Rentrée universitaire

Article paru dans les ARCHIVES INTEGRALES de sous la rubrique
l’Humanité des débats
Bacheliers, parents, citoyens,l’université vous intéresse
Article paru dans l'édition du 9 septembre 2006
Auteur(s) :
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Par Jean Fabbri,
secrétaire général du SNESup, maître de conférences de mathématiques à l’université de Tours, |
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et Pierre Duharcourt,
professeur d’économie à l’université de Marne-la-Vallée, représentant de la FSU au Conseil économique et social. |
Quelles conditions de rentrée dans l’enseignement supérieur ?
Après les résultats du bac s’ouvre pour des milliers de jeunes la stimulante entrée dans l’enseignement supérieur. Au nom de milliers d’universitaires, notre premier mot pour les nouveaux bacheliers c’est « bienvenue ! »... Et ce ne sont pas paroles de circonstances.
Améliorer les qualifications, élargir et approfondir l’accès aux connaissances, cela rencontre à la fois les aspirations au savoir des jeunes adultes et les besoins diversifiés du pays. Est nôtre l’objectif européen de diplômer 50 % d’une classe d’âge dans le supérieur. Ambition audacieuse et nécessaire (aujourd’hui 17 %), qui doit s’appuyer sur des politiques économiques privées et publiques qui développent et valorisent l’emploi qualifié.
C’est dans ce contexte, le seul qui soit mobilisateur et incitatif, que devraient se lire les premières recommandations de la mission université-emploi, présidée par le recteur Hetzel. Pour l’heure, après les auditions auxquelles le SNESup a participé, les débats en région, le plus souvent confidentiels et atones, et les déclarations et les annonces du premier ministre, les mesures envisagées et leur accompagnement budgétaire sont dérisoires.
Offrir aux étudiants un renouveau disciplinaire, rompant avec les cloisonnements impliqués par le découpage du secondaire, appuyer leur formation sur la recherche et développer leur esprit critique, proposer une dimension professionnelle dans chaque cursus, c’est ouvrir à des appétits inédits. À leur façon, les filières IUT (partie spécifique des universités) y concourent avec, comme cela devrait être le cas également ailleurs, des effectifs réduits et des pédagogies différenciées. Pour favoriser l’accueil des nouveaux bacheliers, les filières plus classiques ont fourni un considérable travail de rénovation dans le cadre, certes précipité et lourdement concurrentiel, du LMD (licence, mastère, doctorat). Simplifier et réorienter ce dispositif, le rendre lisible aux étudiants et à leurs familles en amont de la première année et garantir des conditions d’encadrement conformes aux standards internationaux (effectifs réduits, tutorats et enseignements de soutien, bibliothèques, salles de travail, réel soutien public à l’autonomie), c’est incontournable. L’aspiration à la reconnaissance dès le premier emploi du caractère professionnalisant des diplômes - quels qu’ils soient -, avec des droits sociaux afférents, est maintenant, après le mouvement pour l’abrogation du CPE (contrat première embauche), une dimension structurante. C’est d’ailleurs celle-ci qui a conduit le premier ministre à reconnaître la « misère des universités » (10 avril 2006).
Mais même dans l’aveu des échecs, le gouvernement pousse à des choix régressifs. Ont été annoncées deux fois moins de créations d’emplois dans les secteurs dits prioritaires (1 500 pour le supérieur et la recherche en 2007, alors que près de 3 000 postes ont été arrachés par les luttes en 2006 et devaient être reconduits dans le cadre d’un plan pluriannuel). Les mesures envisagées pour l’aide sociale aux étudiants sont notoirement insuffisantes. Et se dessinent des restructurations dans l’organisation de la recherche (nouvelle agence d’évaluation, réforme des écoles doctorales, mise en oeuvre sans la concertation et les garanties nécessaires des pôles de recherche et d’enseignement supérieur) et des formations universitaires qui risquent de vouer des pans entiers de l’enseignement supérieur à une concurrence exacerbée, rendant difficiles les missions de recherche fondamentale, dont les rythmes n’épousent pas ceux des contrats d’objectif.
De fait, pourtant, bien des chantiers sont ouverts et les acteurs du supérieur y contribuent : après le cycle licence, la simplification et l’accès clarifié au mastère se fera d’autant mieux que se construira un grand service public rénové du supérieur associant l’ensemble des cursus. L’idée d’inclure toutes les formations actuellement hors LMD (formations paramédicales, d’éco-gestion, écoles d’art, CPGE...) chemine.
Les dynamiques du mouvement Sauvons la recherche et les grandes initiatives unitaires contre le CPE marquent très fortement et comme jamais la confiance d’une très large part de la société en la recherche et l’enseignement supérieur. C’est au nom de ce « contrat moral » que les nouveaux bacheliers sont attendus dans les universités... Pour y réussir !