La dette publique est-elle nécessaire ?

Publié le 30 septembre 2024
La question de la dette publique a été particulièrement présente dans les débats depuis les élections européennes et législatives. Son importance appellerait l’austérité budgétaire, parfois (mal) nommée « politique de rigueur », et justifierait de nouveau d’importantes coupes budgétaires. Nous avons sollicité Henri Sterdyniak, cofondateur des Économistes atterrés*. Son propos relativise le risque lié à la dette publique tout en mettant en évidence la nécessité d’un autre financement public.

par HENRI STERDYNIAK, économiste atterrés

Fin 2023, la dette publique française atteignait 111 % du PIB. Ce niveau est mis en avant par les hommes politiques de droite pour imposer une forte baisse des dépenses publiques. Ce niveau de dette n’est pas une spécificité française. Si la dette allemande n’est que de 64 % du PIB, celle des États-Unis atteint les 122 %. Pour l’ensemble des pays avancés pris globalement, le ratio de dette est identique à celui de la France.

L’objectif imposé à chaque pays d’augmenter son attractivité pour le capital en faisant pression sur les salaires et les dépenses sociales, en augmentant le profit des grandes entreprises et les revenus des plus riches, induit un déficit de demande à l’échelle mondiale qui rend nécessaire les dettes publiques, et donc la dette.

UNE DETTE SANS RISQUE

La charge de la dette doit être évaluée, non par le taux d’intérêt nominal, mais par ce taux corrigé de la croissance économique en valeur. En 2023, la charge nominale de la dette française n’a été que de 1,7 % du PIB, soit un taux d’intérêt moyen de 1,55 % pour une croissance nominale du PIB de 6,3 %. La France s’endette aujourd’hui à 2,95 %, ce qui reste inférieur au taux de croissance potentielle du PIB français (de l’ordre de 3,25 % en valeur). Chaque année, l’État fait rouler sa dette : il finance les remboursements par de nouveaux emprunts. Ainsi, en 2023, il a pu faire financer 2,7 % du PIB de dépenses publiques par les marchés (en net, c’est-à-dire emprunts moins remboursements moins charge d’intérêt). La dette publique française est considérée comme sans risque. L’État n’a aucune difficulté à lever des fonds.

Les générations futures hériteront de la dette publique, mais aussi des titres publics qui l’ont financée.

UNE CHARGE POUR NOS ENFANTS ?

La dette ne pèsera pas sur nos enfants. Les administrations françaises sont certes endettées, mais elles possèdent des actifs physiques et financiers de sorte que leur richesse nette représente 20 % du PIB. En 2024, le solde extérieur de la France devrait être nul. Cela signifie que le déficit public correspondra à l’épargne des Français. La dette publique est désirée par les Français, qui veulent épargner dans un actif sans risque. Les générations futures hériteront donc de la dette publique, mais aussi des titres publics qui l’ont financée. Surtout, ils hériteront du patrimoine global de la France, évalué à 9,5 fois le PIB.

FINANCER LES DÉPENSES

Dans la situation actuelle, le déficit public, et donc la dette, est nécessaire pour soutenir l’activité. Cependant, la dette nous met à la merci des créanciers, qui peuvent faire augmenter le taux d’intérêt sur les titres publics si la politique économique suivie ne leur convient pas. Aussi, faudrait-il réduire

la nécessité du déficit en finançant la hausse des dépenses pour les services publics par l’augmentation des impôts sur les plus riches et en conditionnant les aides aux entreprises à des embauches ou à des investissements utiles. Le développement d’un secteur financier public permettrait d’assurer le financement de l’État et des collectivités locales à des taux contrôlés.

* Henri Sterdyniak vient de cosigner, avec Thibault Laurentjoye, « La dette, un prétexte pour prôner la baisse des dépenses publiques (ou le retour du fétichisme budgétaire) », note des Économistes atterrés du 26 août 2024.