L’enseignement supérieur : une terre à défricher pour la recherche pédagogique

Publié le : 02/10/2010

Article publié dans le mensuel n°587 de septembre 2010

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  •  Par Marie-Claude Derouet, MCF UMR Éducation et Politiques, INRP

L’essor de la recherche en éducation est lié en France au projet de démocratisation des études issu dans les années 1960 du plan Langevin-Wallon. En 1965, l’Institut pédagogique national crée un service de recherche – ancêtre de l’INRP – qui reçoit commande de « collèges expérimentaux » pour déterminer les conditions d’accueil de tous les enfants dans le secondaire et d’importants moyens de recherche – dont des enseignants avec des décharges de service allant jusqu’au mi-temps. De même, en 1967, les sciences de l’éducation sont constituées en discipline universitaire.

Cet accompagnement du projet politique par la recherche ne s’est pas poursuivi : la réflexion sur l’ouverture des lycées à partir de l’objectif « 80 % d’une génération au niveau du bac » a été insuffisante. Malgré des travaux comme ceux du CNAM, le mot d’ordre européen de formation tout au long de la vie n’est pas accompagné de recherches sur la formation des adultes, à la hauteur des enjeux.

Depuis vingt ans, les intérêts de la recherche se déplacent vers le supérieur mais sans lien avec le projet de démocratisation. Relayé par les organisations internationales et la commission européenne, ce mouvement est maintenant dominant. La sociologie des organisations qui s’intéressait aux fonctionnements universitaires s’est renforcée avec l’introduction du nouveau management public. La mise en place du Processus de Bologne a été suivie avec attention. En France, l’étude des grandes écoles et des classes préparatoires est désormais un objet couramment travaillé. En revanche, il existe fort peu de réflexion sur les pratiques d’enseignement, l’accompagnement et le soutien pour prévenir les difficultés des étudiants, l’éventuelle reformulation des contenus, l’utilisation des TICE... Depuis deux ou trois ans pointent le suivi et l’évaluation des dispositifs d’orientation lors de la transition entre le lycée et le supérieur puis la construction des parcours des étudiants.

La pédagogie universitaire est peu développée au plan international, ce qui tient aussi aux réticences du milieu universitaire luimême. Les réflexions menées dans les pays anglo-saxons portent sur l’adaptation de l’enseignement universitaire à la massification. En Europe, mais peu en France, l’apprentissage et l’enseignement à l’université sont abordés par l’évaluation des effets de Bologne et du passage au LMD. Des études sont conduites sur la mise en oeuvre du cadre européen des compétences en langues, sur l’impact de la gestion du système ECTS dans les départements, sur les situations d’apprentissage et d’enseignement vécues par les étudiants au cours de leur scolarité. L’introduction du ELearning est réfléchie en termes de diversification du temps de travail des étudiants et des professeurs, de changements des savoirs transmis et des pratiques pédagogiques. Enfin, de plus en plus, le rôle de l’enseignement supérieur est étudié dans la promotion d’une formation tout au long de la vie et l’amélioration des compétences des jeunes et des adultes.

Les difficultés des universités appellent en France une commande politique en direction de la recherche. C’est une des directions que l’ANR devrait prendre en compte. Depuis quelques années les compétences de l’INRP se sont étendues aux formes d’enseignement postbaccalauréat et à la formation tout au long de la vie. L’expérience acquise par cet institut dans l’accompagnement des acteurs de terrain devrait être mise au service de la démocratisation de l’enseignement supérieur.