Lettre Flash n°28 : Un pas en avant, un pas en arrière

Publié le : 31/05/2013

  

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Un pas en avant, un pas en arrière

Le débat parlementaire, qui vient de se terminer à l'Assemblée Nationale, a permis de constater des désaccords au sein de la majorité gouvernementale sur les questions de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR). Ainsi au fil des débats ont été inscrites de louables déclarations d'intention, aussitôt neutralisées par l'absence d'engagement budgétaire gouvernemental, a-t-on vu quelques évolutions du texte, apparemment favorables, mais immédiatement empêchées par d'autres articles du projet ou des amendements contradictoires. Cependant le texte actuel ne remet pas en cause la poursuite, voire dans certains cas l'aggravation, des principes de la loi LRU, ce que nous avons souligné à de nombreuses reprises1.

L'introduction dans la loi de la nécessité d'une programmation pluriannuelle des moyens, contre l'avis du gouvernement, est certes un progrès. Mais où est la garantie d'une répartition de moyens à la hauteur des missions confiées aux établissements ? Depuis 2007, les RCE permettent de puiser dans la masse salariale pour compenser les baisses de crédits de fonctionnement. En cette période d'austérité et de récession, cette « liberté » a engendré l'absence de recrutements décidée par les établissements « eux-mêmes », sur près de 2000 postes. Les RCE sont toujours inscrites dans le projet de loi ; elles deviennent même automatiquement transmissibles par fusion d'établissements ; leur abrogation est, plus que jamais, une revendication prioritaire.

Le discours sur l'attractivité des premiers cycles universitaires est immédiatement contredit par un renforcement scandaleux de l'incitation à les contourner, grâce à un accès réservé aux CPGE pour les « bons » bacheliers, qui sont pourtant les mieux armés pour des études à l'Université.

Quant à l'affichage d'une préoccupation de la réussite en licence (d'ailleurs beaucoup moins problématique qu'annoncé2), quel crédit lui accorder quand certaines filières sont particulièrement mieux dotées (environ 15 000 € par élève en CPGE, soit près du double des moyens par étudiant accordés à l'université) ?

Le souci de « maintenir une recherche fondamentale de haut niveau » et de « développer les sciences humaines et sociales », a été ajouté dans le texte : cela suppose de réduire urgemment et de façon conséquente les financements sur projets au profit de financements récurrents ; cela nécessite la création de postes de titulaires pour mener des travaux sur le long terme et résorber la précarité fortement amplifiée par les financements sur projets à court terme. Pourtant, l'ANR est confortée dans la loi.

Si la réécriture de l'article, introduit en commission, sur la mobilité des personnels, éloigne les menaces de confusion des statuts et de mobilité forcée que contenait la version antérieure, en revanche aucune disposition ne permet de rendre réel le droit à la mutation des personnels de l'ESR, ni de faciliter la mobilité choisie entre les universités et les organismes, tout en garantissant les droits des personnels contre des mobilités contraintes, au gré des restructurations d'établissements notamment.

La nécessité d'évaluer les programmes d'investissement et les structures privées recevant des fonds publics destinés à la recherche et à l'enseignement supérieur est désormais inscrite dans le projet de loi ; mais où est le renoncement au Crédit Impôt Recherche attribué sans contrôle, où est la garantie que les établissements privés, membres des communautés d'universités et d'établissements (CUE), ne recevront pas une part des postes et des moyens publics inscrits dans le contrat de la CUE.

Si plusieurs amendements tendent à redonner un contenu pédagogique obligatoire aux stages et à limiter leur dramatique essor comme source de main d'œuvre bon marché pour les entreprises, dans le même temps, la formation à l'entrepreneuriat est introduite comme une obligation dans tous les cycles universitaires, au mépris de la liberté académique et dans une vision néolibérale, étriquée, du rôle de la formation universitaire.

Le SNESUP a défendu ses propositions et ses amendements auprès des parlementaires, pour faire connaître la réalité du projet de loi et de nos propositions et revendications. Il a ainsi contribué à ce que la loi ne puisse pas être votée en catimini, à ce que des éléments particulièrement nocifs puissent être évités, mais sans illusion sur une évolution vers un projet radicalement différent.

Au-delà du vote à l'Assemblée Nationale (le projet de loi ESR a été adopté par 289 pour et 248 contre),
le Sénat va débattre du projet à partir du 18 juin, et son vote doit être différent.
Il est donc indispensable, d'ici là, d'intensifier nos actions d'interpellation des sénateurs,
et de faire du 18 juin un nouveau temps fort de mobilisation.

1 Voir lettres Flash n°23, 24, 25, 26
http://www.assises-esr.fr/var/assises/storage/fckeditor/File/contributions/contribution_DGESIP.pdf