Frais univ. en Angleterre
Angleterre : l’Université confrontée à l’attaque libérale.
Par Thierry Labica Maître de Conférences à l’Université de Paris 10 Nanterre
Il va de soi que la situation de la Grande-Bretagne présente des spécificités historiques bien distinctes de ce que nous connaissons en France. En l’occurrence, la question du service public d’enseignement supérieur ne saurait se poser en des termes identiques vue la longue tradition d’autonomie déjà acquises des universités outre-Manche. Il demeure néanmoins que les particularismes nationaux sont aujourd’hui soumis à une logique néo-libérale commune de mise en concurrence des établissements, des disciplines et des enseignants sur un grand marché des formations.
Avec l’augmentation des frais d’inscription,
la poursuite du désengagement de l’Etat
dans le secteur éducatif s’opère au nom
de la justice sociale même : les diplômés
finissant mieux lotis sur le marché du travail, ils doivent reverser
une compensation en contrepartie d’une inégalisation sociale
croissante jouant en leur faveur. Aussi cette mesure présente-t-elle
le mérite d’entériner clairement le fait d’une
inégalité que l’on a totalement renoncé à
combattre. Il est en effet déjà clair que les
étudiants de milieux modestes ou pauvres seront d’emblée
un peu plus dissuadés d’accéder au supérieur
par des perspectives de dette étudiante accrue, et que les conditions
de remboursements seront plus difficiles pour les femmes. Bref, qu’il s’agisse d’augmentation de frais d’inscription, de la promotion des pôles d’excellence par la concentration des moyens ou du renforcement des dépendances budgétaires vis-à-vis des intérêts privés, les choix concernant le supérieur et la recherche en Angleterre représentent une réalisation avancée des orientations aujourd’hui dominantes à l’échelle européenne : casse des statuts, reculs des salaires, croissance de la précarité, poursuite du creusement des inégalités et remise en cause sur les libertés académiques sont autant de menaces que font peser la marchandisation du savoir dont une fuite en avant obscurantiste nous confronte à des objectifs de luttes on ne peut plus clairs. |
Frais universitaires en Angleterre : nouvelles dispositions.
Mardi 27 janvier 04, le parlement anglais a voté, à une majorité de 5 voix, l’augmentation des frais d’inscription à l’université. Ce choix politique des « top-up fees » a été source d’importantes tensions au sein de la majorité travailliste. De quoi s’agit-il ?
- La nouvelle disposition introduit une quasi-déréglementation
des frais d’inscription.
Aujourd’hui, les frais d’inscription pour les cours sont fixés à 1125 livres sterling (1450 euros approx.).
Avec la nouvelle loi, à partir de septembre 2006, ils pourront varier de 0 à 3000 livres (soit 3900 euros approx.) en fonction des choix de gestion de chaque établissement. En dépit de cette « liberté » laissée à chaque université, le gouvernement anticiperait déjà qu’environ les ¾ des universités fixeront leur frais d’inscription à 3000 livres, ¼, resteraient au taux toujours en vigueur, et qu’aucune n’envisagerait de faire disparaître les frais d’inscription.
- Les deux principaux motifs avancés sont :
- les universités ont besoin d’argent
- le gouvernement considère que les diplômés,
dès lors qu’ils bénéficient de revenus nettement
plus élevés et d’un éventail de possibilités
de carrières beaucoup plus vaste par la suite, doivent
par conséquent contribuer en retour
à leur propre formation.
- Les étudiants ne seront pas tenus de payer la
totalité de leur frais d’inscription à
l’entrée à l’université.
- Les frais font l’objet d’un emprunt remboursable lorsque
les revenus des diplômés sur le marché du travail
excèdent les 15 000 livres par an. Ces remboursements
seront alors établis à 9% des revenus annuels.
- La loi prévoit néanmoins certaines dispositions à
caractère incitatif lorsque les frais atteignent 3000 livres
:
les établissements pratiquant les tarifs les plus élevés devront montrer qu’ils s’efforcent de faciliter le recrutement d’étudiants de milieux défavorisés, notamment en débloquant des suppléments de bourses fixés à 300 livres pour ces étudiants.
Pour les étudiants de milieux défavorisés :
- Les familles dont les revenus sont inférieurs à
30 000 livres par an (soit, 39 000 euros approx.) seront
dispensées des premiers 1200 livres ;
- A partir de cette année (2004), une bourse
progressive supplémentaire destinée à couvrir
les dépenses courantes et pouvant aller jusqu’à
1000 livres, est attribuée aux étudiants dont les familles
ont des revenus inférieurs à 21 185 livres par an. Le plafonnement
de cette bourse devrait passer à 1500 livres en 2006.
- NB : initialement, la bourse maximale de 1000 livres
ne devait concerner que les étudiants dont les familles bénéficiaient
de revenus inférieurs à 10 000 livres par an (soit 12000
euros/an approx., soit 6500frs/mois). Ce plafond a été finalement
relevé à 15 200 livres.
- NB : initialement, la bourse maximale de 1000 livres
ne devait concerner que les étudiants dont les familles bénéficiaient
de revenus inférieurs à 10 000 livres par an (soit 12000
euros/an approx., soit 6500frs/mois). Ce plafond a été finalement
relevé à 15 200 livres.
- Les dispositions prises en Ecosse, au pays de Galles et en Irlande
du nord ne sont plus aujourd’hui systématiquement
alignées sur les politiques élaborées en Angleterre,
compte tenu du contexte de ‘dévolution’.
Quant aux étudiants européens en Angleterre, ils seront soumis au même régime que les étudiants anglais, mais un flou important demeure quant aux conditions du remboursement de leur dette étudiante, laissant certains présager (cf. le Times du 29 janvier) une augmentation significative des étudiants étrangers, notamment ressortissants de nouveaux pays membres de l’Europe, et des surcoûts pour les contribuables britanniques dès lors qu’encore une fois, les remboursements des dettes étudiantes ne se feront qu’une fois la barre franchie d’une niveau de revenus annuels supérieurs à 15 000 livres. Or, la moyenne des revenus dans ces pays est de 4000 livres.
Synthèse réalisée à partir de : http://news.bbc.co.uk/1/hi/education/3013272.stm