Notes sur l’analyse du programme 150 du projet de budget 2026

Publié le 29 octobre 2025

par le secteur Service Public, le 27 octobre 2025

Un état des lieux en 2025 déjà très dégradé

Depuis 2009, les effectifs étudiants ont augmenté de 31 % sans que les moyens ne suivent. Entre 2009 et 2024, en euros constants de 2024, l'exécution du budget de la MIRES a baissé de 1,2 Md€ (-3,7%) et celui du programme 150 de 708 M€ (-4,5%).

Depuis 2017, l’ESR public dépendant de la MIRES a accueilli 70 000 étudiant·es supplémentaires avec un budget en baisse de 217 M€, toujours en euros constants de 2024 (-1,4%), c’est-à-dire sans construire d’universités et sans recruter les 7 000 agent·es dont 3 500 enseignant·es et enseignant·es-chercheur·es supplémentaires nécessaires pour les encadrer. Sur cette période, nous avons même perdu 1 500 enseignant·es et enseignant·es-chercheures titulaires.

De plus, le “jaune” 2026 des opérateurs de l’État révèle qu’en 2025 les universités ont dû budgéter un déficit de 1,162 milliards d’euros. Leur compte de résultats affichait une perte de 463 M€ et avec les investissements qu’elles ont dû assumer au cours de cette année et elles devraient prélever plus de 800 M€ dans leurs fonds de roulement.

C’est dans ces conditions, avec près de 80 % des universités françaises qui ont dû voter des budgets 2025 en déficit, à hauteur de plus d’1,2 milliards d’euro, que nous abordons l’étude du PLF 2026.

Un PLF 2026 très insuffisant pour faire face aux dépenses contraintes

Bien que le projet de budget 2026 progresse de 157 M€ par rapport à la loi de finance initiale (LFI) 2025, il ne couvre toujours pas les besoins et conduirait tout autant - s’il était voté en l’état - à détruire des emplois dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), à fermer des formations universitaires et des programmes de recherche, faute de subventions publiques de l’État suffisantes pour les assurer.

Qui plus est, ni le projet 2026, ni les projections 2027-2028, ne respectent la trajectoire de la loi de programmation pour la recherche (LPR). Le budget 2026 de la MIRES aurait dû intégrer une augmentation du budget d’un milliard d’euros depuis la loi de finance initiale 2024. Non seulement ce n’est pas le cas mais le projet de budget 2026 de la MIRES, s’il augmente bien de 566 M€ par rapport à 2025, est en retrait de plus de 364 M€ par rapport à la LFI de 2024.

Pour le P150, alors que la marche 2026 de la LPR aurait dû être de 107 M€, celle-ci ne s’élèvera que de 85,5 M€.

En outre, plusieurs dépenses contraintes risquent de ne pas être financées :

  • les mesures salariales de la LPR budgétées pour 2026 s’élèvent à 85,5 M€ (budgété dans le PLF);
  • la mise en oeuvre des COMP100% budgétée à hauteur de 44 M€ (budgété dans le PLF) ;
  • le glissement vieillesse technicité, qui accompagne la progression de carrière des fonctionnaires, s’élève à 70 M€ (non budgété dans le PLF) ;
  • l’augmentation de quatre points du compte d’affectation spéciale Pensions (CAS pension) qui provisionne les cotisations des actif·ves à destination des pensionné·es, représente une augmentation de 200 M€ pour les établissements d’enseignement supérieur (budgété à seulement 87,5 M€ dans le PLF) ;
  • la protection sociale complémentaire (PSC) qui sera obligatoire à partir du 1er mai 2026 et devrait coûter, aux établissements 100 M€ (non budgété dans le PLF) ;
  • l’inflation qui, si elle ne concerne pas les salaires puisque le point d’indice est gelé, s’applique aux budgets de fonctionnement et suit notamment l’évolution des prix de l’énergie, devrait représenter une hausse de l’ordre de 20 M€. Or là encore, par rapport à la LFI 2024, les crédits de fonctionnement du P150 régressent de 13 M€ et ceux consacrés à l'immobilier sont en recul de 7 M€ par rapport à la LFI 2024.

Ainsi, cette année encore ce sont plus de 519 M€ de dépenses contraintes que les établissements devront assumer en 2026 par rapport à 2025 alors que les moyens nouveaux affectés au programme ne s'élèvent qu’à 157 M€. Les établissements devront trouver les moyens “d’économiser” 362 M€ soit la masse salariale de 5 600 emplois (5,6% des effectifs) alors que le sous-encadrement est patent !

Rappelons encore que les mesures dites Guérini qui ont permis l’augmentation du point d’indice en 2023 et 2024 ne sont pas « soclées » (i.e. n’ont jamais été financées par l’État). Elles représentent 370 M€ que les établissements doivent chaque année puiser dans leur fonds de roulement.

Des inégalités de répartition qui s’aggravent

Relevons que les inégalités de répartition de la subvention pour charge de service public (SCSP) sont très importantes puisque les budgets par étudiant·es comme les taux d’encadrement varient du simple au double entre universités de mêmes types de formation et de recherche et que cette année la mise en place des contrats d’objectifs, de moyens et de performance sur la totalité des missions (COMP 100 %) censée récompenser la “performance” de quelques universités, devrait mobiliser un supplément de budget qui devra être repris à l’ensemble de la communauté…

Le SNESUP-FSU refuse le budget austéritaire qui est imposé aux universités et aux établissements d’enseignement supérieur comme aux organismes de recherche et dénonce les fausses solutions annoncées pour des retours à un équilibre qui restera très dégradé : baisse des capacités d’accueil, renoncement à la rénovation des bâtis, fermeture de formations, passage en distanciel imposé malgré les effets catastrophiques que nous connaissons sur la qualité des formations, gel des emplois malgré un taux d’encadrement qui s’effondre, absence de revalorisation salariale alors que le pouvoir d’achat des agent·es ne cesse de se dégrader, recours à des vacataires et à des contractuel·les (40 % des effectifs dans notre ministère), hausse des frais d’inscription, territorialisation de l’ESR et COMP 100%. Ces solutions ont toutes en commun d’accroître les inégalités et de diminuer le temps dévolu à la recherche. Nous ne pouvons plus nous contenter de rustines budgétaires. L’ESR a besoin d’un tout autre budget. C’est possible en faisant d’autres choix, notamment en allant vers plus de justice fiscale.

Le SNESUP-FSU rappelle l’urgence de recruter des personnels titulaires pour permettre au service public de l’ESR, indispensable à la formation de la jeunesse, à la lutte contre la précarité et au développement des connaissances, de poursuivre ses missions. En réduisant le service public gratuit, on transfère donc la charge aux familles, lorsque c’est possible, ou aux étudiant·es eux-mêmes qui devront payer ces nouveaux droits dans le public ou recourir au privé, plus cher encore. Cette marchandisation remplace un financement progressif et solidaire par l’impôt par un financement individualisé, injuste et in fine bien plus dispendieux.

Des idées d’extrême droite reprises dans le PLF

Au-delà de choix inégalitaires, après l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants extracommunautaires (Bienvenue en France), le budget donne à nouveau des signaux alarmants de préférence nationale en sabrant les APL des étudiants étrangers. Nous ne nous reconnaissons pas dans ce modèle d’ESR excluant.

À l’heure où les idées d’extrême droite et réactionnaires se propagent dans tous les secteurs, le SNESUP-FSU rappelle le rôle central de l’ESR qui constitue un rempart contre l’obscurantisme qui nourrit ces idées.

Le SNESUP-FSU demande au ministère et aux parlementaires de clarifier leurs choix pour le service public de l’ESR et de communiquer sur la réalité du budget sans masquer les énormes déficits qui se creusent et la part des frais imposés aux opérateurs dans ces déficits. Le ministère doit entendre ce qu’est la réalité des établissements aujourd'hui.

Les revendications du SNESUP-FSU

Le SNESUP-FSU revendique une hausse de 28 % du budget de la MIRES soit 8 Md€ en 2026 :

  • 2,5 Md€ pour l’encadrement des étudiant·es dont

+ 1 Md€ pour créer immédiatement 12 000 postes de titulaires de toutes catégories confondues (enseignant·es, enseignant·es-chercheur·es, technicien·nes, ingénieur·es, administratif·ves) permettant juste de réduire de moitié les inégalités d’encadrement entre établissements ;

+ 1,5 Md€ pour créer les 150 000 places en 1er et 2e cycles afin d'accueillir toutes celles et tous ceux qui souhaitent poursuivre leur formation dans les établissements publics ;

  • 2 Md€ pour la recherche afin principalement d’augmenter les budgets récurrents des laboratoires de recherche publics ;
  • 2,5 Md€ pour l’augmentation de 10 % du point d’indice permettant de rattraper la perte du pouvoir d’achat depuis 2000 ;
  • 1 Md€ pour la rénovation immobilière – effort qu’il faudrait maintenir pendant cinq ans pour tenir les accords de Paris et respecter le décret tertiaire.

Dans un second temps, dès 2027, la mise en place d’un plan pluriannuel d’emplois statutaires de 6 000 postes par an jusqu’en 2036, représenterait un effort supplémentaire de 6,7 milliards d’euros à terme, ce qui pourrait enfin nous amener à consacrer 2 % du PIB à l’enseignement supérieur (incluant une progression du P142) et presque 1 % du PIB à la recherche publique (l’augmentation des budgets des programmes 172, 190, 191, 192, 193 permettant également d’y parvenir).

Relevons enfin qu’une réforme systémique des bourses d’études pour tendre vers une allocation universelle d’étude dans le cadre du programme 231 doit également être engagée dès 2026 ce que, en l’état, ni le budget 2026, ni la trajectoire 2027 et 2028 du PLF ne permettent.