Le Conseil d'État invalide la sélection en master

Publié le : 19/02/2016


Le Conseil d'État invalide la sélection en master

Les nombreux recours déposés avec succès par des étudiant-e-s auprès de tribunaux administratifs contre des refus non motivés d'inscription en master 2 ont posé la question de l'accès de droit en master. Elle a été examinée par les Comités de Suivi Master (CSM) et Licence (CSL). Le Conseil d'État, saisi par le TA d'Orléans, a rendu son avis le 10 février 2016 1 : aucune sélection ni à l'entrée, ni en cours de master.

Selon l'article L.612-6 du Code de l'éducation, l'accès en master est ouvert à tout titulaire d'un diplôme de 1er cycle. La sélection en fonction de capacités d'accueil, éventuellement subordonnée au succès à un concours ou à l'examen du dossier individuel, ne peut avoir lieu que dans les formations dont la liste limitative est fixée par un décret, à ce jour inexistant. Or, le décret en question n'a pas encore été édicté !

Il y donc un écart entre les faits et le droit, au vu des procédures de sélection existant dans nombre de formations de master sans base légale, comme l'a souligné le Conseil d'État. Ce dernier a rendu l'avis suivant : « l'admission à une formation de 2ème cycle au terme de laquelle est délivrée le grade de master, en 1ère comme en 2ème année, ne peut dépendre des capacités d'accueil d'un établissement ou être subordonnée au succès à un concours ou à l'examen du dossier des candidats que si cette formation figure sur la liste qu'elles mentionnent ». Il poursuit en estimant « que pour une formation de 2ème cycle qui n'est pas inscrite à cette fin sur une liste établie par décret pris après avis du CNESER, aucune limitation à l'admission des candidats du fait des capacités d'accueil d'un établissement ou par une condition de réussite à un concours ou d'examen d'un dossier des candidats ne peut être introduite après l'obtention des 60 premiers crédits européens, c'est-à-dire après la 1ère année ».

En outre, toujours selon cet avis du Conseil d'État, si l'arrêté du 25 avril 2002 relatif au diplôme de master édicte que l'admission en master 2 est sélective, « ces dispositions ne peuvent cependant avoir légalement pour objet ou pour effet de permettre de limiter l'admission des candidats, sauf à ce que la formation en cause ait été inscrite à cette fin sur une liste établie par le décret » prévue à l'article L 612-6.

Le Conseil d'État a donc tranché : pas de sélection ni à l'entrée, ni en cours de master, en l'absence de décret fixant une liste. Suite à cet avis du Conseil d'État et afin de « légaliser » la situation actuelle, le MESR, en liaison avec la CPU, demande aux universités de lister les Master 2 pratiquant actuellement la sélection.

Mais de quelle sélection parle-t-on ? Soucieuse de réussir la démocratisation de l'accès à l'ESR, l'université doit faire face à une explosion démographique : +150 000 étudiant-e-s accueilli-e-s depuis 2012 avec des moyens humains en baisse. Or les capacités d'accueil des formations ne font l'objet d'aucun texte réglementaire (hors limite de taille de groupes liée à des questions de sécurité). Elles ne sont pas corrélées aux effectifs. Les collègues, au pied du mur, se retrouvent contraint-e-s à gérer la pénurie de moyens tout en étant incité-e-s à proposer des pédagogies favorisant la réussite du plus grand nombre (travail en groupe à effectif réduit, projet, classe inversée, jeu de rôle, ...). La tentation est donc grande de glisser vers la sélection pour gérer l'incapacité de l'État à donner les moyens humains et budgétaires aux établissements, en fonction de leurs besoins, afin qu'ils puissent accueillir dans de bonnes conditions l'afflux des étudiant-e-s en Master, dans un service public de l'ESR digne de ce nom.

Même avec une liste des formations qui serait "très limitative" selon Najat Vallaud-Belkacem (Assemblée nationale, 17 février), celle-ci ouvrirait la boite de Pandore à tout établissement qui souhaite pratiquer une sélection : le critère d'inscription à cette liste - notamment, les capacités d'accueil - n'étant pas défini par la loi.

La sélection en master va à l'encontre de l'élévation de qualification du plus grand nombre. La sélection des seuls « bons » étudiants, « présumés » capables de suivre en master, faute de bonnes conditions pour accueillir les autres, va à l'encontre de la démocratisation de l'accès à l'ESR public.

Au sein d'une même université, dans une même UFR, il arrive encore que des lauréat-e-s d'une licence ne puissent accéder de droit à un master de même mention. Une liste de mentions de licence permettant dans chaque université l'accès de droit à une mention donnée de Master serait un premier pas dans ce sens. De même, chaque mention de master devrait pouvoir indiquer les mentions et/ou parcours-type de licence permettant l'accès de droit.

Le SNESUP-FSU se prononce contre toute forme de sélection pour l'accès en M1 et entre le M1 et le M2. Il défend l'accès de droit, pour tout-e titulaire d'une licence, à un master de la mention correspondante.


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1 Conseil d'État, avis du 10 février 2016, Université de Tours, n° 394594, publié au recueil Lebon :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000032008557&fastReqId=897609054&fastPos=12&oldAction=rechJuriAdmin