Licence entraînement sportif : professionnelle ou généraliste ?

Publié le : 15/05/2012


STAPS
Licence entraînement sportif : professionnelle ou généraliste ?

Le MESR propose de multiplier les licences professionnelles au détriment des généralistes. Cette nouvelle organisation menace la recherche en STAPS.

par Anne Roger, MCF STAPS, université de Lyon 1, élue au CNESER

Lors de la vague B d'habilitation des formations de chaque université, la DGESIP a recalé de nombreuses licences « entraînement sportif » qui existaient
pourtant jusqu'alors. Cette réalité a fait apparaître en filigrane la nouvelle politique du MESR concernant les licences. En STAPS, c'est la licence «entraînement sportif » qui en fait les frais...

RAPPEL DU CONTEXTE : LA LOI SUR LE SPORT ET L'ARRÊTÉ LICENCE D'AOÛT 2011

La loi sur le sport stipule que pour enseigner, animer, perfectionner, entraîner des pratiquants sportifs valides ou handicapés, contre rémunération, il faut posséder une carte professionnelle. Dans le domaine sportif, seul le MJS est habilité à délivrer ces cartes professionnelles. Concernant le secteur de l'entraînementsportif, cette carte professionnelle doit préciser le sport (activité physique et sportive) dans lequel l'étudiant est entraîneur. Seul le niveau
licence autorise le titre d'entraîneur. Pour prétendre à être reconnu comme entraîneur dans une APS, il faut avoir fait au moins, dans le cadre des études (sur la licence entière), 200 heures de pratique et théorie.
D'autre part, le nouvel arrêté licence appelle à ce que les licences permettent une meilleure professionnalisation des étudiants. A partir de ces deux éléments de contexte le MESR (DGESIP) souhaitent que les étudiants obtenant une LES fassent état d'une spécialité dans une APS (jusqu'alors c'est le brevet d'Etat qui permettait la délivrance de la carte professionnelle. Dès lors se crée une concurrence d'Etat entre MJS et MESR-STAPS).

LES EXIGENCES DU MESR CONCERNANT L'ATTRIBUTION DE LA LICENCE « ENTRAÎNEMENT SPORTIF »

Le MESR exige un certain nombre de normes pour pouvoir attribuer cette licence « entraînement sportif » avec une mention dans une APS.
1. Les UFR STAPS souhaitant délivrer cette licence doivent pouvoir attester de compétences à l'interne pour enseigner l'APS choisie comme spécialité par l'étudiant.
2. Un bassin d'emploi régional doit être identifié.

3. Une intervention de professionnels dans la licence dot être effective
4. Les employeurs et les employés (branches professionnelles) doivent prendre part à l'élaboration des cursus de formation.
5. Organisation régionale voire nationale des différents sports (cartographie) : chaque UFR devant cumuler toutes ces conditions ne peut pas proposer une
LES dans 25 APS mais seulement dans quelques APS.

SURF DU MESR SUR LA VAGUE B POUR TAILLER DANS LE VIF

 À partir de ces exigences non explicitées clairement mais reconstruites sur la base des avis remontés aux établissements, la DGESIP profitant des habilitations de la vague B a mis en oeuvre une évaluation des diplômes proposés et a recalé les L3ES qui ne regroupaient pas l'ensemble de ces critères en proposant parfois des habilitations pour un an pour envisager la mise en place de L3 professionnelles.
Le schéma général proposé par le MESR est ainsi le suivant : expérimentation de la licence généraliste (optimisation de la performance sportive) sur quelques « gros » centres avec l'idée que là les étudiants pourront continuer en master, mise en place de « licences pro » ailleurs sur la base d'une cartographie définie par des spécialités sportives. Cette proposition d'une multiplication de L3 pro aux dépens de L3 généraliste se comprend aisément dans la mesure où les L3 pro permettent une maîtrise plus fine de l'habilitation par la DGESIP et surtout une validation annuelle. Rappelons que les prérogatives de la DGESIP ne peuvent pas aller plus loin que les mentions si la licence est généraliste. La licence professionnelle apparaît dès lors comme
un moyen de mieux contrôler cette dimension de professionnalisation.
Dans ce cadre, quelle stabilité proposet- on aux collègues et aux étudiants ? De plus, se pose à nouveau la question : la licence doit-elle forcément professionnaliser ?
Au-delà de cette question brûlante, un autre aspect relatif cette fois à la recherche mérite d'être pointé du doigt et dénoncé.Cette nouvelle organisation risque en effet d'assécher les masters entraînement (optimisation de la performance, préparation mentale, réathlétisation) dans tous les centres non concernés par la L3 généraliste, puisque les étudiants ne pourront poursuivre leur cursus après la licence professionnelle et que la question de la place de la recherche dans une L3 pro n'est pas placée de la même manière que dans une L3 généraliste. A terme, c'est ainsi tout un pan de la recherche en STAPS qui semble menacée.
Face à cette offensive du ministère, la conférence des directeurs de STAPS (C3D) propose une alternative : proposer des L3 généralistes ayant une visée professionnelle dans le cadre de réseaux régionaux. Cette proposition a le mérite de laisser la possibilité aux étudiants de poursuivre en master mais elle nécessite une concertation efficace entre les centres de formation. Les petits centres dans ce schéma ne peuvent en effet envisager de couvrir plus qu'une spécialité et un échange d'étudiants est ainsi à envisager à moyen terme.