Com.snesup Aix-marseille
Section académique Aix Marseille.
Une nouvelle université va sans doute émerger au terme d’un
processus de rapprochement voire de fusion des 3 universités existant
à Aix-Marseille. Nous pourrions la nommer « Université du
Soleil », ou maintenir le nom d’ « Université de la
Méditerranée » … Dans tous les cas, elle ne pourra
émerger et exister vraiment qu’avec la mobilisation, le consentement,
l’énergie de toutes ses composantes. Les structures, les formations,
les personnels existants, les laboratoires de recherche, les chercheurs, les
étudiants ont déjà acquis un niveau international, qu’il
faut renforcer, diversifier, ancrer dans la réalité d’une
société, voire d’une civilisation de la connaissance, naissante.
Coopération et développement durable en seront les mots forts,
les critères pour une nouvelle structure. La mise en commun des moyens,
des équipes, peut être une force extraordinaire pour la réalisation
de projets scientifiques essentiels au développement humain, au développement
social, au développement de la connaissance, pour la construction d’un
lieu de formation de travailleurs, de citoyens, d’hommes et de femmes
riches des cultures de leur temps, au service de et intégrés dans
une société démocratique.
Le SNESUP-FSU prend ici l’initiative de la réflexion publique.
1- La fusion des 3 universités d'Aix Marseille dans l'actualité
Les présidents des 3 universités d'Aix-Marseille ont annoncé, par des déclarations dans la presse à l'issue d'un "séminaire", la fusion des 3 universités d'ici 2009. À vrai dire, sous une forme ou une autre ("restructuration", volets interuniversitaires, PRES ...) cette question se pose depuis longtemps, pour des raisons qui tiennent à la fois à l'histoire de leur constitution, à la nécessité de rationaliser structures et habilitations - déjà de nombreuses cohabilitations de formations existent -, à des volontés tant locales que ministérielles, à des logiques de regroupement partout en œuvre ...
L'annonce récente des 3 présidents intervient dans des conditions
remarquables:
- Aucun projet élaboré et rendu public, aucune consultation ni
même information des conseils d'administration des universités
concernées préalablement à une annonce pourtant dotée
d'une échéance.
- Le projet de loi sur l'autonomie des universités en ce moment en débat
constitue un "cadre" pour la création d'une nouvelle université
- à notre sens le pire qui puisse être ! Conseil d'administration
réduit en nombre et représentativité, pouvoirs accrus accordés
au président et à ce conseil, gouvernance s'apparentant à
celle d'établissements privés, mise en cause des missions et conditions
de recrutement, exercice et rémunération des personnels, enseignants-chercheurs
notamment ...
- Cependant, les conseils d'administration ont été, depuis, amenés
à se prononcer sur "le principe" de la fusion et des groupes
de travail seraient créés ... Un calendrier s'ébauche.
Ces conditions de débat et de décision ne correspondent pas à la hauteur de l’enjeu. Le SNESUP propose une autre démarche.
2- Pourquoi la fusion ? Quels objectifs pour une université unique d'Aix
Marseille ?
Les motivations pour la fusion qui se laissent percevoir sont essentiellement de l'ordre de la "visibilité" des universités d'Aix-Marseille à l'échelle internationale (classement de Shanghai notamment), dans le cadre d'une concurrence scientifique (et économique) internationale dont les critères et le principe peuvent être profondément mis en question.
De tout autres objectifs doivent être assignés à la création d'une nouvelle université à Aix- Marseille:
- poursuivre la démocratisation de l'enseignement supérieur, c'est-à-dire en augmenter et y favoriser l'accès ; y permettre la réussite du plus grand nombre quelles qu’en soient les origines sociales, scolaires, territoriales et de genre ; délivrer à 50% d'une classe d'âge des diplômes d'enseignement supérieur à la qualification reconnue. A cet égard notre région a un effort particulier à fournir.
- dans cet objectif, rendre cohérente - au niveau pédagogique, comme au niveau des structures institutionnelles et de la répartition géographique des sites - une offre de formation articulée à la recherche, diversifiée, qualifiante, attentive à l’insertion professionnelle des étudiants ainsi qu’à leur épanouissement culturel.
- développer la recherche, toute la recherche, autonomie et indépendance de la recherche tant pour les financements que pour la définition des priorités des programmes, calendriers de recherche compatibles avec la recherche fondamentale, augmentation des crédits récurrents pour la recherche.
- garantir et améliorer les conditions de travail des personnels, enseignants, enseignants-chercheurs, BIATOSS ..., dans le respect de leurs statuts, de leurs droits, leur permettant de remplir toutes les missions du service public et éradiquant la précarité ;
- améliorer les conditions de la vie étudiante, par des bourses et des allocations d’études suffisantes, et en ce qui concerne le logement, les transports, la santé, la vie culturelle ...
- assurer à tous les niveaux structurels de cette université (sites, composantes, laboratoires, établissement ...) une vie démocratique reposant sur l'élection et la représentativité des membres des instances délibératives et exécutives, accordant des moyens pour la diffusion des informations, les débats et l'exercice des mandats, et une gouvernance fondée sur le principe de collégialité qui a fait ses preuves dans l'université française.
A l'inverse d'une logique de mise en concurrence et d'excellence sélective, ces objectifs supposent l'unité du système de formation et de recherche de la licence au doctorat et une logique de coopération renforcée - entre les composantes, avec les acteurs sociaux (entreprises, collectivités territoriales, associations, économie sociale et solidaire...). Ils impliquent des financements à leur hauteur (et correspondant aux objectifs européens de 3% du PIB consacrés à l'enseignement supérieur et la recherche). Ces financements doivent relever de fonds publics et d'une politique publique de développement de la formation, de la qualification et de la recherche. Il s'agit donc de promouvoir et d'améliorer une université de service public.
3- Comment rapprocher les 3 universités ? Méthode et propositions
Le processus actuel :
- Les groupes de travail annoncés seraient constitués sans projet
sur lequel se fonder. Sans vision du but poursuivi, ils travailleraient à
l’aveugle pour trouver des solutions purement techniques.
- L'échéance annoncée, rapprochée, est contraignante,
et entre en contradiction avec les échéances normales de la contractualisation
des universités en cause (2008).
- Le PRES, non encore finalisé et mandaté pour mettre en œuvre
la fusion, n'est pas la structure appropriée : d'une part à cause
du déficit démocratique dont il souffre structurellement ; d'autre
part parce que, par nature, il concerne les niveaux "écoles doctorales"
et certains masters et risque donc de préfigurer une organisation en
deux niveaux séparés avant et après la licence.
Propositions :
- Moratoire du processus en cours et établissement d'un nouveau calendrier,
permettant la consultation large et approfondie de la communauté universitaire
nécessaire à l'élaboration d'un projet de nouvelle université.
- Création d'un comité de pilotage interuniversitaire (différent
du PRES), représentant l'ensemble de la communauté universitaire
(formations, recherche, personnels) et représentatif par la participation
des élus et des organisations syndicales, faisant retour à chaque
étape vers les conseils d'administration des universités.
- Consultation la plus large de la communauté universitaire, sous la
responsabilité de ce comité, en utilisant les structures actuelles
des universités (composantes, laboratoires, établissement) et
en élaborant éventuellement un questionnaire, adressé à
toutes les parties prenantes, pouvant être traité par les moyens
informatiques
- Organisation d'Assises pour l'université d'Aix-Marseille, avec la participation
des partenaires sociaux, économiques, territoriaux de l'enseignement
supérieur et de la recherche. Des objectifs politiques forts tels que
ceux d'une coopération avec les pays du Sud pourraient y être débattus.
En effet la position géostratégique de cette nouvelle université,
les liens historiques qu’elle a su créer avec les pays d’Afrique,
sont des atouts précieux pour développer une stratégie
de développement durable et de coopération. Jeter des ponts, construire
des liens, renforcer ceux existants, voilà un objectif mobilisateur,
porteurs d’énergies et de synergies. L’utilité sociale,
l’utilité humaine, l’utilité écologique donnent
le sens de ce projet.
On ne peut sommer trois universités de fusionner sans définir
une politique générale qui ne saurait être la somme des
trois politiques préexistantes. Il est donc impensable que cette fusion
s’origine sans la participation active des pouvoirs publics, des personnels
(BIATOSS, enseignants et enseignants-chercheurs), des étudiants, et des
acteurs sociaux.
Face aux questions de société, de développement, de protection de la nature et des hommes, cette fusion peut être un tremplin, une chance historique. Elle ne doit pas déboucher sur une vitrine, visant un palmarès, mais sur une exemplarité en termes de buts, de moyens, de conditions de travail et de vie étudiantes.
Alors le regroupement sera un temps fort, la mobilisation de la communauté scientifique en sera le fer de lance, la fusion sera agie et non subie. Il n’y a pas d’autre alternative.