Nanterre 2011 Contribution individuelle de Bernard Roux sur Vie Syndicale
Des-organisations des luttes ?
Bernard Roux
Mars 2011
Une catastrophe peut se définir comme l'irruption dans une trajectoire continue d'une discontinuité, d'un soudain passage sur un autre plan. Comme un piéton qui marche puis chute, le sol se dérobant sous ses pas.
Cette image fait sens au moment où nous ressentons tous, plus ou moins, cette impression que notre monde universitaire bascule dans un autre univers.
Car c'est bien de cela qu'il s'agit.
La gestion locale de la masse salariale a pour immédiat corrollaire un statut de salarié d'établissement.
Nos nouveaux modes de gouvernance entérinent la dégradation du statut d'universitaire, membre pensant d'une communauté, en subordonné d'un pouvoir économique ou local. "Nos" PRES sont déjà le lieu d'une "hybridation" public-privé, d'un peu ragoutant mélange des genres. Et que préfigurent les IDEX sinon une restructuration et un plan social sans précédent dans la recherche, voire dans l'enseignement ?
Face à cela, notre discours souvent clair reste pourtant dans la continuité. Quand les réformes font rupture, nos anciens schémas sont à la peine.
Pouvons-nous poser encore les questions public/privé ou universités/écoles en termes de frontières quand le ver est dans le fruit ? De même, le contraste entre certaines revendications et les réalités nouvelles que nous devons affronter devient néfaste à la crédibilité de notre action. Mais surtout, les réformes portent volonté de reconstruire une autre culture universitaire. Là est le principal danger, déjà perceptible, d'un débordement de l'action, voire de la réflexion syndicale. Le discours des entreprises dans les fondations change, passant d'une logique de prestations a une volonté d'orientation. Nulle voix des collectivités locales, quelle que soit leur couleur, ne manque dans ma région lorsque l'on vote le soutien aux IDEX ou la fusion d'établissements.
Quelles analyses avons-nous de cela ?
Nous restons encore plus dans la continuité de notre organisation. La liste forum-supérieur, les CA sontelles les lieux d'une résistance active ou d'échanges assez convenus et bien éloignés du terrain ? Sommes-nous de si convaincants défenseurs de la démocratie universitaire avec notre fonctionnement en tendances assez opaques et verrouillées ? Pensons-nous pouvoir tenir longtemps avec la montée conjointe du sur-travail et de la conflictualité dans notre vie professionnelle ? Notre syndicalisme qui se dit de luttes n'est-il pas en panne pour structurer et articuler un combat syndical dont la dimension locale n'ira que croissant ?
Ces questions se posent à nous dans l'urgence. Elles sont pourtant anciennes, et interrogent bien plus notre culture commune, notre volonté de se doter d'un outil syndical à la hauteur des enjeux que la politique d'une direction nationale. La constance de nos directions et de nos schémas ne les ont rendues que plus prégnantes.
Le site de ma section locale proclame "Pour une autre Université". Cette rupture à laquelle nous aspirons, nous devons la provoquer, la faire vivre et en premier dans d'autres pratiques syndicales. Sinon, faute d'un syndicat efficace et attentif à leurs attentes, nos collègues-citoyens utiliseront même vis-à-vis de nous leur dernière arme : l'abstention.