Frais univ. en Angleterre

Publié le 4 février 2004

Angleterre : l’Université confrontée à l’attaque libérale.

Par Thierry Labica Maître de Conférences à l’Université de Paris 10 Nanterre

Il va de soi que la situation de la Grande-Bretagne présente des spécificités historiques bien distinctes de ce que nous connaissons en France. En l’occurrence, la question du service public d’enseignement supérieur ne saurait se poser en des termes identiques vue la longue tradition d’autonomie déjà acquises des universités outre-Manche.

Il demeure néanmoins que les particularismes nationaux sont aujourd’hui soumis à une logique néo-libérale commune de mise en concurrence des établissements, des disciplines et des enseignants sur un grand marché des formations.

Avec l’augmentation des frais d’inscription, la poursuite du désengagement de l’Etat dans le secteur éducatif s’opère au nom de la justice sociale même : les diplômés finissant mieux lotis sur le marché du travail, ils doivent reverser une compensation en contrepartie d’une inégalisation sociale croissante jouant en leur faveur. Aussi cette mesure présente-t-elle le mérite d’entériner clairement le fait d’une inégalité que l’on a totalement renoncé à combattre. Il est en effet déjà clair que les étudiants de milieux modestes ou pauvres seront d’emblée un peu plus dissuadés d’accéder au supérieur par des perspectives de dette étudiante accrue, et que les conditions de remboursements seront plus difficiles pour les femmes.
En outre, et contre toute dimension de bien public au service de l’ensemble d’une société, cette mesure érige en véritable principe la logique de capitalisation individualisée du savoir aggravant les conditions de concurrence des agents sur le marché du travail.

Bref, qu’il s’agisse d’augmentation de frais d’inscription, de la promotion des pôles d’excellence par la concentration des moyens ou du renforcement des dépendances budgétaires vis-à-vis des intérêts privés, les choix concernant le supérieur et la recherche en Angleterre représentent une réalisation avancée des orientations aujourd’hui dominantes à l’échelle européenne : casse des statuts, reculs des salaires, croissance de la précarité, poursuite du creusement des inégalités et remise en cause sur les libertés académiques sont autant de menaces que font peser la marchandisation du savoir dont une fuite en avant obscurantiste nous confronte à des objectifs de luttes on ne peut plus clairs.


Frais universitaires en Angleterre : nouvelles dispositions.

Mardi 27 janvier 04, le parlement anglais a voté, à une majorité de 5 voix, l’augmentation des frais d’inscription à l’université. Ce choix politique des « top-up fees » a été source d’importantes tensions au sein de la majorité travailliste. De quoi s’agit-il ?

  1. La nouvelle disposition introduit une quasi-déréglementation des frais d’inscription.
    Aujourd’hui, les frais d’inscription pour les cours sont fixés à 1125 livres sterling (1450 euros approx.).
    Avec la nouvelle loi, à partir de septembre 2006, ils pourront varier de 0 à 3000 livres (soit 3900 euros approx.) en fonction des choix de gestion de chaque établissement. En dépit de cette « liberté » laissée à chaque université, le gouvernement anticiperait déjà qu’environ les ¾ des universités fixeront leur frais d’inscription à 3000 livres, ¼, resteraient au taux toujours en vigueur, et qu’aucune n’envisagerait de faire disparaître les frais d’inscription.
  2. Les deux principaux motifs avancés sont :
    1. les universités ont besoin d’argent
    2. le gouvernement considère que les diplômés, dès lors qu’ils bénéficient de revenus nettement plus élevés et d’un éventail de possibilités de carrières beaucoup plus vaste par la suite, doivent par conséquent contribuer en retour à leur propre formation.
  3. Les étudiants ne seront pas tenus de payer la totalité de leur frais d’inscription à l’entrée à l’université.
  4. Les frais font l’objet d’un emprunt remboursable lorsque les revenus des diplômés sur le marché du travail excèdent les 15 000 livres par an. Ces remboursements seront alors établis à 9% des revenus annuels.
  5. La loi prévoit néanmoins certaines dispositions à caractère incitatif lorsque les frais atteignent 3000 livres :
    les établissements pratiquant les tarifs les plus élevés devront montrer qu’ils s’efforcent de faciliter le recrutement d’étudiants de milieux défavorisés, notamment en débloquant des suppléments de bourses fixés à 300 livres pour ces étudiants.

Pour les étudiants de milieux défavorisés :

  1. Les familles dont les revenus sont inférieurs à 30 000 livres par an (soit, 39 000 euros approx.) seront dispensées des premiers 1200 livres ;
  2. A partir de cette année (2004), une bourse progressive supplémentaire destinée à couvrir les dépenses courantes et pouvant aller jusqu’à 1000 livres, est attribuée aux étudiants dont les familles ont des revenus inférieurs à 21 185 livres par an. Le plafonnement de cette bourse devrait passer à 1500 livres en 2006.
    • NB : initialement, la bourse maximale de 1000 livres ne devait concerner que les étudiants dont les familles bénéficiaient de revenus inférieurs à 10 000 livres par an (soit 12000 euros/an approx., soit 6500frs/mois). Ce plafond a été finalement relevé à 15 200 livres.
  3. Les dispositions prises en Ecosse, au pays de Galles et en Irlande du nord ne sont plus aujourd’hui systématiquement alignées sur les politiques élaborées en Angleterre, compte tenu du contexte de ‘dévolution’.
    Quant aux étudiants européens en Angleterre, ils seront soumis au même régime que les étudiants anglais, mais un flou important demeure quant aux conditions du remboursement de leur dette étudiante, laissant certains présager (cf. le Times du 29 janvier) une augmentation significative des étudiants étrangers, notamment ressortissants de nouveaux pays membres de l’Europe, et des surcoûts pour les contribuables britanniques dès lors qu’encore une fois, les remboursements des dettes étudiantes ne se feront qu’une fois la barre franchie d’une niveau de revenus annuels supérieurs à 15 000 livres. Or, la moyenne des revenus dans ces pays est de 4000 livres.

Synthèse réalisée à partir de : http://news.bbc.co.uk/1/hi/education/3013272.stm