne rompt pas avec la marchandisation de l'ESR à l'oeuvre depuis des années, et accélérée sous Sarkozy.


Un cas d'école : les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Le « dialogue social » et les « concertations » verrouillées ont abouti à des conclusions écrites d'avance : l'accentuation de l'« autonomie » financière des universités, de la dénationalisation des formations et de la contractualisation de la recherche dans la perspective de l'« espace européen de l'éducation » - avec ses corollaires : inégalités accrues entre établissements, personnels, étudiantEs, précarité généralisée et casse des statuts...
De cet enfumage, la direction du SNESUP (Action Syndicale et EE-PSO) a surtout critiqué les formes, appelant les personnels à « faire entendre » les revendications dans ce cadre... on voit le résultat !
• Pour Émancipation, une autre orientation était possible : boycott du pseudoprocessus de « concertation », appel à construire un rapport de force pour
imposer les revendications des personnels et étudiantEs : en premier lieu, l'abrogation de la LRU et de tous ses décrets
.


Dans ce contexte, le congrès du SNESUP aura une grande importance : le syndicat doit défendre les revendications portées par les luttes des dernières années, en particulier celles de 2009. C'est ce qu'Émancipation propose, autour de quelques axes majeurs.

Face à des orientations pour l'ESR dans lesquelles il n'y a rien à négocier...

Autonomie et marchandisation de l'université publique ? Alors même que des présidentEs d'université dénoncent enfin les conséquences des « Responsabilités et Compétences Élargies » (RCE) qui les ont menées au bord du dépôt de bilan, la ministre dans sa réponse poursuit cette
logique et propose de travailler avec le MEDEF pour s'assurer que « les maquettes de formations correspondent bien aux futurs recrutements » dans les entreprises - avec ses corollaires : e-learning et autres nouvelles technologies, Partenariats Public- Privé... Il s'agirait donc de poursuivre et approfondir le processus d'autonomisation, de territorialisation et de marchandisation à l’œuvre, qui a déjà fortement dégradé les conditions de travail et d'études dans l'ESR.
? Pour Émancipation, c'est NON à la « professionnalisation » généralisée des formations (en particulier, abrogation du nouvel arrêté Licence), à leur modularisation et à leur « individualisation » pédagogiquement ineptes cassant tout cadrage national (abrogation du LMD), à la mission d'« insertion
professionnelle » héritée de la LRU, à l'« innovation » à tout crin, NON aux politiques et opérations dites d'« excellence», NON à la territorialisation des
formations et de la recherche
soumettant l'université publique à la logique du patronat.
La première revendication à porter pour l'ESR, c'est l'abrogation des contre-réformes récentes !
Précarité, statuts, évaluation des personnels : les annonces gouvernementales (1 000 postes dans l'ESR) ne répondent pas aux besoins énormes d'encadrement, et ne règlent rien face au développement de la précarité (ces postes entraînent des plafonds d'emplois supérieurs, mais beaucoup seront « gelés » dans les universités les plus en difficulté). Rien n'est réglé non plus sur l'évaluation individuelle récurrente des EC : la Commission Permanente du Conseil National des Universités (CP-CNU) s'est prononcée contre, mais l'idée avancée d'une évaluation « sur la base du volontariat » reste
dangereuse.
? Pour Émancipation, c'est NON à la précarité, au dégraissage et aux gels de poste, et donc NON à la destruction des statuts (modulation des services) et à la « managérisation » des personnels (évaluation récurrente, primes...). Le SNESUP doit porter des revendications claires :

  • titularisation immédiate et sans condition de touTEs les précaires, rétablissement de tous les postes supprimés et création des postes nécessaires ;
  • refus de toute forme d'évaluation individuelle récurrente des EC comme de tous les personnels, et donc abrogation des décrets correspondants ;
  • dissolution de l'AERES et de l'ANR pour un financement pérenne de la recherche à la hauteur des besoins et des enjeux, et pour en finir avec la contractualisation, la bureaucratisation délirante et la mise au pas de la recherche publique : nous combattrons toute structure de remplacement perpétuant la managérisation de l'ESR public.

... opposer un projet éducatif émancipateur, inscrit dans une perspective anticapitaliste

Pour surmonter sa crise, le capitalisme démantèle les droits sociaux et politiques, jusqu'à briser des sociétés entières (Grèce). Le gouvernement actuel, a été élu pour chasser Sarkozy et l'UMP, mais reprend cette politique et prépare des plans d'austérité. Le syndicalisme doit de son côté préparer les ripostes nécessaires, et à plus long terme préparer les conditions d'une rupture avec le système capitaliste. Le SNESUP doit s'engager
dans ces luttes :

  • dans l'éducation, pour défendre et améliorer l'école publique avec la perspective d'une autre école dans une autre société : une école et une université égalitaires et démocratiques, sans hiérarchie entre les savoirs, sans sélection précoce ni orientation en fonction des intérêts du patronat. Le système d'éducation et de formation doit être doté de tous les moyens (postes, formation, organisation pédagogique...) pour lutter réellement contre l'échec scolaire et universitaire, à commencer par la gratuité totale des études. Il doit être fondé sur la coopération et non plus sur la compétition - aussi bien en matière de travail scolaire et universitaire des jeunes, que de travail des personnels.

Deux points sont dès lors centraux :

  • 1) La satisfaction des revendications immédiates, et l'abrogation de l'ensemble des dispositifs soumettant l'école au capitalisme. La loi d'orientation pour l'école doit être retirée, car elle reprend l'essentiel de la politique éducative précédente. De ce point de vue, le vote en abstention de la FSU au Conseil supérieur de l'Éducation est inacceptable... tout comme le fait que le SNESUP pourtant mandaté pour voter « contre », ait quitté la séance avant le vote !
  • 2) La formation des enseignantEs (FDE) : voici un point central pour tout le système d'éducation et de formation. Le gouvernement refuse à la fois d'annuler la « mastérisation » et de programmer les prérecrutements massifs qui s'imposent, et répond par deux couches de précarité : 6 000 « emplois d'avenir du professorat » (contrats renouvelables chaque année destinés aux étudiantEs boursierEs dès L2, leur « offrant » « une première mise en situation professionnelle » pourtant incompatible avec leurs études), et un « deuxième concours » transitoire de juin 2013 en M1 (service d'enseignement dès septembre en CDD sous-payé pour les admissibles, en attendant une éventuelle admission en juin 2014). Il annonce des Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPÉ) qui ne rompront pas avec la logique mortifère de démantèlement de la FDE mise en oeuvre avec l'intégration des IUFM en 2008, voire l'aggraveront en permettant leur intégration à un PRES.

Les directions du SNESUP et de la FSU sont tentées de laisser faire le pouvoir.
? Pour Émancipation, c'est NON ! Il faut au contraire porter jusqu'au bout des revendications offensives : proche de certaines positions défendues par exemple par le GRFDE, Émancipation est POUR des prérecrutements massifs dès L1, un concours en L3 suivi d'une formation en deux ans, dans des IUFM rénovés en écoles professionnelles, payée par l'État (service à 1/3 temps) et conférant un diplôme bac +5, suivie d'une entrée progressive dans le métier.

  • dans la société, pour une vraie rupture avec les années UMP et le système capitaliste en général. En commençant par l'abrogation - et non la réécriture - des lois réactionnaires : dans l'école et l'ESR, dans la Fonction publique, textes s'attaquant aux statuts (entretien d'évaluation, mobilité...), au code du travail, à la sécu, aux retraites... mais aussi en posant la question du contrôle de l'économie par les salariéEs : ainsi la « dette » publique doit être dénoncée et non pas payée à coups de plans d'austérité, la propriété capitaliste des moyens de production doit être contestée (expropriation des grands groupes économiques). Des luttes unitaires sont indispensables pour le blocage des licenciements et l'éradication de la précarité par la transformation de tous les emplois précaires en emplois stables.
  • pour la défense des libertés publiques : arrêt des violences policières, fin de la répression des mouvements sociaux (levée des sanctions et poursuites pour les militantEs), suppression des lois antisyndicales, arrêt de la campagne anti-Roms...
  • pour l'égalité des droits : malgré l'abrogation de la circulaire Guéant qui limitait= l'accès au titre de séjour professionnel des étudiantEs étrangEres, la « politique d'immigration choisie » continue : les étudiantEs, en particulier au niveau Licence, sont soumisEs à une sélection dont les critères seraient impossibles à remplir pour la plupart des étudiantEs françaisEs (conditions de ressources, progression des études...), et sont par ailleurs privéEs des mêmes droits (bourses sur critères sociaux...). Les mesures récentes présentées au CNESER ne contestent aucunement le principe même de ces discriminations.

?Émancipation exige l'égalité des droits dans tous les domaines : titre de séjour pluriannuel sans condition, notamment de niveau académique (au lieu du master minimum aujourd'hui) pour tout étrangerE ayant une carte d'étudiantE, libre accès à l'enseignement supérieur, à toutes les aides sociales, au travail... Et au-delà : fermeture des centres de rétention administrative, régularisation de touTEs les « sans-papiers », abrogation du CESEDA.

Avec un pouvoir servant le patronat, il n'y a rien à négocier ! Pour un syndicalisme de luttes unitaires et intercatégorielles : rejoindre Émancipation et ne rien lâcher !

 

 

Émancipation n'isole pas l'ESR du reste de la société dans ses analyses et son action, elle est une tendance intersyndicale et intercatégorielle
: enseignantEs de la maternelle à l'université, BIATOSS, étudiantEs... élaborent ensemble leurs analyses et revendications. 

 

Contact : er@emancipation.fr

PREMIERS SIGNATAIRES

H. Amadéi, D. André, C.-M. Braud,
M.-F. Carnus, T. Champion,
E. Devriendt, V. Gillot, A. Knapp,
Y. Lefranc, C. Lueken, S. Mounier,
F. Mourlon, A. Ortalo-Magné, N. Patel,
D. Peytavi, A. Roche, N. Sidi Moussa,
D. Torset, C. Valade