Nouvelles lois : dans l'éducation et la recherche, reconquérir liberté et égalité

Publié le : 15/10/2013


Dans l'éducation et la recherche : reconquérir liberté et égalité...

par Marc Neveu, Stéphane Tassel et Thierry Astruc

Le gouvernement mène en ce moment plusieurs réformes de front, étroitement liées.
Il en est ainsi, comme l’a souligné le dernier congrès du SNESUP, pour la loi dite
de refondation, la loi ESR et les lois de décentralisation.

Les lois de refondation de l’école, de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche,
l’Acte 3 dit de décentralisation, la loi sur la
formation professionnelle sont des textes
législatifs dont les imbrications complexes ne
peuvent cacher une même logique conjuguant
reprise en main de l’État, son désengagement
financier et la redéfinition des
périmètres d’action du service public. 

La méthode, qui consiste à utiliser la loi de
refondation de l’École pour introduire sans
réel débat une pierre angulaire d’une loi à
venir (loi ESR) est osée. Pourtant,
c’est ainsi que la procédure
d’accréditation est
gravée dans la loi. 

Ses deux premiers articles
scellent, au-delà de la formation
des enseignants, le sort
de l’habilitation des diplômes
nationaux « Art. 1 : Il est créé
une école supérieure du
professorat et de l’éducation
au sein de l’université X au
1er septembre 2013. Art. 2 : L’école supérieure
du professorat et de l’éducation mentionnée
à l’article 1er du présent arrêté est accréditée
à compter de sa date de création"


Les ESPE, premières de cordée 

 

La procédure d’accréditation, mise en place
par la DGESIP bien que non inscrite dans un
décret, satisfait un des souhaits de la ministre,
considérant qu’il est inconcevable que 700
personnels de son ministère puissent être
mobilisés à plein-temps par les procédures
d’habilitation. Dans un contexte d’austérité,
il convenait alors de réduire la procédure
d’habilitation à sa portion congrue. 

La procédure d’accréditation, « emportant
l’habilitation », se réduit à donc à une déclaration
de politique générale de la part des
universités, et à une liste des formations que
l’établissement serait en capacité d’assurer.
Les contenus des maquettes ne figurent plus
dans le dossier, laissant grande ouverte la
porte aux dérives
locales. C’est aussi une
perte d’une partie
importante des prérogatives
du CNESER,
dernière instance de
régulation nationale
élue, passablement niée
par le gouvernement
précédent et celui-ci.
Un premier échange
sur l’accréditation a eu
lieu au CNESER lors du vote sur les masters
MEEF. Il faisait suite, le même jour à l’examen
de l’arrêté national du cadre de formation des
masters MEEF. Un unique vote a eu lieu
sans débat sur tous les dossiers de master, et
pour l’ensemble des ESPE.
La situation est d’autant plus préoccupante
pour l’ensemble de l’offre de formation, que
se profile une profonde recomposition territoriale
de l’ESR, précipitée par la multiplication du nombre d’universités en déficit, sous
la forme de Communautés d’universités et
établissements prévues dans la loi ESR... 

Extension d’un pilotage expérimenté
dans l’ESR... 

 

Avec la mise en coupe réglée de la formation
des enseignants, il était important pour
V. Peillon que le MEN renforce sa chaîne de
commandement. La mise à l’écart de la
communauté scientifique, la méfiance affichée
vis-à-vis des universitaires, les déclarations
d’un ministre demandant à ce qu’un tri
soit fait dans les formateurs, poussant les
recteurs à intervenir en ignorant la loi, ne
suffisaient pas. Quelle importance doit-on
donner, a posteriori, à l’arbitrage de Matignon
de juillet 2012 faisant des ESPE des
composantes universitaires et non des écoles
professionnelles de l’EN déconnectées de
l’université ? 

Les recteurs, chanceliers des universités
pouvant désormais être issus de la seule
administration centrale et dépourvus de
doctorat, prennent donc le contrôle des ESPE.
Pour la première fois une composante universitaire,
de service public, aura un conseil
composé de moins de la moitié des représentants
élus des personnels et usagers. Pour
la première fois, les plans de formation seront
décidés en dehors des personnels, et majoritairement
par des extérieurs. 

Le fait que 3 académies aient anticipé la loi,
en rattachant l’ESPE, non à une université,
mais à un PRES ou à une communauté d’universités,
introduit déjà des disparités. Avec la
création des ESPE en lieu et place des IUFM,
le gouvernement préempte une nouvelle
structuration développée par la loi ESR. 

Creusement des inégalités territoriales,
la région chef... de files 

 

Les différences d’une académie à l’autre,
avec des moyens très disparates (ce qui
apparaît déjà dès leur première année d’existence)
se creusent dramatiquement. Dans
certains lieux, les universitaires seront personnels
de l’ESPE, et pas dans d’autres, faute
d’affectation possible.
Cette rupture d’égalité, y compris au niveau
de la carte des formations, est une des conséquences de la supposée autonomie des
universités. Elle a poussé à privilégier le
maillon entre recteurs et présidents d’université,
excluant tous les personnels. Élaborer
les décisions avec les représentants des
personnels aurait nécessité du temps pour
convaincre, laissant ouverte la possibilité
d’un vote négatif, déclenchant les foudres des
bailleurs de fond (MEN et MESR). Le choix
des coupes claires budgétaires peut être une
fois de plus renvoyé au niveau local, à un
échelon en profonde reconstruction. 

Le Premier ministre appelle les établissements
d’enseignement supérieur et de
recherche à « conforter [leur] ancrage territorial
» à travers les futures communautés d’universités
et d’établissements et la prochaine
génération de CPER (Contrats de plan État-
Région). Le projet de loi dit « d’affirmation des
métropoles intégrées » du gouvernement,
inscrit l’Enseignement supérieur et la
Recherche dans la politique de refonte des
régions. Seules les grandes régions, mises en
concurrence, sortiraient grandies de la compétition,
détruisant le maillage territorial national.
L’enseignement supérieur et la recherche
sont en quête d’égalité, de mécanismes de
régulation nationale qui s’accordent avec les
garanties des libertés scientifiques, consubstantielles
de la recherche, de l’université
dans sa capacité chaque jour rénovée de
produire et diffuser de la connaissance en
constante évolution. Le SNESUP fait de ces
reconquêtes des enjeux majeurs des luttes actuelles et à venir.