Le contrat doctoral « unique »

Publié le 30 mai 2009

 Article paru dans le Supplément au mensuel n°575 de mai 2009 : Pour nos métiers, poursuivre l'action !

Le contrat doctoral « unique »

  • par Marc Neveu

Ce contrat transforme le doctorant en contractuel de l’établissement et autorise le président d’université à sélectionner, plutôt que les meilleurs étudiants, ceux qui seront disposés à effectuer des tâches utilitaires.

Le décret n°2009-464 du 23-4-2009 relatif aux doctorants contractuels des établissements publics d’enseignement supérieur ou de recherche est une refonte profonde de la conception du financement des études doctorales, de la définition des tâches confiées à un doctorant, de son rapport à la formation à l’enseignement supérieur et de sa rémunération.

Refonte profonde parce que, malgré les modifications qu’il a subies, ce décret change radicalement la nature du financement des études doctorales. Alors qu’il était étudiant en formation (doctorale), recruté en fonction de ses compétences et financé pour cette formation à partir d’un cadre national d’allocations de recherche, le doctorant devient un contractuel de l’établissement embauché par le président d’université.

Selon son projet personnel, chaque doctorant doit pouvoir choisir librement les activités complémentaires à la préparation de la thèse. Le contrat doctoral risque au contraire de rendre obligatoires des prestations – sans rapport avec son activité de recherche ni sa formation à l’enseignement supérieur – définies par les chefs d’établissement (article 5).

Dans cette logique, les contrats doctoraux pourront sélectionner en priorité les étudiants prêts à effectuer des tâches utilitaires, plutôt que les meilleurs étudiants sélectionnés par les écoles doctorales. La disposition de l’article 3 al. 2 n’est en rien une garantie puisque l’école doctorale propose et le chef d’établissement dispose. La primauté de la formation à la recherche dans le cursus doctoral s’en trouve menacée.

De sérieuses menaces sur la formation à l’enseignement supérieur

La formation à l’enseignement supérieur, dont le SNESUP a toujours souligné l’importance, est également menacée. L’abrogation du décret n°89-794 relatif au monitorat d’initiation à l’enseignement supérieur fait en effet disparaître les centres d’initiation à l’enseignement supérieur. L’article 6 du projet qui prévoit simplement que « l’établissement employeur s’assure que le doctorant (…) bénéficie des formations utiles (…) » constitue, par rapport à l’article 3 du décret n°89-794, une régression inacceptable. On passe d’un processus de formation assuré au niveau national à une possibilité de formation locale variable selon chaque établissement.

Le décret propose un modèle de thèse imposé en trois ans, quel que soit le champ disciplinaire. Par ailleurs, l’absence, dans l’article 12, de référence à un indice brut de la fonction publique pour la rémunération des doctorants les expose à la dépréciation de leurs rémunérations. Ces deux éléments vont renforcer les disparités salariales d’une part entre les disciplines «rentables » et les autres, d’autre part entre les universités ordinaires et les universités privilégiées. Ils vont générer une compétition destructrice du tissu universitaire, aussi bien dans le champ des disciplines que dans le champ géographique.

Ce contrat doctoral n’est en rien « unique » : la disparité des situations est renforcée par le caractère local de l’embauche et de la définition des activités annexes. Le SNESUP demande le retrait de ce décret pour que soit enfin mis en place pour les doctorants un statut leur assurant un financement et la reconnaissance de leur qualité de chercheurs ou d’enseignants-chercheurs en formation.