La présidence de l’université d’Artois s’allie à l’Institut catholique de Lille
- Jérôme Buresi, secrétaire de la section Snesup-FSU de l'Université d'Artois,
- Jacques Stambouli, secrétaire-adjoint
- Christian Mathieu, membre du Conseil d'Administration de l'Université d'Artois
- Patrice Nagel, membre du Conseil d'Ecole de l'IUFM, membre du Conseil d'Administration sortant de l'Université d'Artois
- Elisabeth Nonnon, membre du Conseil d'Ecole de l'IUFM, du Conseil des Etudes et de la Vie Etudiante de l'Université d'Artois,
- Philippe Enclos, secrétaire national du Snesup, coordinateur Nord-pas-de Calais
- Catherine Piecuch, secrétaire académique de la FSU
Le texte ci-dessous a alors été remis à la presse locale (Voix du Nord, Avenir de l'Artois, Observateur de l'Arrageois, Liberté 62).
La section Snesup de l'Université d'Artois, qui s'est reconstituée suite au mouvement des universités de l'année 2009, en particulier contre la réforme de formation des enseignants, tient aujourd'hui à informer la presse des points suivants :
1. La volonté de la Présidence de l'Université d'Artois de regrouper à Arras les sites IUFM (Instituts Universitaires de Formation des Maîtres) de Douai, Outreau et Gravelines.
Comme nous le savons par nos collègues concernés, les étudiants des IUFM d'Outreau et de Gravelines sont mécontents et mènent diverses actions actuellement, en particulier la grève des enseignements depuis le 4 février à Outreau. Ces mécontentements ont bien sûr de multiples sources : à la fois nationales, du fait du caractère désastreux des conditions actuelles de formation des futurs enseignants du primaire et du secondaire ; mais aussi locales, du fait de la menace de fermeture qui pèse sur ces sites. Qu'est-ce qui justifie ces craintes ?
On se rappelle l'annonce (doit-on dire prématurée ?) de la fermeture du site de Douai par M. Christian Morzewski, Président de l'Université d'Artois, en octobre 2009, qui devait d'ailleurs être suivie déjà par celle de Gravelines.
Aujourd'hui nous sommes dans la même situation de menaces de fermeture de ces sites même si la situation est en apparence très différente, puisqu'aucune annonce n'est faite. En effet, par le biais d'un "schéma pluriannuel de stratégie immobilière" que prépare actuellement la direction de l'université dans le cadre de la politique immobilière de l'État, il a été demandé un avis du Conseil d'Administration de notre Université d'Artois sur plusieurs scénarios possibles, dont certains prévoient des fermetures de ces centres IUFM : Douai explicitement et dans certains scénarios, Gravelines et/ou Outreau, indirectement par le biais de regroupements.
Le Snesup de l'Université d'Artois dénonce fermement ces projets de fermeture de centre de formation des enseignants, qui jouent, comme notre Université, un rôle de formation de proximité et qui permettent une démocratisation de l'accès à la formation d'enseignants. Il rappelle que notre société a besoin d'un enseignement démocratique et de qualité, avec des enseignants bien formés, pour répondre aux demandes de la population et aux besoins d'une économie dynamique, créatrice d'emplois et de richesses pour tous.
2. La volonté de donner le droit de délivrer des diplômes universitaires publics à des organismes privés, en particulier à l'Institut Catholique de Lille.Dans ce contexte très tendu fait d'incertitudes face au devenir de certains sites dédiés à la formation des enseignants, est passé au Conseil d'Administration de l'Université d'Artois un avenant à une convention pour permettre à l'Institut Catholique de Lille (ICL) de délivrer des masters métiers de l'enseignement.
De façon générale, cela soulève un problème de laïcité dans notre pays, c'est-à-dire de l'application de la séparation entre l'État et les religions. Car l'adoption d'une convention de l'Université d'Artois avec l'Institut Catholique de Lille pour la formation des enseignants (qui pourront donc passer, grâce à leurs diplômes universitaires, des concours de la fonction publique d'État) est une « faveur » pour un établissement privé qui dépend de l'Église catholique. Rappelons que, comme nous en informe le site Internet de cet institut, son Conseil Supérieur comprend l'archevêque de Lille, l'archevêque de Cambrai et l'évêque d'Arras.
Alors qu'on ne se prive pas de rappeler aux musulmans à juste titre d'ailleurs, la laïcité obligatoire dans l'Éducation Nationale (par exemple en matière de « signes ostensibles »), on entérine des accords Kouchner-Vatican qui reconnaissent la valeur des diplômes ayant reçu l'approbation du Vatican et on prolonge maintenant cet accord jusque dans la délivrance de diplômes conduisant au professorat de l'Éducation Nationale. Nous ne pouvons pas ainsi cautionner cet usage scandaleusement détourné du principe de laïcité.
Cependant, nous voulons nous attarder sur la situation régionale. Les instituts catholiques, instituts privés confessionnels, non soumis aux règles de la Fonction publique d'État, n'ont pas le droit de délivrer des diplômes d'état. Ils le font pourtant parfois dans la pratique, via des conventions avec des universités ou des jurys rectoraux. Pour cela, le rectorat, représentant du Ministère de l'Éducation nationale, nomme des jurys, avec présence de fonctionnaires d'état, en vue de délivrer les diplômes nationaux aux étudiants.
Or la pratique régionale montre que les relations ne sont pas bonnes entre les Universités publiques et l'ICL. Par exemple, l'Université de Lille 2 a refusé de renouveler cette année sa convention avec cet organisme, estimant être instrumentalisée . Pour pouvoir continuer à délivrer des diplômes nationaux de Licence et Master, l'Institut catholique de Lille a donc passé une convention avec l'Université de Toulouse1 pour les diplômes de droit. De plus pour adosser ses maquettes master à la recherche, l'Institut catholique de Lille cherche des cautions scientifiques et les trouve dans des conditions problématiques, elle n'hésite pas à y mentionner que des enseignants-chercheurs d'universités publiques assurent des responsabilités pédagogiques, parfois même, semble-t-il, à leur insu.
Le vote de la convention de l'Université d'Artois avec l'Institut catholique de Lille s'est fait dans des conditions très douteuses. Il y a d'abord eu une convention (dont nous n'avons aucune trace et sur laquelle le Conseil d'Administration ne s'est pas prononcé) signée le 5 novembre 2010, puis le Président a soumis un avenant à cette convention au CA du 21 janvier. Cet avenant était passé peu de temps auparavant devant le Conseil des Etudes et de la vie Universitaire (CEVU) qui l'a rejeté par 11 voix contre 8. Au conseil d'Administration du 21 janvier le résultat du vote a été le suivant :10 voix pour, 10 voix contre (et une abstention). Ce que le Président de l'Université, Christian Morzewski, a traduit par « adopté », grâce à sa voix prépondérante. Et cela alors même que les maquettes des huit masters concernés par cet avenant n'avaient pas été présentées au CA.
Le Snesup de l'Université d'Artois dénonce les conditions dans lesquelles cette convention a été adoptée entre notre Université et l'Institut privée catholique de Lille. Elle demande que cette convention ne s'applique pas et se réserve le droit de tout recours en justice pour obtenir l'annulation de cette convention qui transfère le service public d'enseignement supérieur à une école privée confessionnelle.
3. La situation déplorable de la formation des enseignants de l'académie de Lille et la remise en cause d'une formation académique publique des enseignants.
Toutes ces observations ne doivent pas nous faire oublier la situation déplorable concernant la formation des enseignants dans notre Académie. En plus de tous les problèmes recensés un peu partout en France où des « nouveaux enseignants » (pour certains pas encore diplômés) doivent faire face à des horaires et des niveaux de cours insupportables (et que certains ne supportent pas), c'est toute l'architecture de la formation qui est en cause dans notre région.
Le 12 janvier 2010 les Présidents des différentes universités, la direction de l'IUFM et le recteur avaient signé, bon gré mal gré, à la suite d'interventions du SNESUP un accord intitulé « Principes directeurs pour un schéma régional de la formation des enseignants ». Il est dit dans ce texte que « le master donnant accès au recrutement des Professeurs des Ecoles (PE) fera l'objet d'une mention unique cohabilitée par les 5 autres universités intéressées et portée par l'Université d'Artois et l'IUFM du Nord-Pas-de-Calais » et ceci « dans le respect des exigences d'un master ».
La convention de l'Université d'Artois avec l'ICL risque de faire voler en éclats cette convention obtenue difficilement puisque aucune université (pas même celle d'Artois sans doute) n'a été associée, ni consultée pour l'élaboration des maquettes de cet établissement, contrairement aux maquettes du master public des spécialités enseignement qui avaient été pilotées par une commission du PRES regroupant les différentes universités. A cela s'ajoute les conditions d'études dans les masters pour l'année prochaine. En date du 19 janvier 2011, (c'est-à-dire après la « négociation » avec l'Institut Catholique de Lille), le Président de l'Université d'Artois a envoyé une lettre aux présidents des cinq autres universités de l'académie dans laquelle il écrit qu' "en 2010-2011, l'Université d'Artois a assuré les enseignements professionnels des masters métiers de l'enseignement du second degré (mais pour) l'année 2011-2012 chaque université sera amenée à prendre intégralement le financement de ces masters". Cela bouleverse évidemment les conditions de coopération édictées par l'accord du 12 janvier. Cette lettre se conclut par la mention d'une possibilité de « collaboration » dans une « convention 2011-2012 à conclure entre (les) établissements. »
Le président de l'Université de Lille3 a alors dénoncé, à juste titre, la rupture unilatérale par celui de l'université d'Artois de l'accord du 12 janvier 2010, soulignant que cette question aurait dû être « traitée » lors d'une réunion des différents Présidents le 7 février 2011 dans le cadre du bureau du PRES. Que s'est-il dit dans cette réunion? L'opacité malheureusement est la règle de ce bureau du PRES. Cela dit, cet échange de lettres montre à quel point la formation des enseignants est malmenée, voire méprisée, puisque dans ces échanges il n'est en aucune façon question de formation « réelle » à améliorer ou à créer mais seulement de question financière voire de « réputation ». Un autre exemple vient conforter cette vision à court terme et désastreuse de la Présidence de notre Université d'Artois : il a été suggéré et presque décidé que l'Université d'Artois ne financerait plus (en clair fermerait) les formations dédiées à la préparation aux concours d'enseignants des lycées professionnels si les effectifs étaient trop faibles. Alors même que la région a un nombre important de lycées professionnels et que le centre de l'IUFM a été lui-même centre d'examen du concours CAPLP et possède pour cela du matériel sophistiqué.
Le Snesup de l'Université d'Artois demande dans l'immédiat que la formation des enseignants de notre Académie continue de se faire comme prévu en janvier 2010 par des coopérations et des cohabilitations entre les 6 universités publiques de notre Académie.
Déjà le 23 février 2010, l'assemblée des adhérents du snesup de l'académie faisait savoir qu'« elle réaffirmait que l'approbation, par l'ensemble des personnels concernés, de tout schéma directeur d'organisation académique de la formation des enseignants constituait l'une des conditions nécessaires de son succès. Elle rappelait également cette évidence, déjà formulée dans une lettre ouverte de la FSU Nord Pas de Calais en date du 27 octobre 2009, que cette réflexion et ces travaux devaient aussi associer les collectivités locales concernées. A cet effet, elle réitérait avec force la proposition d'ouverture d'une conférence régionale à laquelle seraient invités tous les acteurs cités. »
Nous n'avons pas avancé depuis lors. La formation des enseignants concerne pourtant l'avenir de notre région et de toute sa jeunesse.