Lettre ouverte au Ministre de l'Education Nationale

Publié le 13 août 2014

Monsieur le Ministre de l'Education Nationale
De l'Enseignement Supérieur et de la Recherche
110 rue de Grenelle
75007 PARIS

 

 


Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche,

Paroles non tenues,
Exploitation des enseignants débutants comme de simples « moyens » de fonctionnement,
Formation piétinée...
Nous ne pouvons l'accepter !

« Des dizaines de milliers d'étudiants ont fait un acte de confiance fondamental dans l'avenir de notre pays, dans une éducation nationale au service des élèves, ciment des valeurs universelles et vecteur majeur de la lutte contre les inégalités » affirmiez-vous dans votre communiqué de presse du 15 juillet. Que faites-vous de cette confiance quand votre ministère affecte de nombreux lauréats des concours en dehors de leur académie d'études pour y effectuer leur stage en responsabilité contrairement à la note de service n° 2014-050 du 10 avril 2014 qui prévoit le maintien des lauréats de la session rénovée détenteurs d'un M1 et en cours de cursus master dans l'académie d'inscription universitaire ?

Vous avez, par vos services, confirmé l'existence de « ce bug » et vous avez de plus affirmé que toutes les situations seraient revues dans l'intérêt des étudiants... C'est ce qui a été redit lors du CNESER du 22 juillet. Vous avez, par le biais de vos collaborateurs, incité les jeunes collègues concernés à se faire connaître, vous avez mis à disposition des coordonnées mails... et les derniers jours de juillet, des courriers datés du 10 juillet étaient adressés aux lauréats confirmant purement et simplement l'affectation initiale. Vous avez affirmé dans votre note aux Recteurs « avoir accepté tous les documents jusqu'au début du mois de juillet » et être disposé « à revoir les situations individuelles difficiles (rapprochement de conjoints, handicap,...) ».

Monsieur le Ministre, comment se fait-il que des lauréats continuent d'alerter jour après jour, avec une inquiétude grandissante, leurs enseignants en ESPÉ de leur situation restée inchangée ? Tel étudiant est affecté à Bordeaux mais inscrit en master 2 à Nantes, pourtant il est marié et père d'un enfant ? Va t-il devoir vivre séparé de sa famille, et financer un second logement pour seulement une année, avant son affectation définitive ? Son salaire de débutant, ramené depuis peu à l'échelon 1, lui permettra t-il de financer ses trajets pour garder des liens réguliers avec sa femme et son enfant ? Il entre pourtant dans vos critères de priorité pour une ré-affectation dans son académie d'inscription. Tel autre, lauréat du CAPLP Economie - Gestion, est affecté dans une académie dont l'ESPE n'assure pas la formation en Economie - Gestion ! Devra t-il faire une sixième année de formation après son année de professeur stagiaire pour obtenir son Master complet et être (enfin) titularisé ? Doit-il renoncer au concours pour terminer son master 2 ? Allez-vous demander aux ESPE de « bricoler » des masters ad hoc, sans formation disciplinaire, pour résoudre le problème ? Des lauréats d'autres disciplines sont dans la même situation insupportable !

Sans doute, pris dans une année d'une exceptionnelle lourdeur liée à la préparation du concours, la formation du master, les stages en établissement, certains d'entre eux, entre résultats d'admissibilité, déplacements pour les épreuves orales, examens universitaires..., n'ont-ils pas rempli exactement comme il l'aurait fallu les formulaires en ligne ou transmis jute à temps certains justificatifs..., mais tous, à la lecture de leur affectation loin de leur ESPÉ d'inscription, ont immédiatement réagi.
Comment ces jeunes collègues, dont vous saluez l'engagement, peuvent-ils comprendre qu'ils seront privés de leur formation de master 2, qu'ils doivent délaisser le travail de recherche entamé avec un directeur de mémoire, qu'ils devront, au mieux, intégrer une formation autre, conçue inévitablement avec une logique propre, ailleurs, avec d'autres encadrants... ? Que cet effort doit être fourni au moment même où ils s'engagent en pleine responsabilité dans un établissement sans les repères construits pour leur accompagnement dans leur ESPE d'origine ? Est-ce cela l'alternance ?

Vous affirmez : « Une forte augmentation du nombre de candidats. Ce regain d'intérêt pour la fonction enseignante s'explique par la priorité du gouvernement en faveur de l'éducation, et notamment par la remise en place d'une véritable formation initiale en alternance dans les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE). »

Monsieur le ministre, nous ne donnons sans doute pas le même sens au mot alternance !

Si votre site ministériel rassure les différents lecteurs en précisant que les masters MEEF Métiers de l'Enseignement, de l'Education et de la Formation sont bien des masters universitaires, vos décisions semblent témoigner du contraire !

Une formation universitaire de master est pensée par une équipe enseignante sur une cohérence des deux années. La maquette proposée est validée par les instances universitaires. Les choix, au-delà d'un cahier des charges national, sont différents dans leurs organisation, progressivité, priorités... La cohérence n'existe que dans la continuité des deux années pour l'étudiant en cours de cursus.

Votre choix, initié cette année, de contraindre des étudiants de master à changer d'ESPE en cours de formation méconnaît ou néglige cette cohérence, nie le travail commencé en didactique, pédagogie, recherche ou formation aux contextes d'exercice, tant pour les étudiants que pour leurs enseignants.

Finalement c'est le sens même de la formation des enseignants qui est mis à mal.

Nous voulons encore croire en votre volonté d'offrir à tous les jeunes se destinant aux métiers de l'enseignement, une formation de qualité, universitaire et professionnelle, construite de manière cohérente et reposante sur une alternance intégrée !

Si c'est le cas, Monsieur le Ministre, tenez vos promesses en permettant à tous les lauréats, qui ont sollicité auprès de vos services le maintien dans leur académie d'études, d'y faire leur stage en responsabilité de professeur stagiaire.

Si c'est le cas, Monsieur le Ministre, tenez vos promesses, en rassurant les équipes enseignantes des ESPE de l'intérêt de leur mission en respectant leur travail.


Collectif d'enseignants chercheurs et enseignants en ESPE SNESUP

Geneviève ALLAIN, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ PARIS-EST-CRÉTEIL
Michèle ARTAUD, ÉSPÉ, Aix-Marseille UNIVERSITÉ
Thierry ASTRUC, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ Nice-SOFIA-ANTIPOLIS
Marie-France CARNUS, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ DE Toulouse
Vincent CHARBONNIER, UNIVERSITÉ LUMIÈRE-LYON 2
Muriel CORET, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ DE Poitiers
Mary DAVID, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ DE Nantes
Sabine EVRARD, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ DE PICARDIE-JULES-VERNE
Nathalie LEBRUN, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ DE LILLE-NORD DE FRANCE
Marie-France LE MAREC, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ DE Nantes
René LOZI, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ DE Nice-SOFIA-ANTIPOLIS
Luc MAISONNEUVE, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ européenne DE BRETAGNE
Laurence MAUREL, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ DE BOURGOGNE
Isabelle de MECQUENEM, ÉSPÉ, université de Reims-Champagne-Ardennes
Claire Mieusset, ÉSPÉ, université de Reims-Champagne-Ardennes
Valérie Nouviale, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ DE Poitiers
Valéria Pagani, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ CLAUDE-BERNARD Lyon-1
Fanny RENARD, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ DE Poitiers
Anne ROGER, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ CLAUDE-BERNARD Lyon-1
Pierre SÉMIDOR, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ DE BORDEAUX
Marie-Albane de SUREMAIN, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ PARIS-EST-Créteil
Nicole TUTIAUX-GUILLON, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ LILLE-NORD DE FRANCE
Nadine WARGNIER, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ DE BOURGOGNE
Marie-Paule POGGI, ÉSPÉ, UNIVERSITÉ DES ANTILLES

Claudine KAHANE et Marc NEVEU, Co-Secrétaires généraux du SNESUP-FSU