La nécessité d'une véritable politique de l'emploi

Publié le : 19/11/2012


La nécessité d’une véritable politique
de l’emploi

par Noël Daucé, secrétaire national du SNU (Syndicat national unifié) Pôle Emploi

La conférence sociale des 9 et 10 juillet faisait partie du programme du nouveau président
de la République. Renommée « la grande conférence sociale », elle a concentré un certain
nombre d’enjeux politiques et sociaux importants, sur la forme comme sur le fond.

La grande conférence sociale a marqué
une rupture de méthode sur plusieurs
plans par rapport aux pratiques de l’ex-gouvernement.
Elle s’est voulue comme un cadre
de réhabilitation du dialogue social avec les
organisations syndicales, loin de la dénonciation
virulente contre les corps intermédiaires
qui fleurissaient dans les discours
électoraux sarkozystes. 

Elle s’est ouverte avec la présence de plusieurs
organisations syndicales : la FSU, l’UNSA, et
Solidaires – habituellement bannies de ce
genre d’initiative – avec toutefois des limites
puisque la détermination de la présence aux
sept tables rondes était basée sur le fait de siéger
à différents organismes consultatifs,
comme le Conseil d’orientation des retraites,
le Conseil supérieur de la
fonction publique, le
Conseil national de la formation
professionnelle
tout au long de la vie. Dès
lors, alors que la FSU est
la première organisation
dans l’Éducation Nationale
et à Pôle Emploi, l’UNSA a
pu siéger dans quatre
tables rondes, la FSU dans
trois (développer les compétences
et la formation tout au long de la vie,
assurer l’avenir des retraites et de notre protection
sociale, moderniser l’action publique
avec ses agents) et Solidaires dans une seule.
Cette typologie aléatoire a donc éliminé la FSU
de la table ronde sur le développement de
l’emploi et en priorité l’emploi des jeunes.
D’autres organisations ont été complètement
éliminées comme l’UNEF ou la JOC ainsi que
des organisations de chômeurs. Il est particulièrement
incongru de discuter sur l’emploi
et le chômage en leur absence. 

Après l’introduction du président de la République,
la synthèse finale du Premier ministre
a dressé un calendrier assez fourni des négociations
sociales, véritable calendrier de
négociations pluri-thématiques, échelonnées
au moins sur la première moitié de la législature.
Au-delà de la méthode, la question
essentielle du « contexte financier contraint »,
selon l’analyse gouvernementale, a couru
tout au long des différentes tables rondes et
a représenté un obstacle omniprésent. En
effet, toute analyse syndicale partant des constats, des dégâts et régressions sarkozystes
pour aller à la nécessité d’une politique
dynamique pour l’emploi, les retraites,
le pouvoir d’achat, les minima sociaux, la
reconstruction des services publics, se heurte
à cette question. 

Faire de nouveaux choix 

La dette n’a pas à être sacralisée, il faut en
démêler les fils, la nature. Il peut exister des
politiques économiques jouant sur des déséquilibres
financiers porteurs de dynamique
sociale positive. Fondamentalement, la question
centrale réside à la fois dans les capacités
à trouver des ressources nouvelles
(notamment par une réforme fiscale audacieuse),
à faire des choix politiques nouveaux
affrontant les privilèges
et les inégalités
accumulés depuis plus
de 20 ans. 
Jean-Marc Ayrault a
défendu le plafonnement
des rémunérations
des patrons des grandes
structures publiques et
la présence des organisations
syndicales dans
les conseils de rémunérations
patronaux et les conseils d’administrations.
Il n’en fallait pas plus pour que la
délégation du MEDEF nous offre, à la sortie
de la conférence, une démonstration savamment
orchestrée de théâtre social. Après
avoir ostensiblement refusé d’applaudir le
discours du Premier ministre, Laurence Parisot
à la tête de la délégation du MEDEF a
déclaré, devant une forêt de micros et de
caméras, qu’il ne fallait surtout pas « parler
de clash » mais que « le gouvernement ignorait
totalement les réalités vécues par les
entreprises ». 
En coulisse, d’autres cheminements sont en
mouvement. L’exercice d’équilibre gouvernemental
laisse entrevoir la quête propre à
une orientation politique traditionnellement
sociale-démocrate. La crise européenne, ses
rebondissements et son actualité hexagonale
pourraient renforcer cette recherche, allant
vers la création d’un pôle syndical d’accompagnement
consolidé. La CFDT, l’UNSA, une
bonne partie de la CGC pourraient y poser dès aujourd'hui leur candidature.

Renforcer la démocratie citoyenne 

Par ailleurs, un sujet au contour assez mal
défini est le projet politique « de constitutionnalisation
du dialogue social ». Ce projet
semble ouvrir la possibilité d’inscrire des
accords issus de négociations entre « partenaires
sociaux » dans des lois. Ceci imposerait
une révision de la Constitution.
On voit bien qu’ainsi, on se place à la charnière
entre la légitimité du politique et la légitimité
sociale du syndicalisme. Vaste question
qui renvoie à la fois la crise grandissante de
la sphère politique, les limites démocratiques
de la Constitution de 1958, et la distance
entre les partis et les réalités sociales du
pays. Cette analyse entre en résonance avec
la faiblesse du taux de syndicalisation en
France, les éléments accélérés de fragmentation
et de dislocation sociale et les mouvements
profonds, souterrains ou visibles, de
recomposition syndicale. Sans oublier les
problématiques générales de démocratie
citoyenne et sociale telles que les consultations
dans les entreprises, les services publics
et les référendums. 
Notre présence à la conférence sociale a permis
d’affirmer très fortement la place de l’ensemble
des composantes du service public
dans toute politique de l’emploi qu’il s’agisse
des missions locales, de l’AFPA, des services
du ministère du travail totalement oubliés et
de Pôle Emploi. Un coup d’arrêt semble avoir
été mis à la destruction de l’AFPA, mais la
bataille est loin d’être terminée pour un véritable
plan de reconstruction à grande échelle du service public de l'emploi.