Interview Axel Kahn
Axel Kahn au Colloque CPU de BordeauxExtraits d'une interview réalisée
le 19 février 2004 La rédaction ne saurait que trop vous conseiller de lire l'intégralité de l'intervention d'Axel Kahn. |
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L’image de la recherche et de la science aujourd’hui dans
notre pays est profondément troublée. En effet, de plus
en plus, et d’ailleurs sur tous les bancs de l’Assemblée,
venant de tous les bords, on a tendance à limiter la raison
d’être de la science à l’une de ses fonctions,
celle d’être l’auxiliaire d’un système
économique et d’un type de développement
de nos sociétés qui sont aujourd’hui discutés,
voire contestés. La science ramenée à cette image
ne peut bien sûr pas être épargnée par le large
mouvement de contestation de la légitimité d’un système
de développement qui a certes abouti aux retentissants progrès
du XXe siècle, mais aussi à tant d’autres aspects
bien plus noirs, parmi lesquels les guerres modernes, la pollution, l’aggravation
des inégalités et la remise en cause des avantages acquis. |
A limiter l’image de la science à ses fonctions auxiliaires,
on risque d’en faire ce qu’elle est aujourd’hui, c'est-à-dire
une variable d’ajustement aux conséquences budgétaires
des décisions politiques. En effet, on peut se passer momentanément
d’un auxiliaire, attendre des temps meilleurs pour y avoir recours
à nouveau. En 2003 par exemple, nous avons bien noté que,
dans un premier temps au moins, la recherche a été l’un
des secteurs les plus lourdement touchés par les gels budgétaires
décidés en cours d’exercice. La science variable
d’ajustement aux hésitations politiques, c’est là
une vision peu acceptable de sa contribution à l’édification
d’une société. |
Bien sûr, l’organisation optimale de la recherche au sein de l’enseignement supérieur doit être librement discutée. A ce stade, toute proposition mérite d’être considérée (….). J’aimerais cependant faire la chasse à quelques idées reçues et avancer certaines observations. Pour commencer, Mesdames et Messieurs, vous qui avez des responsabilités, si vous voulez éviter que dans l’avenir nous en arrivions à une crise de confiance comme celle que vit la recherche et l’enseignement supérieur, s’il vous plaît, n’ayez pas un discours en décalage total avec la réalité telle qu’elle est vécue dans les laboratoires et les universités ! On ne peut pas pendant des mois, pendant des années, entendre nos responsables, nous déclarer combien la recherche est une priorité nationale, combien d’ailleurs cela se manifeste par telle ou telle décision, et vivre dans la réalité quotidienne, mois après mois, année après année, une contrainte croissante des conditions dans lesquelles nous avons à réaliser notre travail. A accepter un tel décalage, on s’expose à ce que le milieu le ressente comme une forme de mépris et, bien entendu, le manifeste le moment venu. |