La loi Refondation : Quels liens avec l'enseignement supérieur ?

Publié le 15 octobre 2013

LA LOI REFONDATION  Quels liens avec l’enseignement supérieur ? 

par Gisèle Jean et Claudine Kahane

La mise en place de la FDE est très mal engagée. Les ESPE sont laissées à l’appréciation des recteurs et présidents d’université suscitant de nombreuses inquiétudes quant à leur fonctionnement.

Le lien le plus évident entre la loi refondation et l’enseignement supérieur est la création, dans les universités, des Écoles Supérieures du Professorat et de l’Éducation (ESPE). Pourtant, cette loi a des conséquences sur la formation des étudiants, qui vont bien au-delà de la question de la création d’une structure. 

Le débat initial – les ESPE devaient-elle être des écoles liées au rectorat ou des composantes de l’université ? – a été tranché « en faveur » de l’Université. Pourtant, à regarder de près, il s’agit plus d’un transfert de charges que de pouvoir. 

Structures : un choix piloté par le ministère de l’Éducation nationale 


La concertation sur la formation des enseignants a, dès le départ, été menée par le MEN (sous la responsabilité du recteur Boissinot), le SNESUP n’étant jamais convié à quelque rencontre que ce soit. Bien qu’il s’agisse de structures rattachées à une université ou à un regroupement d’universités (PRES ou communauté d’universités), c’est dans la loi de Refondation, publiée le 11 juillet 2013, et non dans la loi sur l’Enseignement Supérieur et la Recherche, publiée le 22 juillet 2013, que sont définies les ESPE. 

Une coordination entre rectorat et universités très insuffisante 


La rentrée s’est faite avec des moyens insuffisants accordés aux ESPE par les rectorats, notamment pour permettre le fonctionnement d’équipes pluri catégorielles intégrant des personnels du premier et du second degré. Faute de coordination entre rectorat et ESPE, la conciliation entre travail et formation devient impossible pour les étudiants en M2 admissibles, devenus contractuels à tiers temps en établissements ou écoles à la rentrée. Ce sont les universités qui doivent, de fait, s’ajuster aux difficultés de gestion des rectorats. 

Un pouvoir excessif donné aux recteurs 


Le décret d’application sur les conseils d’école des ESPE (art. 5) confirme le poids des recteurs dans la mise en place des ESPE : alors que l’établissement fait partie d’une université, les listes électorales des conseils d’école sont arrêtées par le recteur ; les statuts de l’ESPE, qui seront ultérieurement adoptés par le premier conseil d’école, sont préparés par une commission constituée par le recteur, comprenant des représentants des universités intégratrice et partenaires de l’ESPE, mais sans la participation des personnels et des usagers ! 

Les temps de formation et les contenus sont très insuffisants 


Le choix de placer le concours au cours du second semestre de M1 a réduit le temps de préparation aux concours. Ces concours, plus professionnels, formatés sur 4 épreuves « identiques » quels que soient le niveau ou les disciplines, ont été décidés sans aucune concertation avec le monde universitaire, pourtant le premier concerné par les préparations. À la rentrée 2015, si rien ne change, les étudiants seront, durant le M2, à mi-temps dans des classes en pleine responsabilité comme fonctionnaires stagiaires et devront, simultanément, préparer leurs cours et suivre des enseignements de master. De fait, la place de la recherche dans les masters MEEF, pour laquelle le SNESUP et la FSU se sont battus, est réduite à la portion congrue, voire dans certains cas inexistante. En fait, lorsque le MEN vante l’introduction de « plus de professionnel » dans la formation des enseignants, il s’agit tout simplement de pallier l’insuffisance de recrutement depuis 5 ans en utilisant les étudiants comme personnels d’enseignement d’appoint. Au total, par comparaison avec les formations disciplinaires et professionnelles délivrées jusqu’en 2010, avant la réforme dite de mastérisation. les stagiaires subissent une réduction d’un tiers d’heures de leur formation. 

La réforme du lycée et la poursuite d’études 


La loi refondation, qui s’inscrit dans l’école du socle (c’est-à-dire celle de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans), et la dernière réforme des programmes de lycée, qui s’est faite contre la profession enseignante, ont des effets négatifs, que l’on mesure aujourd’hui, sur la formation des étudiants qui entrent à l’université. Comment la réforme des lycées à venir est-elle pensée en termes de poursuite d’études : pour tous ou pour quelques-uns ? 
Pour le SNESUP, la formation des étudiants ne peut être pensée indépendamment des contenus enseignés dans le secondaire, sans pour autant secondariser les premiers cycles universitaires ni universitariser le lycée. Comme la formation initiale et continue des enseignants, l’élaboration des programmes doit intégrer une dimension universitaire plus importante. La composition du Conseil supérieur des programmes, qui va se mettre en place dès le mois d’octobre, n’indique pas une évolution dans ce sens. 
C’est pourquoi le SNESUP est partie prenante d’un collectif de formateurs, chercheurs en éducation, syndicats, associations de spécialistes et sociétés savantes, qui lance un appel pour proposer une autre conception de l’élaboration des programmes scolaires (http://refonderprogrammesscolaires). 
Sur toutes ces questions, le SNESUP est intervenu dans les débats (au CNESER, au CSE) sur la loi refondation et continue à le faire, au fur et à mesure de sa mise en place, malgré l’ostracisme du MEN à son égard, tant cette loi a et aura d’effets sur les étudiants et les contenus de formation à l’université.