Motion CNU 4 Evaluation individuelle 2012

Publié le : 12/03/2012

Dans le cadre des réformes engagées par la loi LRU et ses décrets d’application (notamment le décret du 23 avril 2009[1]), les missions du CNU évoluent. Outre les traditionnelles missions d’évaluation scientifique pour la qualification aux fonctions de maîtres de conférences et pour l’avancement des carrières des enseignants-chercheurs qui souhaitent une promotion, le CNU doit désormais remplir une mission d’évaluation quadriennale des enseignants chercheurs.

Dans le prolongement de la motion adoptée par notre section le 4 novembre 2008 et du communiqué du 2 avril 2009 rédigé par la CP-CNU et le C3N (qui réunit trois composantes du Comité national de la recherche scientifiques), la section 04 du CNU souhaite faire connaître son point de vue sur la mise en place de l’évaluation quadriennale des enseignants-chercheurs à partir de 2012 :

– La section rappelle que la mission d’évaluation des enseignants-chercheurs est assurée par le CNU depuis fort longtemps. Elle procède à une évaluation approfondie à l’entrée dans la carrière (lors de la procédure de qualification aux fonctions de maître de conférences et de professeur d’université), puis à chaque demande d’avancement de grade.

– La section, comme le monde scientifique en général, a toujours été attachée au principe de l’évaluation par les pairs. Le milieu professionnel est soumis depuis fort longtemps à de multiples procédures d’évaluation, lors de la qualification par le CNU, lors du recrutement comme maître de conférences, lors du concours d’agrégation du supérieur, lors de l’intégration à un laboratoire, lors d’une demande de mutation professionnelle, lors d’une demande d’avancement de grade, lors de la soumission des articles aux revues, lors de la soumission d’un projet scientifique au CNRS, à l’ANR ou à tout autre agence de moyens et, plus récemment, lors de l’évaluation des formations par l’AERES, lors de l’évaluation des équipes de recherche par la même agence, lors des procédures d’évaluation mises en place par les universités elles-mêmes… la liste est loin d’être exhaustive.

– La section estime que la pratique de l'évaluation quadriennale prévue par la loi LRU reflète une conception néomanagériale visant à introduire les instruments de gestion issus du secteur privé dans les organismes publics, dans un double objectif : susciter la compétition entre les agents et entre les structures de recherche et d'individualiser les carrières, notamment par la modulation des services, en fonction des "mérites" supposés de chaque enseignant-chercheur. La section s’inquiète des usages purement administratifs de l’évaluation scientifique, notamment au niveau des établissements. L’évaluation peut ainsi devenir un simple instrument de gestion des ressources humaines. Loin des objectifs affichés d’améliorer la qualité de la recherche scientifique, elle risque d’être mise au service de la gestion de la contrainte budgétaire.

– La section rappelle qu’aucune étude scientifique n’a démontré, à ce jour, la corrélation entre des évaluations individuelles intensives des chercheurs/enseignants-chercheurs et l’amélioration de la qualité de la recherche. Elle souhaite mentionner que des méthodes mal maîtrisées d’évaluation peuvent nuire à la qualité de la recherche. Une évaluation qui reposerait principalement sur un décompte des publications dans des revues (la « bibliométrie »), par exemple, peut avoir pour effet d’ignorer le contenu qualitatif des travaux ; de pousser à privilégier des recherches de court terme ; d’inciter à délaisser des domaines qui sont minoritaires et donc faiblement indexés. Ses faiblesses ont été rappelées par de très nombreuses études.

– L’évaluation peut être susceptible d’introduire des « effets pervers » qui peuvent nuire à la qualité de la recherche scientifique, à l’inverse de l’effet recherché, comme le note le Rapport mondial de l’UNESCO sur les sciences sociales de 2010.

  • Développement de stratégies individualistes et d’un esprit de compétition contraire à la logique de production scientifique nécessitant des efforts collectifs
  • Développement de stratégies de publication à court terme et sur des problématiques à forte visibilité, en privilégiant la recherche de « gains » individuels immédiats et contribuant à délaisser les terrains moins visibles nécessitant un investissement de recherche plus long.

La section 04 refuse le principe d’une évaluation individuelle, périodique et systématique des enseignants-chercheurs. Textes adopté en séance plénière le 13 février 2012

[1] Art 2 : « [Le CNU] procède à l’évaluation de l’ensemble des activités et de leur évolution éventuelle des enseignants-­chercheurs régis par le décret du 6 juin 1984 susvisé. Cette évaluation est prise en compte pour les mesures relatives à la carrière des professeurs des universités et maîtres de conférences et à l’attribution de certaines primes et indemnités. Pour chaque section, les critères, les modalités d’appréciation des candidatures et d’évaluation des enseignants-­chercheurs sont rendus publics. Il en va de même des conditions dans lesquelles les sections formulent leurs avis. Un rapport publié annuellement rend compte de l’activité de chacune des sections. »