Actu Montpellier

Publié le 12 février 2004

LA RECHERCHE AUX ORDRES ?


Le Président de l’Université MONTPELLIER III vient de faire une nouvelle proposition de création d’un pôle « Identité – Territoire – Développement durable » pour la Maison des Sciences de l’Homme de Montpellier à la place de la précédente orientation présentée et validée lors de l’adhésion au Réseau des MSH.


Syndicalement, nous n’avons pas à nous prononcer sur la thématique scientifique, ce qui relève des instances universitaires compétentes, mais sur ses conditions de production.

1. Le dossier, daté de janvier 2004 et proposé au Conseil scientifique le 3 février, vient d’être, très mal, diffusé aux diverses équipes montpelliéraines (UMI, II et III), et ces dernières doivent répondre avant le 23 février !
L'ancien projet 2002 « Europe-Méditerranée: dynamique des interactions », s'il avait ses défauts, avait été élaboré avec les équipes des Universités partenaires.
La démarche est ici explicitement descendante : ainsi, le dossier débute par une lettre du 24 octobre 2003 de la Ministre déléguée à la Recherche portant injonction de « proposer un nouveau projet de préfiguration ». Ce nouveau projet devrait, sur le plan scientifique, comporter une « thématique construite autour des dynamiques et des interrelations méditerranéennes, mais aussi l’ouverture vers d’autres champs thématiques (…) comme l’évolution de l’environnement ou le développement durable ». D’où le titre, en retour, de la thématique proposée par le Président de l’Université.

2. Mais il y a plus grave : ce projet traduit explicitement un engagement politique par des références constantes aux écrits de Dominique de Villepin dont un long texte, extrait de l’ouvrage « Un autre monde » (L’Herne, 2003), est inscrit au dossier.


Ainsi, on peut lire, sous la plume du Président (p 7) : « Pour « encadrer » la problématique proposée, c’est délibérément que je propose en premier lieu, le beau texte de Dominique de Villepin, extrait de l’introduction de son tout récent ouvrage sur « Un autre monde » (novembre 2003). La recherche fondamentale doit nourrir la réflexion des hommes d’action et doit s’ouvrir à leur praxis ». Et cette citation est couronnée par la magnifique phrase suivante, emberlificotée, à la gloire dudit ministre « notre République a l'heur d'avoir un homme d'Etat de ce calibre, capable, son "cri de gargouille" en témoigne comme ce nouvel ouvrage, de concilier fermeté de la doctrine et de l'action et d'apprécier avec lucidité et franchise les mutations du monde actuel » (p.7-8). On en remet encore une couche historique : « A ce texte puissant, prospectif, font écho les belles pages de Paul Hazard... » (p.8). Et si ce n’état pas suffisant, la phrase de D. de Villepin « un monde sans diversité s’apparente à la mort » est mise en exergue de la trame de la problématique (p 27) !


Une recherche « aux ordres » ne saurait mieux s’exprimer, flagornerie comprise.

Le tout est dans la droite ligne du texte de de Villepin, joint au dossier, et entonnant un hymne à « l'action du général de Gaulle » (p 30), à « l'engagement constant de Jacques Chirac » (p 31), au « formidable défi relevé par la convention présidée par M. Valéry Giscard d'Estaing ».
Ainsi va la science !

3. Par le biais d'un « rapport d'entretien » avec Jean-Marie Hombert, mis au dossier, on avance la caution du CNRS. Or ce rapport resitue les points essentiels de mise en place pratique de cette MSH, tout en rappelant (en première ligne) le cadre thématique de l'ancien projet (p 33). De plus ce rapport accorde une importance essentielle aux UMR dans le projet et donc à leur concertation, contrairement à l’actuelle démarche présidentielle.

Ce projet est directement politique !

La dérive dans laquelle on veut nous entraîner en travaillant au service du pouvoir est un non-sens pour des recherches que nous avons menées en toute indépendance jusqu'à présent. La recherche n'a pas à être « encadrée » par les « visions » des politiques ; le stalinisme nous en a donné de sinistres exemples ! Elle n’a pas à se positionner dans des discours faisant l'apologie d'une doctrine.

Les directeurs d'équipes se doivent de proclamer avec force leur rejet d’une telle démarche anti-démocratique et « aux ordres ». Le projet de la MSH de Montpellier ne se fera pas sans les équipes, sans leur travail, sans leur implication. Il faut revoir les méthodes de concertation pour qu’en sorte un réel projet scientifique.

Nous rappellerons que le projet scientifique de 2002 avait été monté par 27 équipes locales de recherche dont 13 UMR CNRS sur les 3 Universités. Ce projet a été approuvé nationalement par le réseau des MSH ; sa faisabilité impliquait la concrétisation des actions et donc les soutiens financiers partenariaux nécessaires, ce que la Région a refusé.

La dérive actuellement proposée par la présidence de l’Université Paul Valéry ne peut constituer la base de la recherche en sciences humaines et sociales, qui doit rester libre et ouverte, telle que nous la méritons sur la place de Montpellier et pour l’ensemble de la région Languedoc-Roussillon.


La section SNESup-FSU de Montpellier III, le 12 février 23004