Lettre de la Formation Des Enseignants, septembre 2012

Publié le : 27/09/2012

septembre 2012

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Refonder l'école. Peser sur les décisions.

Concertation : La dernière ligne droite

Depuis juillet est organisée au ministère de l'éducation nationale une concertation préparant la future loi sur la « refondation de l'École » (1). Il a été organisé 4 tables rondes : la réussite scolaire pour tous, les élèves au cœur de la refondation, un système efficace et juste et des personnels reconnus et formés, après le lancement le 5 juillet dernier par V. Peillon.
Le comité de pilotage de cette concertation est composé de Marie-Françoise Colombani (journaliste), Christian Forestier (IG), Nathalie Mons (sociologue) et François Bonneau (président PS de la région centre).
En parallèle, une concertation était organisée au niveau régional, mais les retours du terrain montrent que l'organisation en a été confidentielle.
Samedi 29 mars, le comité de pilotage et les présidents de chacune des tables rondes se réuniront pour établir le rapport final. Il sera transmis au ministre dans la première quinzaine d'octobre. Ses services entameront le processus d'écriture de la loi, en commençant en parallèle une série de consultations. Le texte du projet de loi passera en conseil des ministres début décembre et sera inscrit au programme de l'assemblée pour début janvier.
Une des difficultés de ce type de loi est que les parties législatives et réglementaires sont étroitement imbriquées, mais que seule la partie législative sera adoptée par les deux Chambres.

Des personnels reconnus et formés

Le SNESUP était invité es qualité à cette table ronde n°4, présidée par Y Durand, député PS, et animée par un groupe qui comprenait le recteur Boissinot.
3 thèmes de discussion ont été retenus : missions, évaluations et formation. Le principe a été « une discussion sans tabou ».
Cette table ronde a compris jusqu'à 80 personnes : des organisations syndicales aux associations proches de l'EN, des parents d'élèves à la CDIUFM ou encore des personnalités (des inspecteurs, Nathalie Bulle (HCE et EN) ou encore Jean-Louis Auduc).
Une évidence est rapidement apparue : la modification des missions débouchera sur une ré-écriture des décrets statutaires de 1950 (partie réglementaire, donc dans une deuxième étape). L'adoption de la Loi ne sera qu'une première étape de la refondation.
Une semi-surprise a été l'absence de remise en cause de la colonne vertébrale hiérarchique, ou de la place des inspecteurs. De même, le processus actuel de regroupement des établissements (EPLE ou autre) déjà enclenché n'est pas non plus critiqué, alors même qu'il devrait déboucher sur une forme d'autonomie. Enfin, mais il ne s'agit pas d'une surprise, il a été presque exclusivement question des enseignants et peu des autres personnels.
Certaines notions ont été abordées dans les trois thèmes de la table ronde :
La notion de redonner de la confiance aux personnels est revenue fortement, en changeant les façons de faire.
La notion de travail en équipe a été une des préoccupations communes. Pour certains, il doit être imposé, et il ne doit être normé pour personne. Il s'agit ici de toutes les formes de travail en équipe : disciplinaire ou transversal, mais aussi avec les collectivités locales ou les associations partenaires de l'école. Mais ici tout est à faire : de la formation à l'évaluation.
Il y a aussi beaucoup d'interventions sur la notion de liberté pédagogique, la majeure partie pour essayer d'en définir le périmètre. Le terrain est ici très glissant.
La notion de reconnaissance était au centre des débats : reconnaissance sociale, reconnaissance de l'implication personnelle, reconnaissance de l'innovation...
Cette soif de reconnaissance est pour certains un moyen de lutter contre la « montée de la violence à l'école ».
Enfin il a beaucoup été question d'innovation, ce qui a permis de débattre sur la recherche-développement et la recherche, sur les établissements innovants. La figue du chercheur dans sa tour d'ivoire est malheureusement excessivement présente pour nos collègues de l'EN.
L'enseignant est un concepteur qui a besoin d'une formation continue pour s'approprier la recherche en éducation.

Missions, évaluations

Pour la partie missions, il y a eu peu de consensus. Les notions de périmètre sont encore à définir et le débat éducation-instruction était toujours présent en filigrane. Les définitions d'obligations de service ou temps de présence dans l'établissement laissent augurer de joyeux débats quand on atteindra la partie réglementaire.
Pour la partie évaluation, si la double notation avec regard croisé est peu remise en cause, la déconnexion entre notation et progression de carrière fait la quasi-unanimité. Dès lors, l'évaluation devient formative... le parallèle avec notre débat interne lors des dernières élections CNU est loin d'être déplacé. Les pistes évoquées ont été nombreuses : rendez-vous de carrière, port-folio, bilan de compétences, etc.
Les cinq questions posées sur l'évaluation restent à l'ordre du jour : Pourquoi ? Quoi ? Quand ? Qui ? Comment ?

Formations

Pour la place du concours, un consensus n'a pu être obtenu. Une majorité s'est dégagée pour un concours en fin de M2 en une session, même si ce n'est pas la piste favorisée par le MEN.
Un certain nombre d'idées fortes se sont dégagées :
La politique de recrutement vise à assurer la diversité sociale, en lien avec la nécessaire démocratisation de l'accès aux études. S'il n'existe pas de schéma unique, les pistes évoquées ont été nombreuses : aides sociales, rémunération des stagiaires, prise en compte des différents parcours possibles. Les pré-recrutements, pourtant présents dans le programme du candidat Hollande, et cités par de nombreux intervenants ont été plus ou moins écartés par l'organisation.
Les parcours ne doivent pas être tubulaires, et les vocations tardives ne doivent pas être découragées.
En ce qui concerne les logiques de formation, le modèle successif devrait être remplacé par un modèle intégré. La professionnalisation des enseignants doit se faire sans opposer savoirs théoriques et pratiques professionnelles. Il faut dégager un équilibre entre les parties de formation commune et les spécificités des fonctions à assurer. Enfin, l'alternance ne doit pas être une juxtaposition.
Les ESPé devront se trouver au sein de l'université, mais de manière non diluée, et avec des garanties budgétaires. Il ne doit pas s'agir d'une enclave, mais les échanges avec le reste de l'université, et notamment les UFR, et avec les partenaires doivent être nombreux.
Leur champ d'intervention est large : FI, FC, enseignants et professionnels de l'éducation (non limité à l'EN), formation de formateurs, etc.
Il est souhaité une ESPé par académie, mais certains demandent une adaptation possible suivant la taille des académies. Les autres universités doivent y jouer un rôle. Les équipes seront pluri-catégorielles, et il ne faut pas oublier que les EC sont aussi des praticiens. La recherche devrait y avoir une place importante, avec des structures pérennes.
Les parcours de formation doivent s'articuler autour de 4 périodes : pré-professionnalisation, master et préparation aux concours, entrée dans le métier (jusqu'à T4 pour certains) puis formation continue. Il a beaucoup été insisté sur cette dernière et ses modalités. Pour tous désormais, l'approche en est globale.
Le pilotage de la FDE doit être national, clair et ferme, associant a minima les deux ministères. La mise en place d'un comité de suivi, disposant de moyens et d'un secrétariat, émanation du CNESER et du CSE ne semble pas rencontrer d'opposition. Un cahier des charges de la formation, prenant la place de celui de 2006 devrait être adopté début novembre, et les premières consultations (CDIUFM, CPU, etc.) ont déjà commencé. Refonte des masters, adaptation des licences et mise en place des concours devraient bénéficier d'un accompagnement.
C'est sur ce point qu'il y a le travail le plus urgent à définir : calendrier de la réforme, phasage des opérations...
Il a été demandé du temps pour celles-ci et des mesures d'urgence pour la période transitoire qui a déjà commencé.
En ce qui concerne les concours et leurs articulations avec les master, une position consensuelle s'est dégagée. Le master valide les compétences visées et le concours représente un outil de recrutement. L'idée que l'accès à un concours sera conditionné à la validation de parcours particuliers a fait beaucoup de chemin. Ainsi, la règle actuelle « N'importe quel master permet de passer n'importe quel CAPES » ne semble plus immuable. Les masters seraient alors habilités en référence à des fonctions précises, avec des aménagements de passerelles.
Le concours ne doit doublonner le master, et doit avoir une dimension beaucoup plus professionnalisante. Il devra être redéfini et allégé.

Le SNESUP a beaucoup insisté sur la nécessaire coopération étroite entre les différents ministères afin de ne pas répéter les conflits qui ont pu exister avec la mise en place de la « mastérisation » de 2009. Nous avons pu constater que beaucoup des intervenants non en lien avec l'ESR ignore ce que sont réellement les masters. La séparation un temps envisagée (le MEN s'occupe des concours et le MESR des masters) ne devrait pas avoir lieu. Mais les arbitrages entre les ministères ne seront pas faciles.
Enfin, lors de la séance du 24 septembre, un consensus s'est fait dans la salle, suite à l'annonce de la création des 40 000 postes pour l'an prochain : les solutions d'urgence ne devraient pas obérer l'avenir.
L'enjeu du calendrier est absolument primordial. Nous n'aurons pas la même qualité de réforme suivant que la refondation entre en régime de croisière dès septembre 2013 ou en septembre 2017.

(1) http://www.refondonslecole.gouv.fr/

 

Communiqué intersyndical du 24 septembre 2012

Formation des enseignants et CPE - Recrutement : allons au bout du débat !

Certains échos dans la presse laissent entendre que le Ministère de l'Éducation Nationale se dirigerait vers un concours en fin de M1 au motif que cela « faciliterait l'accès aux métiers enseignants».
Cela pose deux problèmes : le premier est celui d'une consultation tronquée puisqu'il a été affirmé aux participant-es qu'aucune décision n'avait encore été prise. Le deuxième est que ce ne seraient pas des considérations pédagogiques qui piloteraient une telle décision en plaçant toute la formation professionnelle en M2.
Un concours en M1 entretiendrait la coupure entre une formation disciplinaire pour préparer le concours en M1 (concours qui ne peut être très professionnel à cette étape) et une formation professionnelle en M2. Il empêcherait l'existence de vraies formations conduisant au diplôme national de master, garantissant la qualification des lauréats. Le lien de la formation avec la recherche serait de plus en plus ténu, les masters risquant ainsi d'être perçus comme des sous-masters.
Les fonctionnaires stagiaires seraient confrontés à une charge de travail colossale devant assumer de front leur service en responsabilité, leur réussite en M2 et la titularisation. Ce concours en M1 fragiliserait le rôle des Écoles Supérieures du Professorat et de l'Éducation fédérant tous les acteurs de la formation et les degrés d'enseignement, que le ministère a pourtant appelé de ses vœux. Il porte en germe le décrochage entre premier et second degrés.
De plus, les métiers de l'enseignement débordent largement le cadre de l'éducation nationale : enseignement agricole, enseignement supérieur, enseignement privé, enseignement à l'étranger... Placer un concours en M1 transformerait les masters en master « Éducation Nationale », n'ayant pas de valeur à l'étranger.
Cette décision ferait fi du consensus au sein de la concertation sur la nécessité de pré-recrutements dès la licence, apportant le salaire et la sécurisation des parcours nécessaires pour faciliter l'accès aux métiers de l'enseignement et de l'éducation. Elle ne permettrait pas une formation intégrée - pourtant nécessaire -comprenant savoirs académiques et professionnels étroitement liés. Or, une formation de haut niveau, disciplinaire et professionnelle, en lien avec la recherche, nécessite de garder la cohérence de 2 années de master intégrant des stages de pratique accompagnée, en responsabilité progressive.
Si la nécessité de démocratiser et d'élargir les viviers est bien réelle, d'autres solutions existent, proposées depuis longtemps par les syndicats de la FSU. La mise en place d'une allocation d'autonomie permettant aux jeunes d'étudier dans de bonnes conditions en licence et d'y réussir est un premier impératif. Il faut aussi améliorer le cursus licence pour mieux prendre en compte la diversité des publics. Pour l'accès aux concours, les syndicats de la FSU proposent plusieurs possibilités : choix précoce du métier d'enseignant et des pré-recrutements dès L3 et concours en fin de M2 ; choix après l'obtention d'un master « classique » du métier d'enseignant ; personnes en reconversion ou passant les concours internes, pour lesquelles un dispositif VAE/VES et des compléments de formations doivent permettre de passer le concours et de valider un Master à la fin de l'année de stage. Ainsi les concours restent ouverts à tous et le master la référence pour tous.
La situation d'un recrutement d'une ampleur exceptionnelle à la rentrée 2013 impose des mesures transitoires qui ne doivent pas obérer l'avenir, ni opposer les acteurs mais qui devraient permettre d'enclencher le processus de refondation de l'École. Elle nécessite une négociation spécifique.

SNESUP - SNES - SNEP - SNUEP

Vers une convergence des points de vue sur la formation des enseignants ?


À l'occasion de la préparation de la loi sur la « refondation » de l'École, le ministère a mis en place une consultation large depuis juillet (http://www.refondonslecole.gouv.fr/) autour de 4 tables rondes.
La 4ème, présidée par Yves Durand, à laquelle participe le SNESUP, a pour thème la formation des personnels, leurs missions et l'évaluation.
Cependant le président a choisi délibérément de changer le programme des journées, en annulant certaines et ainsi tout débat sur les pré-recrutements ou sur les contenus des masters. Ces deux points doivent être impérativement traités car ils engagent l'idée d'une véritable réforme de la formation, en rupture avec la politique précédente.
Lors des débats sur la place du concours, un consensus a commencé à se dégager sur un concours professionnel en une session en fin de M2. Cette position, que soutient le SNESUP, si elle est liée à un véritable pré recrutement massif, est devenue celle de la majorité des organisations présentes.
Dans l'immédiat, le plus inquiétant reste le silence assourdissant du gouvernement envers la situation des étudiants entrant dans un master préparant au concours. Or, le calendrier et les contenus de celui-ci vont être modifiés. C'est pourquoi, le SNESUP demande que des garanties transitoires soient apportées aux étudiants qui entrent ou se trouvent dans ces cursus, que des mesures d'urgence réclamées depuis longtemps soient prises (abandon du CLES ou de C2i2e, moyens suffisants aux UFR et aux IUFM pour assurer les formations cette année...).
Le SNESUP demande également de prendre le temps d'une réflexion sur les contenus afin que les cursus soient de véritables masters.
Le 12 septembre 2012

Contributions au débat

Place de la recherche dans la FDE

La richesse de la formation universitaire réside, outre la qualité de ses personnels, dans son adossement à la recherche. La recherche doit irriguer toutes les formations et leurs contenus, dans la formation universitaire des enseignants comme dans les autres formations universitaires.
Dans le cadre de la formation des enseignants, les recherches en éducation doivent être en lien avec les exigences d'une pratique professionnelle réflexive et elles doivent enrichir aussi bien les éléments de préprofessionnalisation en licence que l'ensemble de la formation professionnelle : le master, les années d'entrée dans le métier et la formation continue.
Les recherches en éducation constituent un élément fondamental de la formation des enseignants qu'elles doivent permettre de faire évoluer. Les domaines de recherche concernés sont génériques et spécifiques : sciences de l'éducation, histoire des sciences, psychologie, philosophie, sociologie de l'éducation , didactiques disciplinaires, épistémologie, analyse du travail, évaluation, etc. Ces recherches en éducation, initiées par des enseignants-chercheurs rassemblent, autant que possible des équipes pluricatégorielles en lien avec le terrain.
La formation des enseignants est profondément liée à la recherche : elle est adossée à la recherche et elle nourrit les recherches en éducation; elle se développe en s'appuyant sur des résultats de la recherche et par l'écriture de mémoires sur des questions professionnelles : relations dans le système éducatif, connaissances des publics, modes de travail dans la classe, choix des supports en lien avec des contenus disciplinaires, constitution des contenus à enseigner, élaboration de manières d'enseigner un contenu spécifique, analyse de productions d'élèves écrites ou orales, analyse des obstacles et des appuis à l'apprentissage, connaissances du point de vue de l'élève ...
Le SNESUP demande que les recherches en éducation reçoivent les moyens de s'implanter ou de se développer dans les IUFM (ou dans les composantes qui vont leur succéder), en liaison avec les autres composantes des universités.

Travailler aux contenus des masters et des concours : un enjeu essentiel

La reprise de la réforme sur la formation des enseignants, appelée de ses vœux par beaucoup, nécessite de repenser la formation initiale et l'entrée dans le métier, tout comme les épreuves des concours de recrutement. La position adoptée par le SNESUP sur ce point peut se résumer ainsi :

  • Le programme du concours de recrutement découle du programme des masters enseignement, et fait l'objet d'un cadrage national. Il est inclus dans le programme du master ;
  • La nature des épreuves des concours devrait obliger les candidats à avoir suivi une formation professionnelle ;
  • La place du concours est à la fin du M2, en une seule session (écrits-oraux).

Ce sont les concours tels qu'ils pourront être réussis qui piloteront la formation, même si un cadrage national de cette formation est donné : nous connaissons tous les titres et descriptifs qui masquent une réalité tout autre. Les épreuves des concours doivent donc être soigneusement définies, non seulement du point de vue de ce qu'on demande à l'étudiant de faire mais aussi de la manière dont on lui demande de le faire. Ainsi, aujourd'hui, les épreuves orales du concours du CAPES sont-elles centrées autour de la conception et de la réalisation d'un enseignement au secondaire dans la discipline qui devra être enseignée, épreuves professionnalisantes dira-t-on. Mais de fait, en nombres de spécialités, un étudiant pourra passer avec succès ces épreuves en n'ayant qu'une vague connaissance de ce que qui fonde le travail d'un professeur de collège et de lycée, et cela dans la discipline même. Bien entendu, les étudiants sortent d'un master 2 en sachant bien des choses dans la discipline qu'ils ont étudiée mais ils ignorent des pans entiers de l'univers disciplinaire qui doit être enseigné et, surtout, ont pour beaucoup un commerce très externe avec le savoir et un rapport à l'étude inadéquat.
On le voit, un concours « professionnalisant », ce n'est pas un concours qui s'oppose à un concours disciplinaire mais qui demande, à travers des épreuves et une évaluation adaptées, de manipuler le savoir à enseigner d'une manière spécifique à la profession que l'on va exercer, une façon didactique, et d'autres choses encore. Ce sont donc des grandes questions auxquelles un professeur a à répondre dans l'exercice de son métier qu'il faut partir, en demandant des réponses spécifiques, reposant autant que faire se peut sur des savoirs.
Nous prendrons ici comme exemple les mathématiques pour fixer les idées, en laissant au lecteur le soin d'adapter à la discipline de son choix. En dessinant à grands traits, le travail quotidien d'un professeur peut s'analyser comme devant répondre à quelques grandes questions : Comment faire émerger la matière mathématique à enseigner en dirigeant l'étude de problèmes adaptés ? Comment la faire synthétiser ? Comment la faire travailler ? Comment évaluer la maîtrise qu'en ont acquis les élèves ? On pourrait donc penser organiser les épreuves autour de ces quatre questions, en faisant varier le thème mathématique. La première question est encore grossièrement découpée : une fois dégagé le type de problèmes au cœur de l'étude, on a à en diriger l'exploration, à produire une technique pour l'accomplir, à la justifier, ce qui amènera à formuler des propriétés, à examiner leur validité expérimentalement, la possibilité qu'elles soient déduites des théorèmes et axiomes connus - leur démonstration donc. Ce travail didactique comprend un travail mathématique, que d'aucuns considèrent comme négligeable, mais sans lequel on ne forme pas un professeur de mathématiques digne de ce nom. Ainsi, s'agissant de la déduction, le choix de la théorie n'est pas neutre et par exemple la construction formelle des ensembles de nombres, et notamment des rationnels, n'est pas d'un grand secours pour le professeur de collège ayant à enseigner le calcul avec des fractions alors que le point de vue réaliste, partant de la mesure des grandeurs, permet de justifier la construction établie au collège. Le travail à accomplir n'est bien entendu pas en tout intimement lié au savoir à enseigner, même si celui imprime sa marque : s'agissant de la réalisation de la synthèse par exemple, un professeur pourrait être amené à adopter un dispositif en deux temps, une préparation hors classe demandée aux élèves, et une élaboration collective en classe à partir de ces préparations, ce qui supposerait qu'il « collabore avec les parents », notamment pour expliciter le dispositif et ce qui est attendu des élèves ou encore qu'il « gère la classe » pour pouvoir mettre les élèves au travail, organiser le travail collectif, ce qui l'amènera à faire respecter le règlement intérieur de l'établissement, etc.
Beaucoup d'autres questions doivent encore trouver réponse - comment orienter les élèves ? est par exemple une question vive du métier - et l'inventaire de ces questions est essentiel et premier. Il faut examiner, parmi les nombreuses questions pertinentes, celles qui doivent constituer le cœur de la formation initiale - et donc être évaluées par les concours - et celles qui peuvent, ou qui doivent, être laissées pour le début de la carrière. Ce choix de questions va guider le contenu des masters.
Mais les contraintes que feront peser les concours sur les réponses attendues sont essentielles. Le constat fait par le ministère de l'éducation nationale sur le site « Refondons l'école » : « En raison de la réforme de la formation des enseignants de 2009, dite de la « masterisation », qui a notamment supprimé l'année de stage, la grande majorité des nouveaux enseignants se retrouvent en responsabilité devant des élèves sans véritable formation pédagogique et sans avoir jamais eu à gérer une classe » s'explique aussi par des épreuves de concours qui peuvent être réussies sans formation « pédagogique », et qui permettent donc aux contenus de master de ne pas avoir pour objet premier la formation de compétences professionnelles, formation qui a trop peu de légitimité pour s'imposer d'elle-même, sans une institution forte pour la soutenir. Le combat pour des ESPE ayant suffisamment d'indépendance pour mettre en place une telle formation est également un point crucial.

De l'université à l'école

Cela vient d'être réaffirmé par V Peillon, ministre de l'Éducation Nationale, les futurs enseignants seront formés à l'université. Et on peut s'attendre à ce que ce soit l'ensemble des enseignants de la maternelle à l'université qui soient concernés.
L'expérience de 2009 a montré qu'il ne fallait pas opposer le disciplinaire et le professionnel, mais au-delà a fait émerger une question qui peut paraître étonnante au premier abord : « que recouvre le mot discipline ? ».

Disciplines scolaires- disciplines universitaires.
La professionnalisation des futurs enseignants commence avec le master. Dans un schéma général, ils sont détenteurs d'une licence universitaire et veulent s'engager dans un master qui leur permettra de se destiner à la profession d'enseignant.
Pour les futurs enseignants-chercheurs, qui dépendront du MESR, la discipline universitaire qu'ils enseigneront correspond en général à celle qu'ils ont suivie dans leurs études (1).
Pour les autres futurs enseignants (éducation nationale, enseignement agricole, enseignement privé sous contrat), c'est vers une discipline scolaire qu'ils se dirigent.

Première constatation : la discipline scolaire peut ne pas correspondre à une quelconque discipline universitaire. C'est le cas de la majeure partie des PLP monovalents : coiffure, boucherie ou conducteurs routiers. Suivant les cas (2), les plus hauts niveaux d'étude atteints vont du Bac pro à Bac + 2 (BTS ou DUT).
Il convient alors de créer des cursus universitaires afin que les futurs PLP aient la même légitimité universitaire que les autres. Le schéma proposé par le SNESUP est de procéder par validation (VAE, VES) prise en charge par l'Etat pour l'équivalence des deux premières années de licence, et la création de L3 suspendu, permettant l'acquisition de compléments disciplinaires (scolaires !) et de modules de pré-professionnalisation.
L'inconvénient d'un cursus tubulaire ne débouchant que sur un unique métier est contrebalancé par la diminution du nombre d'années d'études (1+2) et les possibilités de pré-recrutement.

La carte de ces formations est nécessairement gérée par l'état, du fait du petit nombre de postes pour ces concours (10 par an pour certains).

Deuxième constatation : il est rare qu'une discipline universitaire corresponde exactement à une discipline scolaire.
Il en est ainsi des concours bivalents. La « discipline scolaire » Physique-Chimie quand les étudiants ont suivi une licence de Physique ou une licence de Chimie. Dans le même cas, on peut citer la histoire-géographie, l'économie-gestion, le PLP Histoire-Lettres, le PLP mathématiques-sciences, le PLP Lettres-Langues.
Dans ces cas de figure, les futurs enseignants doivent pouvoir avoir accès dès la licence et le plus tôt possible à des modules de pré-professionnalisation de compléments de discipline scolaire : des modules de géographie dans la licence d'histoire (3), des modules d'histoire dans celle de lettres, etc.
Même dans le cas où les disciplines scolaires et universitaires portent le même nom, elles peuvent être plus ou moins proches. Un cas très spectaculaire est celui des mathématiques. La géométrie traditionnelle est ainsi le plus souvent absente des cursus universitaires, et certains pans entiers des mathématiques ne sont plus du tout étudiés dans les cursus mathématiques français (citons les coniques pour rester dans la géométrie).
On peut de même remarquer que la grammaire scolaire, qui s'est constituée pour grande part en dehors de l'université, est considérablement éloignée de la linguistique universitaire.
Il faut alors regarder, discipline par discipline la proximité des deux. La philosophie comme discipline du lycée, par exemple, est très proche de la discipline universitaire du fait du niveau à laquelle elle est enseignée.
Enfin, certaines disciplines scolaires ne correspondent à aucun concours de recrutement. C'est au moment de l'élaboration des programmes qu'il peut en être tenu compte:

  • 1. pour les sciences du numériques (terminale S spécialité), le programme a été directement conçu pour les professeurs de Mathématiques et de technologies, qui sont en règle général ceux qui ont en charge les salles d'informatique et pour lesquels des éléments étaient inclus dans les épreuves de leur concours de recrutement,
  • 2. pour le droit (terminale L spécialité), rien n'a été prévu et ce devraient être, outre des contractuels ou des vacataires, des CAPET d'économie-gestion qui s'en chargeront au motif qu'ils ont eu quelques cours de droit !

Il reste à part les disciplines scolaires du premier degré : primaire, maternelle, ASH.
Les étudiants se destinant au professorat des écoles proviennent de nombreuses disciplines universitaires : lettres, mathématiques, biologie, STAPS, sciences de l'éducation, psychologie histoire, sociologie...
Ils vont devoir suivre de nombreux compléments disciplinaires (scolaires) : calcul, orthographe et grammaire pour tous...
Ainsi la grammaire scolaire, qui s'est constituée pour grande part en dehors de l'université, est considérablement éloignée de la linguistique universitaire.
Là encore les modules de pré-professionnalisation de licence sont indispensables. Découvrir de nouveaux objets avec à la fois l'œil de l'étudiant et celui de l'enseignant, pendant le master, est quelque chose d'excessivement compliqué et demande une maturité toute particulière en plus du temps.
Dans tous les cas, le SNESUP a pour mandat de demander que les futurs enseignants puissent acquérir un haut niveau universitaire, un haut niveau professionnel, mais aussi un haut niveau de maîtrise dans leur discipline scolaire.
Il ne s'agit en aucun cas d'opposer disciplinaire et professionnel. Un haut niveau disciplinaire universitaire et scolaire est le meilleur garant d'un haut niveau professionnel. Autrement dit la maîtrise des savoirs à enseigner est un passage obligé à la construction des savoirs pour enseigner.
Pour maîtriser non pas une discipline scolaire mais les programmes scolaires dans une discipline enseignée à l'école, il faut en savoir beaucoup plus (surtout en termes de méthode, de problématisation etc.) que la simple maîtrise d'une discipline.

Reconversions
Cette articulation discipline scolaire-discipline universitaire fonctionne bien pour les parcours linéaires. Il conviendrait alors d'adapter le schéma pour toutes les personnes voulant exercer ce métier, et se trouvant en reconversion.
Il peut s'agir d'une étudiant ayant un master recherche et voulant finalement se reconvertir vers l'enseignement scolaire, ou d'une mère de famille sans diplôme, d'un ingénieur voulant devenir PE ou d'un sportif de haut niveau, etc.
Nécessairement, le traitement ne peut qu'être au cas par cas, tant les différences de niveau universitaires sont énormes. Mais l'expérience des groupes des reconversions et des IUFM devrait faciliter grandement le travail.

 

(1) Le fait de se qualifier dans une autre section CNU que celle de leur cursus universitaire peut influencer leurs futurs enseignements. Ainsi, un détenteur de master en mécanique qualifié en section 26 et recruté pour des raisons de recherche sur un poste 26 devra le plus souvent faire des cours de mathématiques pour enrichir l'adossement à la recherche de ses cours même si son cursus indiquerait une plus grande maîtrise de la mécanique.

(2) Électrotechnique par exemple


(3) Ce qui est assez courant

 

 

Contribution pour les Assises

La formation des enseignants a subi beaucoup de transformations depuis la création des IUFM. La dernière double contre-réforme de 2009 (Formation, recrutement), dénoncées par tous a laissé une situation catastrophique.
Les deux lois sur l'École et sur l'Enseignement Supérieur et la Recherche peuvent permettre, avec beaucoup d'ambitions, de redresser la situation.
Des mesures d'urgence doivent être prises pour les rentrées scolaires 2012 et 2013, afin d'éviter que, en autres, les professeurs stagiaires ne soient placés devant la classe sans une formation suffisante.

Propositions :

Les enseignants du service public soient des fonctionnaires d'État titulaires. À toute place offerte au concours doit correspondre un poste budgétaire.
La gestion des flux doit être anticipée et effective, dans le cadre d'un plan pluriannuel de recrutement sur cinq ans conformément au Code de l'Éducation (Article L911-2).
La FDE nécessite un cadre national précis, législatif et réglementaire, seul à même de garantir une égalité territoriale avec des moyens fléchés (budgets, postes...)
Le cursus de formation des maîtres doit être reconnu par un diplôme national de master (DNM).
Dans ce cadre national, la formation des enseignants (premier et second degré) a besoin d'une structure spécifique qui puisse, à l'échelle académique, travailler avec l'ensemble des universités de son territoire.
En raison de leur compétence territoriale, les futures ESPE doivent avoir un statut qui garantisse leur autonomie scientifique et pédagogique, aussi bien vis-à-vis des rectorats que des universités. Ils doivent pouvoir développer des activités de recherche.
Le rôle irremplaçable des IUFM - et de l'ENFA et d'EDUTER-Dijon (pour l'enseignement agricole) - comme structures dédiées à la formation initiale et continue des enseignants et à la recherche, notamment en éducation. Le périmètre de mission des ESPE doit être élargi à la formation initiale et continue à l'enseignement des enseignants-chercheurs et des enseignants du supérieur.

Continuum

La formation aux métiers d'enseignement doit commencer dès la licence et se prolonger tout au long de la carrière ce qui nécessite une construction progressive de la professionnalisation de l'entrée en licence jusqu'aux premières années de titularisation de fonctionnaires stagiaires (T1-T2).
La FDE doit s'appuyer sur une véritable politique de stage, permettant de développer une posture réflexive mais encore de fournir le temps nécessaire pour étayer et construire cette dernière. Ces stages et leur exploitation font donc partie des enseignements de master et doivent participer à sa validation.
Le SNESUP demande que la FDE soit pensée en intégrant formations disciplinaire et professionnelle qui sont liées intrinsèquement. Elle doit prendre en compte les évolutions scientifiques, nécessaires à l'exercice des métiers, dans toutes leurs dimensions mais être construite à partir des questions professionnelles
Les différents cursus menant aux concours doivent être clairement lisibles dès le baccalauréat pour les étudiants. À chaque étape de ces cursus, les étudiants doivent pouvoir se réorienter (entrée ou sortie du cursus).
Pour les concours PLP des disciplines techniques, le SNESUP demande donc de prévoir des cursus adaptés (VES, VAE) débouchant sur un niveau licence.
Le SNESUP demande que l'offre de licence soit réexaminée : premiers cycles cohérents avec les exigences ultérieures (master, concours, métier...), mise en place de licences ou de parcours de licence permettant d'acquérir les connaissances pluri-disciplinaires nécessaires aux concours spécifiques.
Les programmes de master enseignement sont l'objet d'un cadrage national. Cette formation en master doit comporter une politique cohérente de stages, avec une augmentation de leur importance, et une progressivité dans le temps.
Les stages de pratique accompagnée sont effectués sous la tutelle d'un formateur formé à cette mission spécifique. Ces stages ne doivent pas être l'occasion pour l'institution de dégager des moyens d'enseignement supplémentaires.
L'accès au master doit être sans sélection. Tous les étudiants (pré-recrutés ou non) doivent y avoir accès.
Le SNESUP demande en outre que soient développées dans les universités formation d'adultes et formation de formateurs. Il exige le droit à la recherche pour tous les personnels de formation.
Pré-recrutements :
Le SNESUP se prononce pour des pré-recrutements massifs, par concours, en fin d'année de licence 3, donnant le statut d'élève-fonctionnaire stagiaire.

À l'aide d'un plan pluriannuel de recrutement, le nombre de ces pré-recrutements sera à hauteur de 90% des postes proposés aux concours. Pour une cohorte d'étudiants, le nombre de pré-recrutés est donc inférieur au nombre de postes programmés pour l'année du concours qu'il passeront pour deux raisons : limiter le nombre de précaires et conserver une accessibilité au concours à des étudiants venant d'autres cursus.
Recherche :
La FDE est profondément liée à la recherche (par et avec la recherche). Le SNESUP demande que soit développée la recherche en éducation, sous toutes ses formes, et qu'un effort particulier soit consenti en toute urgence.
Il s'agit non seulement de l'aspect rattrapage (budgets, postes, développement et création de laboratoires), mais aussi de rendre cette recherche attractive. Le développement de la formation continue est une des pistes en ce sens.
Il demande la reconstitution d'un institut national de recherche en éducation et formation (INREF), en articulation avec le Centre National de la Documentation Pédagogique (CNDP).
Le SNESUP demande qu'à côté des laboratoires traditionnels existent d'autres structures labellisées (ERTé, structures fédératives, PPF, etc.) qui permettent de développer des recherches spécifiques au champ de l'enseignement, de la formation et de l'éducation.
Concours :
Au nom de l'égalité des citoyens pour l'accès au service public, le SNESUP considère que tout doit être fait pour rendre le service public capable d'offrir une préparation aux concours de recrutement à l'ensemble des étudiants qui le souhaitent.
Les épreuves de recrutement, en cohérence avec un programme national de licence, mesurent des compétences disciplinaires et des compétences à traiter l'information, nécessaires à une profession de niveau cadre A : problématiser, hiérarchiser, et synthétiser.
Le programme du concours de recrutement découle du programme des master enseignement, qui fait l'objet d'un cadrage national. Il est inclus dans le programme du master.
La nature des épreuves des concours devrait obliger les candidats à avoir suivi une formation professionnelle.
La place du concours est à la fin du M2, en une seule session (écrits-oraux).
Cette hypothèse de positionnement ne peut être valide qu'en cas de pré-recrutements massifs et/ou d'allocations suffisantes.
Dans le cas contraire, le SNESUP réexaminera le positionnement du concours et les contenus de formation en fonction de l'aspect social étudiant.
Passerelles :
Une année de préparation au concours, professionnelle donc, doit être mise en place en parallèle du master (cours en commun possibles) pour ceux qui auront échoué au concours, pour ceux titulaires d'un master qui sont en reconversion, notamment ceux issus d'un master recherche. Des places de pré-recrutement sur dossier seront réservées pour ces étudiants.
Cette année de préparation au concours doit être reconnue par le MESR, et doit participer à la DGF des universités qui la portent.
Post-concours :
Le SNESUP est pour une entrée progressive dans le métier. L'année post-concours doit donc être une année de formation, en alternance : 1/3 temps en établissement et 2/3 temps en formation.
Le statut sera, comme actuellement, celui d'un fonctionnaire stagiaire. Le jury de titularisation comportera, outre des membres des institutions académiques des universitaires qui auront fait partie des équipes pédagogiques de cette année de stage.
Les deux années suivantes T1 et T2 continuent de marquer une entrée progressive dans le métier. Durant ces trois années de formation, continue et à charge intégrale de l'État, l'accent doit être particulièrement mis sur la recherche.
La formation continue est un droit comme un devoir. Lorsque les enseignants sont en formation continue, ils doivent être remplacés. De surcroît, il faut améliorer les dispositifs de congés existants (congés formation, congés mobilité...). Cette formation doitavoir lieu sur le temps de service des enseignants.
L'offre de formation continue au sein des académies doit être fortement développée.

 

 

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